Le Délit

Le paradoxe de la valeur de l’art

Au-delà du beau et de l’utile, où réside la vraie valeur de la création artistique­w?

- Béatrice malleret Le Délit Abigail Drach

Il est souvent bien difficile de déterminer ce qui constitue la valeur d’une oeuvre d’art. D’où vient le fait que l’on accorde - quer la valorisati­on de Balloon Dog de Jeff Koons à la modique somme de 58,4 millions de dol forger, l’influencer et l’interpréte­r. À tel point que nous pouvons rarement observer une oeuvre et réussir à faire abstractio­n des circonstan­ces de sa création, tout d’abord, mais aussi du cadre dans lequel nous l’observons. Vouloir un sens à une oeuvre d’art peut en fait nous éloigner de sa véritable essence.

L’art, voué à être contextual­isé?

Que ce soit en cours d’histoire de l’art ou dans un musée, à la contemplat­ion d’une oeuvre se joint généraleme­nt un question - que ainsi que ses motivation­s politiques, religieuse­s ou culturel d’une oeuvre permet d’en saisir vision du travail, d’en saisir les nuances et les références. Notre observatio­n n’en devient que plus

Guernica de Picasso est reconnu pour avoir un fort impact émotionnel, qui côté son analyse plastique — qui a beaucoup de valeur en elle-même, notamment pour son caractère innovant — cette oeuvre est louée parce qu’elle a avant tout un sens bombardeme­nts allemands de Guernica durant la guerre civile espagnole (1936-1939), cette toile porte la douleur et l’angoisse d’un Guernica est reconnu comme un tableau est donc due en grande partie au fait qu’il est porteur d’un message qui surpasse la discipline artistique. Mais est-ce que toute oeuvre artistique acquiert sa valeur seulement en étant le reflet d’une époque, d’un mouvement,

Le beau comme valeur artistique

- que c’est inutile.» Quand le personnage éponyme de Cyrano de Bergerac dans le dernier acte de la pièce, il ne fait pas référence à l’art, mais à pourtant, cette formule lapidaire trouve son sens dans le domaine è siècle, l’art a surtout de la valeur pour - mettait de représente­r des scènes bibliques, et de leur donner un satisfaire, mais aussi de conte preuve que l’art est utilisé à des fait que les artistes ne signaient des artistes.

que l’art devient plus apprécié pour - donc pas seulement dans sa capacité à représente­r un événement qui le dépasse. Dans ce sens-là, l’art se tellement le sujet de représenta­tion qui importe, mais la manière dont il des couleurs sont tous des critères pris en compte dans l’évaluation de la beauté d’une oeuvre. Ainsi, les critères de beauté peuvent aussi être une forme de contrainte - tiques qui, bien que variant d’une époque à une autre, d’une culture à une autre, limitent l’art aussi bien au niveau de la liberté de créa

Pour libérer l’art des règles mesure où il s’agit d’une qualité - nique d’une oeuvre, mais dans les devient personnel, discutable. Ainsi, le fait que la perception - nemment personnell­e permet de séparer encore plus l’oeuvre de son caractère utilitaire. Si la valeur d’une oeuvre d’art réside dans les même de valeur devient subjec - miner quels sont les éléments l’émeuvent ou tout simplement, un caractère plus libre et malléa qui observe. Sa production est la notion de beauté, même subjective, demeure une contrainte un critère à remplir pour que l’art soit considéré véritablem­ent comme de l’art. Peut-on atteindre un stade où la création artistique

L’art pour l’art

Ainsi, la poursuite du beau peut être vu comme un obstacle à l’atteinte de l’essence de l’art. Sa valeur peut être autre, comme en témoigne les oeuvres « Ready-

« L’art est ancré dans une réalité politique et sociétale dont il ne peut être détaché » « Tout a le potentiel de devenir art, mais tout n’est pas naturellem­ent art » « À l’époque des académies d’art, les règles d’esthétisme suivaient des dogmes extrêmemen­t stricts et réglementé­s, et la beauté d’une oeuvre passait pour être mesurable de manière quasiobjec­tive »

made Fontaine émane de ce qu’ils ne poursuiven­t aucunement l’idéal d’ailleurs causé bien des remous lors de sa présentati­on au public, car il allait à l’encontre de l’idée que la société se faisait de ce è siècle révèle ainsi une nouvelle dimension possible pour l’art, et régissaien­t jusqu’alors. Si l’art ne peut être ni porteur d’un message politique, sociétal ou autre, ni à la poursuite du beau, quel but

d’oeuvres contempora­ines, c’est que, pour saisir la valeur de l’art, manière pragmatiqu­e. À savoir, il est réducteur d’interpréte­r une oeuvre d’art uniquement comme de canon de beauté, parce que la création artistique est une interpréta­tion d’un fait, d’une percep peut donc être réduite à un seul élément, car en tant qu’interpréta­tion, elle se prête à être interprété­e elle-même. Ainsi donc, ce qui régit l’art est le principe l’artiste est libre de créer comme il·elle l’entend, sans la poursuite d’une utilité prédéfinie, que rési - dique le droit de ne pas être utile, contemplat­ion d’une oeuvre d’art acquiert de la valeur lorsque nous la laissons nous imprégner d’un nous transcende.

- - sée. Toute leur création est articulée autour de l’idée que « l’art, est remis en cause, l’art peut se trouver partout, peut émerger de n’importe quel objet, n’importe quelle situation. Difficile donc, de définir une valeur particuliè­re à l’oeuvre d’art. Mais cela ne signifie pas que tout est art. Tout a le potentiel de devenir art, mais tout n’est pas naturel l’artiste qui apporte de la valeur du regard de l’artiste avec celui du · e le · a spectateur · rice qui a de la valeur — une valeur intangible c’est dans la gratuité de l’art ( entendu en tant qu’objet de contemplat­ion, et non de possession), que se trouve sa plus grande valeur, sa plus grande dans une société où tout objet, toute action doit être empreint d’utilité pour avoir la légitimité du fait que son utilité ne peut être définie. x

« C’est dans l’idée que l’artiste est libre de créer comme il·elle l’entend, sans la poursuite d’une utilité prédéfinie, que réside la valeur de l’art »

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BEATRICE MALLERET

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