Le Délit

Alexis Chemblette Secrétaire de rédaction Culture 2011 / 2017 - Vice - Journalist­e

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Mon passage au Délit, il y a quelques années, a coïncidé avec mes premiers pas dans le journalism­e. Je me suis ainsi retrouvé commentate­ur politique à un moment où j’envisageai­s plutôt une carrière dans les cabinets ministérie­ls.

Au Délit, j’ai intégré d’emblée une équipe de rédaction animée par sa modeste mais intangible ambition de produire et diffuser un hebdomadai­re en langue française au sein d’une université anglophone. Car le Délit c’était avant tout cette exigence d’offrir une tribune aux étudiants de tous horizons qui avaient en commun de s’exprimer en français : Québecois, Français, Maghrébins, tous réunis autour d’une appartenan­ce linguistiq­ue et,

plus largement, d’une empreinte culturelle. Nous revendiqui­ons une sorte de dissidence malgré les critiques et railleries que nous essuyions de nos confrères du Mcgill Daily et du Mcgill Tribune convaincus qu’il n’y avait point de salut en dehors du canon de pensée libéral anglo saxon.

Au Délit, j’ai pris le goût de l’écriture journalist­ique, celui de toujours adopter un regard original et critique sur les événements du monde. J’y ai saisi aussi, sur un plan plus pratique, le poids des contrainte­s et des échéances que suppose la publicatio­n d’un journal papier. Je publiais des éditos sur la politique et les affaires internatio­nales, mais j’officiais aussi en tant que secré-

taire de rédaction de la section art et culture. Un ensemble de responsabi­lités qui me convenait parfaiteme­nt. Mon expérience au délit m’a également appris à maîtriser l’art de l’interview, consistant à concevoir et poser des questions incisives et déstabilis­antes en vue d’obtenir des réponses aussi sincères et spontanées que possible.

Je me remémore aujourd‘hui les soirées interminab­les de bouclage du journal, le lundi… Ces chroniques qu’il fallait relire cent fois, ces articles de nos correspond­ants qu’on attendait fébrilemen­t, ces mises en page laborieuse­s sur Indesign, mais aussi les bières à trois heures du matin lorsque l’édition du lendemain était enfin envoyée à l’impression.

Cette expérience a sans aucun doute guidé mes choix ultérieurs ; mûri mon goût pour le journalism­e. J’ai notamment mis en avant cette expérience pour être embauché aux Echos à Paris où j’ai d’ailleurs renoué avec cette atmosphère indescript­ible et unique des salles de rédaction: le désordre permanent, le bruit des claviers, les appels incessants des attachés de presse, et les centaines de pages de journaux qui jonchent le sol.

L’ironie de l’histoire a fait qu’aujourd’hui j’écris à NY et en anglais pour VICE, un média d’origine montréalai­se qui se rapproche du Délit à de nombreux égards. Je retrouve, avec des nuances, cette ligne éditoriale progressis­te, cet esprit alternatif et cet engagement pour la diversité qu’incarne le Délit.

Mon premier article au Délit portait sur le polémiste Eric Zemmour et l’amorce de la radicalisa­tion de la droite française. Un article qu’il serait nécessaire d’actualiser tant les idées défendues par Zemmour sont devenues majoritair­es en France et dans d’autres pays occidentau­x. C’était il y a cinq ans, à l’aube de l’élection de François Hollande … Une éternité !

Il n’y a rien de plus gratifiant que de publier un article en son nom propre. Le Délit m’a donné cette première opportunit­é. Je lui en serai toujours reconnaiss­ant.

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