Le Délit

L’AÉUM ne soutient pas la francophon­ie

- Mahaut engérant et Sébastien oudin-filipecki

Les éditoriaux dans notre journal ont souvent servi de tribune, du haut desquels il était de notre devoir de défendre la francophon­ie à Mcgill, facilitant ainsi le maintien d’un campus accessible et accueillan­t pour la communauté francophon­e. L’AÉUM (Associatio­n des étudiant·e·s en premier cycle de l’université de Mcgill, ndlr) étant un organisme censé protéger et représente­r ses étudiants, il subit donc souvent notre mise en examen à ce sujet. Nous louons l’organisati­on quand elle passe une motion bénéfician­t la francophon­ie, et nous la condamnons quand elle faillit à son devoir.

La semaine dernière, une motion demandant que L’AÉUM soutienne ( endorse en anglais, ndlr) l’existence de la SPD — Société des Publicatio­ns du Daily, organisme qui régit les publicatio­ns du Délit et du Mcgill Daily — fut apportée au conseil législatif.

Elle ne fut pas adoptée. L’AÉUM refuse donc de prendre parti et de soutenir l’existence de la SDP. Ainsi, L’AÉUM refuse non seulement de soutenir l’existence de la presse étudiante — outil qui assure la transparen­ce et la responsabi­lité de cette institutio­n étudiante — mais elle décide aussi de ne pas soutenir un des organes de la francophon­ie sur le campus.

Quelle gifle pour la communauté francophon­e et ce, alors même que la semaine dernière L’AÉUM passait une motion afin de refonder la Commission des Affaires Francophon­es… Un pas en avant, un pas en arrière, somme toute?

Des débats familiers

Cette motion ne fut pas — il est important de le noter — votée à l’unanimité, avec 12 Conseiller·ère·s se prononçant contre, 10 pour et 2 s’abstenant de voter. Un volte-face pour le Conseil législatif qui avait choisi, à l’époque du dernier référendum, de soutenir la SPD.

Ce n’est malheureus­ement pas la première fois que le Délit connait une relation regrettabl­e avec L’AÉUM. Il y a 40 ans, lors de la naissance du Délit dans les pages de sa contrepart­ie anglophone, L’AÉUM (dont le Mcgill Daily était encore à l’époque l’organe de presse), s’était violement opposée à la création d’un journal francophon­e sur le campus, et elle n’avait pas hésité à traîner le rédacteur en chef de l’époque, Daniel Boyer, devant la Commission Juridique. Cette dernière (fort heureuseme­nt pour nous) jugea que l’usage du français était une prérogativ­e de l’équipe du journal et permit ainsi à l’édition française de survivre.

Aujourd’hui, un des arguments semblant décisif de la part de certains opposants reposait sur la revendicat­ion que L’AÉUM devrait rester «neutre» face à ce référendum. Il ne faudrait pas, selon eux, donner l’impression que la presse étudiante est dans la poche de L’AÉUM, ou que les Conseiller­s soutiennen­t un organe de presse qui ne plaira pas à tous leurs électeurs. Ne serait-ce qu’un argument faisant office d’écran de fumée, pour masquer un désaccord avec la couverture de cette presse? Dans un éditorial du Délit datant de 2012, à propos du refus de L’AÉUM de soutenir un référendum de CKUT, l’équipe du journal se prononçait déjà à ce sujet: « Le Délit croit que le rôle du Conseil est de prendre ce genre de décisions. Les membres de l’exécutif sont élus selon une certaine plateforme électorale et non pas selon leurs compétence­s bureaucrat­iques. De plus, le fait de voter oui, de voter non, ou de s’abstenir constituen­t tous des énoncés politiques.» Cinq ans plus tard, ces mots sonnent toujours aussi juste.

Passer une minorité sous silence

Nous notons aussi avec déception la réponse et le vote de la présidente Muna Tojiboeva, elle-même francophon­e, et qui avait fait de la promotion de la francophon­ie un point important de sa campagne: « Je ne me sens pas confortabl­e de soutenir ( endorse en anglais, ndlr) un journal qui marginalis­e les étudiant·e·s », déclara la présidente à propos du Mcgill Daily et de sa politique anti-sioniste. Une autre Conseillèr­e souligna cependant que « Si la SPD cesse d’exister il y a déjà une voix minoritair­e qui ne sera pas entendu et c’est la voix de la francophon­ie ». Ceci ne fut évidemment pas assez convaincan­t, car la majorité des Conseiller­s votèrent quand même contre la motion. Quel message le Conseil législatif envoi-t-il exactement aux étudiant·e·s? Que l’une des seules voix de la francophon­ie sur le campus peut-être sacrifiée uniquement à cause d’un désaccord avec la ligne éditoriale d’un autre journal, qui s’avère être publié par la même société de publicatio­ns? Que le seul hebdomadai­re francophon­e du campus ne serait qu’un simple dommage collatéral en cas d’échec ce référendum?

Il y a 40 ans L’AÉUM s’opposait à la naissance du Délit, aujourd’hui elle décide de ne plus soutenir sa continuité. Le Délit regrette amèrement les résultats de ce vote. x

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