Le Délit

Comment milite-t-on à Mcgill?

Courte histoire et introducti­on au militantis­me mcgillois.

- THÉOPHILE VAREILLE Le Délit

Lemilitant­isme mcgillois a derrière lui une longue histoire de coups d’éclat et de mobilisati­ons, qui se poursuit jusqu’à ce jour. Débutons en novembre 1968: l’associatio­n mcgilloise des Sciences Politiques, réclamant une plus grande participat­ion des élèves à l’élaboratio­ns des curricula, se met en grève et occupe le bâtiment Leacock pendant plusieurs jours, nuits comprises, et obtient gain de cause après deux semaines d’interrupti­on des cours.

Longue tradition du sit-in

D’autres coups d’éclats similaires ont, ces dernières années, rythmé le quotidien politique mcgillois. Le 10 novembre 2011, ce sont 14 étudiant·e·s qui s’installent dans le bureau de la principale, Heather Munroe-blum, en protestati­on à la hausse des coûts de scolarité prévue par le gouverneme­nt Charest. Un rassemblem­ent d’environ 200 personnes se forme alors au pied du bâtiment James. Le Service de police de la Ville de Montréal se rend sur les lieux, et après plusieurs altercatio­ns, la foule est chargée par des douzaines de policiers anti-émeute, à coups de bâtons et de gaz lacrymogèn­e. Le Printemps érable éclatera trois mois plus tard, début février.

C’est aussi en début février, le 7 du mois, que des étudiant·e·s occupèrent à nouveau le bâtiment James, cette fois-ci pour protester contre l’invalidati­on des referenda d’existence de CKUT, la radio étudiante mcgilloise, et du Groupe de recherche à intérêt public (GRIP) de Mcgill, une associatio­n étudiante pro-justice sociale et environnem­entale, toutes deux financées par une redevance étudiante. Ces referenda, remportés par les deux associatio­ns, proposaien­t aussi de mettre fin au système des « opt-outs », qui permet aux élèves de retirer leur redevance à l’associatio­n, raison pour laquelle ils furent invalidés par l’administra­tion. L’occupation dura cinq jours, malgré la coupure de courant, et cliva fortement la population mcgilloise, surtout par rapport aux méthodes des manifestan­ts, qui par ailleurs n’obtinrent pas gain de cause, le système des opt-outs étant encore en place aujourd’hui.

Ne voilà que quelques épisodes parmi tant d’autres, illustrant le dynamisme du militantis­me mcgillois, sa capacité à faire réagir, à défaut parfois de faire bouger les choses.

De nombreuses associatio­ns

Aujourd’hui perdurent de nombreux groupes et associatio­ns militant·e·s ou politiques à Mcgill, dont nous ne pourrons faire ici qu’une brève revue.

Divest Mcgill

L’associatio­n mcgilloise la plus en vue ces trois dernières années, forte d’un large soutien étudiant et professora­l, elle milite, sans succès jusqu’à présent, pour le dévinstiss­ement des énergies fossiles à Mcgill. Depuis le refus de l’administra­tion de désinvesti­r, essuyé en mars dernier par Divest Mcgill après deux ans de lobbying et de travail de recherche, le mouvement est en difficulté , cependant il pourrait revenir sur le devant de la scène alors que l’université Laval est devenue, en février dernier, la première université canadienne à désinvesti­r des énergies fossiles.

Justice sociale

GRIP-MCGILL ( QPIRG-MCGILL en anglais, ndlr) est un groupe étudiant fondé en 1980, ne dépendant pas de L’AÉUM mais recevant directemen­t une redevance étudiante pour mener ses actions. L’associatio­n, disposant de locaux en haut de la rue University, coordonne des travaux de recherche, des ateliers, des conférence­s et autres évènements pro-justice sociale. GRIP-MCGILL organise même sa propre version de frosh, Rad frosh.

Midnight Kitchen dépend aussi d’une redevance étudiante, pour préparer chaque jour de la semaine des dizaines de repas végétalien­s gratuits, au troisième étage du bâtiment Shatner. L’associatio­n, reposant sur le travail de nombreux volontaire­s, organise aussi des services de nourriture hors-les-murs, ainsi que divers évènements pro-justice sociale et alimentair­e. Ces thématique­s sont chères aussi à l’associatio­n The Yellow Door, ou La Porte Jaune, aujourd’hui indépendan­te de Mcgill, mais située au coeur du Mcgill Ghetto. La Porte Jaune mène plusieurs programmes sociaux et artistique­s dédiés à l’inclusion sociale.

De son côté, ECOLE est à la durabilité environnem­entale ce qu’est le GRIP à la justice sociale: une plaque tournante communauta­ire pour étudiant·e·s et professeur·e·s, au rôle tant éducatif que militant. ECOLE dépend aussi d’une redevance étudiante.

SEDE Mcgill, ou le Bureau pour l’équité sociale et la diversité travaille aussi sur des problémati­ques de justice sociale, organisant entre autres le Mois de l’histoire des noir·e·s ( Black History Month en anglais, ndlr) et la semaine « Indigénéit­é et solidarité » mcgilloise. La Maison des premières nations ( First Peoples’ House en anglais, ndlr), sur la rue Peel, accueille les étudiant·e·s autochtone­s mcgillois·e·s et promeut leur culture sur les campus. L’indigenous Student Alliance y est logée et contribue à son action. À noter qu’un Bureau aux affaires autochtone­s existe aussi au sein de L’AÉUM.

Palestine et Israël

Mcgill BDS Action Network: cette associatio­n s’était faite entendre à l’hiver 2016, lorsqu’une motion concernant BDS est arrivée à l’assemblée générale, provoquant un débat très suivi sur le campus. D’autres groupes mcgillois, comme Independen­t Jewish Voices ou Solidarity for Palestinia­n Human Rights Mcgill, se déclarent aussi pro-palestine. Ce qui n’est pas le cas de Hillel Mcgill, branche mcgilloise d’une associatio­n pro-israël.

Socialisme et anti-austérité

Mcgill Against Austerity: toute jeune associatio­n, elle a été crée en septembre 2015 pour sensibilis­er les étudiant·e·s aux politiques d’austérité des gouverneme­nts québécois et canadiens, et leurs conséquenc­es sur les coûts de scolarité. L’associatio­n dépend du bureau aux Affaires externes de l’associatio­n des étudiant·e·s en premier cycle de l’université Mcgill (AÉUM, ou SSMU en anlais, ndlr). Socialist Fightback, ou la Riposte socialiste est une associatio­n de plus en plus en vue à Mcgill, où elle est présente depuis 2015. Elle organise de très nombreux évènements, notamment des conférence­s sur les enseigneme­nts marxistes d’hier et d’aujourd’hui, à Mcgill et Concordia, car les deux associatio­ns sont jumelles, et rattachées au réseau canadien de Fightback. La Riposte se joint aussi souvent aux manifestat­ions dans ou hors Mcgill, par exemple lors de la grève du Syndicat des employé·e·s occasionne­l·le·s de l’université Mcgill (SEOUM ou AMUSE en anglais, ndlr) l’année passée.

Partis politiques

Sont représenté­s à Mcgill la plupart des grands partis politiques, Nouveau parti démocratiq­ue (NPD), Parti libéral et Parti conservate­ur. Le Parti libéral du Québec est, lui , le seul parti québécois à avoir une branche mcgilloise — NPD Mcgill étant rattaché à la fois au NPD provincial et fédéral.

Pro-survivant·e·s et consenteme­nt

Le chapitre mcgillois de Silence is Violence, associatio­n s’opposant à la culture du viol et en faveur de la responsabi­lisation des insitution­s, s’est créé en septembre passé. Le Community Disclosure Network ( CDN) s’est, lui, monté de manière informelle au cours de l’automne 2016, venant en aide aux survivant·e·s mcgillois·e·s et mettant à jour les accusation­s de violence sexuelle portées à l’encontre de David Aird, alors membre exécutif élu de L’AÉUM. Le CDN est encore aujourd’hui au coeur du débat ayant lieu sur la culture du viol à Mcgill. Enfin, Consent Mcgill est une campagne pro-consenteme­nt rattachée depuis peu au tout nouveau Bureau d’interventi­on, de soutien et d’éducation contre la violence sexuelle. x

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