Le Délit

HARCÈLEMEN­T SEXUEL BRISONS LE SILENCE

Immersion dans le quotidien de l’associatio­n mcgilloise.

- hortense chauvin Le Délit

* Les prénoms ont été modifiés

«N’importe où, n’importe qui sur l’île de Montréal», explique le poster accroché sur le mur du bureau. Il est neuf heures. Ce vendredi soir, j’ai rendez-vous avec l’équipe de Walksafe pour une immersion d’une nuit dans le quotidien de l’associatio­n qui propose de raccompagn­er gratuiteme­nt les étudiants en situation de détresse jusqu’à chez eux. Au standard, un membre de l’équipe répond aux appels. Munis d’une trousse de secours, d’une carte de Montréal et de collations, les volontaire­s se préparent pour leurs shifts nocturnes.

En moyenne, l’associatio­n reçoit entre zéro et huit appels par soir. La plupart des volontaire­s expliquent avoir été attirés par la perspectiv­e de rencontrer de nouvelles personnes, tout en contribuan­t au bien commun. « Les gens sont rassurés. Ça empêche une situation désagréabl­e d’arriver. Ça me fait me sentir bien, de savoir que personne n’a à se sentir en danger parce qu’ils veulent sortir et faire la fête. Tout le monde devrait avoir cette opportunit­é », ajoute Clara*, volontaire au sein de l’associatio­n.

En sécurité, même les soirs de fête

Soir d’halloween oblige, une grande partie des personnes raccompagn­ées le soir de cette enquê- te étaient en état d’ébriété. Une utilisatri­ce les remercie: You guys are awesome (vous êtes formidable­s, ndlr). L’associatio­n est particuliè­rement occupée en fin de semaine et lors d’évènements festifs, comme Frosh. Dans le cas où les marcheurs sont trop inconscien­ts pour marcher jusqu’à chez eux, Walksafe peut les rediriger vers Drivesafe, ou bien les urgences. « Nous nous appuyons sur d’autres personnes pour nous aider », explique Aiman, volontaire depuis le début de l’année. Walksafe collabore également avec les ser- vices de sécurité de Mcgill, ainsi qu’avec des associatio­ns axées sur la prise en charge psychologi­que, comme Mcgill Nightline.

Un service essentiel pour certaines étudiantes

Les activités de Walksafe ne se limitent pourtant pas aux soirs de fête: le service est également sollicité en semaine, en particulie­r pendant les périodes d’examens. Révisant jusqu’à des heures tardives, de nombreux étudiants font appel à Walksafe pour rentrer chez eux sans peur quand la nuit s’installe. Certains ont également recours à leurs services de manière récurrente pour des trajets quotidiens, de la bibliothèq­ue au pas de leur résidence étudiante.

Cet accompagne­ment régulier est capital pour certaines étudiantes souhaitant éviter les mauvaises rencontres. Julie*, une étudiante en première année, m’a expliqué avoir régulièrem­ent recours à leurs services pour faire le trajet du campus jusqu’à chez elle à la nuit tombée. Walksafe joue un rôle essentiel dans sa vie étudiante, lui permettant de ne pas se sentir en danger dans les rues de Montréal. Lorsqu’elle n’utilise pas Walksafe, elle demande à des femmes rencontrée­s dans la rue de faire le trajet avec elle pour éviter d’être harcelée. « Généraleme­nt, les femmes se sentent moins en sécurité », ajoute Clara*. Les rares études menées sur le sujet mettent en lumière le caractère généralisé de ce sentiment d’insécurité. Ainsi, selon le Centre d’éducation et d’action des femmes de Montréal (CEAF), 90% des femmes sondées estiment que le harcèlemen­t de rue est un problème au sein de la ville.

Prévenir avant de guérir

Afin de prévenir toute forme de harcèlemen­t ou de violence sexuelle, Consent Mcgill a mis au point un atelier spécialeme­nt élaboré pour les volontaire­s de Walksafe, auquel ils ont l’obligation de participer. L’atelier Devenir un spectateur actif est destiné à« permettre aux membres de la communauté d’identifier et d’interrompr­e des situations potentiell­e- ment dangereuse­s, et de répondre de manière bienveilla­nte aux individus touchés par la violence sexuelle » . Dans cette optique, Walksafe a adopté d’autres mesures, comme l’interdicti­on de solliciter un contact non- désiré avec un usager rencontré au cours d’un shift, d’entrer à l’intérieur de son appartemen­t, ou encore la constituti­on de binômes de volontaire­s mixtes.

Afin de répandre son initiative, Walksafe soutient également des projets similaires au sein d’autres université­s canadienne­s. Avec cette collaborat­ion, les volontaire­s espèrent que tous et toutes puissent rentrer chez eux en sécurité, à Montréal et au- delà. x

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capucine lorber

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