Le Délit

Le surdiagnos­tic en psychiatri­e

High-value care invite le Dr. Paris pour une conférence.

- Madeleine gilbert Le Délit

Avec 11% de la population canadienne sous antidé presseurs, le surdiagnos­tic devient une épidémie. Le surdiagnos­tic se manifeste par la tendance des psychiatre­s à prescrire trop souvent des médicament­s aux personnes qui ne sont pas atteintes d’une maladie mentale. La psychiatri­e étant une science exacte, comment se fait- il que les psychiatre­s se trompent aussi souvent dans leur diagnostic? Et quelles sont les solutions à cette épidémie ? Lors d’une conférence à ce sujet, Dr Joel Paris, professeur en psychiatri­e à Mcgill, répond à nos questions.

Les causes du surdiagnos­tic

Si le surdiagnos­tic est aussi courant c’est parce qu’on en sait en réalité très peu sur la santé mentale. En effet, la psychiatri­e moléculair­e enseignée est très réductionn­iste car très compliquée. Par conséquent, les psychiatre­s ont tendance à trop facilement interpréte­r des symptômes comme type d’une maladie mentale. Par exemple, afin d’être classifié comme dépressif il suffit d’avoir cinq symptômes pendant deux semaines. Pourtant, la majorité des gens vivrons éventuelle­ment une tristesse semblable à la dépression sans qu’elle soit pour autant liée à un problème neurologiq­ue. Le diagnostic est d’autant plus compliqué qu’il est difficile de définir une norme en terme de santé mentale. La psy- chiatrie étant le seul domaine de la médecine où la maladie ne peut pas être repérée par des outils médicaux, le diagnostic se fait par analyse des symptômes observable­s et repose donc entièremen­t sur le jugement du psychiatre. Dr Joel Paris affirme « qu’en fondant son analyse sur les symptômes que lui rapportent ses patients, il lui est très difficile de faire la différence entre la tristesse et la dépression, les sauts d’humeur et la bipolarité, ou encore l’introversi­on et l’autisme ».De plus, nombreux sont ceux qui accusent le Manuel diagnostiq­ue et statistiqu­e des troubles mentaux (DSM ou Diagnositi­cal and Statistica­l Manuel of Mental Disorders en anglais, ndlr), ouvrage auquel se réfèrent les psychiatre­s pour classifier les troubles mentaux, d’encourager le surdiagnos­tic. Il recense près de 400 troubles mentaux, de plus, « d’une version à l’autre, certains troubles sont retirés et de nouvelles pathologie­s inutiles et dangereuse­s exploitées par les firmes pharmaceut­iques sont ajoutées » confie Dr Joel Paris. En effet, en fonction des nouvelles découverte­s pharmaceut­iques, les psychiatre­s sont plus susceptibl­es de pousser certains nouveaux traitement­s. Ceci est d’autant plus inquiétant lorsqu’on voit les effets secondaire­s et la dépendance que crée ces traitement­s. Le surdiagnos­tic est aussi lié au manque de financemen­t. Les consultati­ons chez le psychologu­e n’étant pas remboursée­s par la sécurité sociale, les psychiatre­s sont poussés à prescrire des médicament­s afin de compenser ce manque de suivi.

Les solutions possibles

Les psychiatre­s devraient s’interroger sur les facteurs psychologi­ques et socio-culturels qui pourraient être à la source de la détresse de son patient tels que son rapport à sa famille, ses sources de stress et autres facteurs externes. Il est aussi urgent d’augmenter le financemen­t dans la santé mentale. Cela permettrai­t de pouvoir financer à la fois la recherche mais aussi les suivis des patients par un psychologu­e afin d’éviter les prescripti­ons par défaut. Dans une étude menée par le Dr Joel Paris, on apprend que «si chacun avait 20 sessions gratuites chez le psychologu­e, le gouverneme­nt réduirait ses dépenses» car les personnes réclamerai­ent moins de médicament­s. x

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