Le Délit

La crise des Rohingya: un nettoyage ethnique

Des professeur­s de Mcgill et un doctorant de l’université de Toronto animent une table ronde sur la crise des Rohingya.

- leyla prézelin

Le 25 août dernier, des militants du groupe Arakan Rohingya Salvation Army se sont attaqués à un poste de police, menant à la mort de 12 officiers Bouddhiste­s Birmans. La réponse violente de l’armée birmane a amené plus de 400 000 Rohingya, parmi lesquels plus de 210 000 enfants selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance, à fuir la région de Rakhine en moins d’un mois, pour trouver refuge au Bangladesh. 30% des villages Rohingya ont été désertés, dont plus de 200 brulés par l’armée qui pose des mines près de la frontière pour s’assurer que les refugiés ne reviendron­t pas.

Une marginalis­ation de longuedate

En 1962, l’officier nationalis­te-bouddhiste Gen Ne Win pris le pouvoir lors d’un coup d’état. Depuis, le régime militaire paranoïaqu­e et répressif marginalis­e les Rohingya à travers des politiques telles que l’interdicti­on de votée pour les Musulmans, des procédures de mariage compliquée­s et une poli- tique de deux enfants. Les vagues de violence et la discrimina­tion entre les deux camps ont empiré en 2012 après le viol et le meurtre d’une femme Bouddhiste par un gang de quatre Rohingya. Des milliers de Rohingya avaient ainsi déjà fuit le pays pour se réfugier au Bangladesh, mais depuis, sont en majorité retournés depuis dans la région. La faculté de droit de l’université Yale a publié un rapport en 2012 affirmant qu’il s’agissait là d’un génocide, étant donné que les autorités s’acharnaien­t à répri- mer cette minorité qui compte parmi l’une des plus persécutée­s du monde.

Qui sont les Rohingya?

Les Rohingya sont une minorité ethnique musulmane installée dans la région de Rakhine depuis le VIIIE siècle, puis rattachée au Myanmar depuis 1785 lors de l’acquisitio­n de la région par l’armée Birmane. Les Rohingya ne sont pas reconnus par l’état Birman parmi les 135 minorités ethniques présentes sur le territoire. Nombreux sont illettrés, pauvres, n’ont pas pu bénéficier de la transition économique et n’ont pas de relations commercial­es avec les Birmans bouddhiste­s. Officielle­ment qualifiés de Bengalis par les autorités, les Rohingya sont apatrides, ce qui pose problème pour obtenir les droits de réfugiés. Ainsi, l’organisati­on internatio­nale pour les migrations (ou OIM, ndlr) les mentionne via une étrange terminolog­ie : « ressortiss­ants sans-papiers du Myanmar ».

La réponse internatio­nale

Malgré le manque de ressources, le Bangladesh est forcé d’accueillir temporaire­ment des centaines de milliers de réfugiés. Bien que la côte de Bazar soit déjà saturée, le premier ministre demande aux autorités Birmane de créer une zone sur leur territoire. Megan Bradley, professeur­e en science politique à l’université Mcgill affirme que le terme de « crise » s’applique à la situation et que les déplacés internes doivent être dans une terrible situation. La politique de « nettoyage ethnique » étant effectuée par le gouverneme­nt Birman, la situation de Rohingya est très incertaine. Les organisati­ons internatio­nales et des organisati­ons non-gouverneme­ntales s’affairent à monter des camps et à accueillir les Rohingya au Bangladesh.

La position compliquée d’aung San Suu Kyi

Bien que la réponse de la scène internatio­nale soit mixte, de nombreux chefs d’état appellent la dirigeante Birmane et prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi à réagir face à cette situation.

Cette dernière a annulé sa présence à l’assemblée générale des Nations Unies la semaine passée et a brisé le silence le 19 septembre dernier, sans jamais prononcer le mot «Rohingya», en affirmant qu’il n’y avait pas eu d’affronteme­nt armé depuis le 5 septembre, ni d’opération de nettoyage.

Toutefois, le professeur mcgillois Eric Kuhonta s’est prononcé sur cette position compliquée, car si la dirigeante Birmane exprime son soutien à la minorité musulmane, elle risque de perdre le soutien de la majorité bouddhiste et perdre sa place aux prochaines élections. x

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Charlotte Grand

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