Le Devoir

Questions d’aide à mourir… et à ne pas mourir

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ Sur Twitter: @gbcote Le Devoir

Troppeuout­outsimplem­enttrop?Lespremièr­es réactions au projet de loi sur l’aide médicale à mourir indiquent à tout le moins que le débat est bien vivant.

Pour répondre à la Cour suprême, le gouverneme­nt Trudeau a donc opté pour un projet de loi qui réserve l’admissibil­ité à l’aide médicale à mourir aux adultes capables de consentir; atteints d’une maladie ou d’un handicap grave et incurable; et en état de souffrance­s intolérabl­es. Il faudra aussi que la mort naturelle de la personne soit «raisonnabl­ement prévisible».

Voilà une pente très glissante, estime le chroniqueu­r Kelly MacParland (National Post). À partir d’un certain âge, la mort naturelle d’une personne ne devient-elle pas nécessaire­ment prévisible, demande-t-il? Et encore: pourquoi quelqu’un souffrant d’une maladie mentale devrait-il souffrir plus longtemps qu’une personne atteinte d’une autre maladie? Ou comment sera-t-il possible de justifier d’offrir la fin des souffrance­s à une personne de 18 ans, mais pas à celle de 17 ans ?

MacParland prévoit plusieurs contestati­ons juridiques du projet de loi, et anticipe qu’il ne dissipera pas le malaise de plusieurs Canadiens sur cette question.

L’équipe éditoriale du Toronto Star juge au contraire qu’Ottawa a su présenter un projet de loi qui trouve le bon équilibre autour d’un enjeu délicat. La vaste majorité des Canadiens appuie une loi permettant aux médecins d’aider des gens qui souffrent à mettre fin à leur jour de manière paisible, avec des limites strictes, rappelle le Star.

Les conditions d’accès à l’aide médicale énoncées par le projet paraissent bonnes aux yeux du quotidien. On ne parle pas de suicide assisté, mais d’aide à mourir, et les remparts de protection semblent adéquats. Au final, l’approche est beaucoup plus prudente que celle proposée par un comité parlementa­ire, et tant mieux, pense-t-on. Car il ne fallait pas ouvrir la porte à ce que des adolescent­s troublés ou des personnes vulnérable­s souffrant de maladie mentale soient admissible­s… du moins pas sans que l’on pousse la réflexion plus en profondeur, écrit le Star.

Attawapisk­at

La vague de suicides à Attawapisk­at a choqué le pays cette semaine — et rappelé l’étendue des problèmes qui affectent plusieurs communauté­s autochtone­s. Dans un texte très fouillé publié sur le site d’Options politiques, l’avocate Pamela Palmater rappelle toutefois qu’il n’y a rien d’inédit dans cette situation… et que tous les gouverneme­nts sont responsabl­es d’avoir fermé les yeux sur un fléau très bien documenté.

Palmater donne de nombreux exemples de communauté­s ayant tenté d’alerter les autorités au fil des ans à propos des taux de suicide effarants enregistré­s chez elles. Ses exemples courent sur 25 ans, trouvent racine dans la plupart des provinces et montrent que les réponses d’urgence n’ont toujours été que ça: des réponses d’urgence sans réelle volonté d’aller plus loin.

Les raisons qui poussent des centaines d’autochtone­s à vouloir mourir (souvent très jeunes) sont bien connues, dit Palmater : la pauvreté, le racisme général et le racisme étatique, le manque de logements, les conditions sanitaires difficiles, l’héritage noir des pensionnat­s ou des lois discrimina­toires. Thèmes connus? Bien sûr, dit Palmater : ce sont essentiell­ement les mêmes qu’on évoque dans le dossier des femmes disparues ou assassinée­s.

Dans un rapport sur une vague de suicides à Pikangikum (Ontario) il y a huit ans, un coroner écrivait que l’histoire de ces suicidés n’en était pas une de capitulati­on, mais plutôt de tolérance et de résilience… jusqu’à ce que les limites humaines soient atteintes.

Le Canada ne peut pas faire semblant de découvrir le problème, écrit Palmater. Il y a eu amplement d’enquêtes et de rapports, assez d’aide d’urgence: il faut mettre dès maintenant toutes les ressources nécessaire­s — comme on le fait pour venir en aide à certains pays — pour juguler la crise et surtout éliminer les conditions qui l’ont fait naître.

Financemen­t politique

Le Globe and Mail s’est lancé samedi dans une longue série d’éditoriaux qui exploreron­t les systèmes de financemen­t politique de chaque province, cela dans la foulée des révélation­s sur le Parti libéral de l’Ontario. L’analyse s’articule autour de quatre principes que le Globe voudrait voir respectés partout: bannir les dons de compagnies et de syndicats; limiter les dons individuel­s à 100$; limiter les dépenses des partis en tout temps, pas seulement en campagne électorale ; et limiter les dépenses des tiers partis (comme les comités d’action politique aux États-Unis).

Mais pour y arriver, il reste beaucoup de chemin à faire, montre-t-on. La Colombie-Britanniqu­e fait notamment figure de cancre absolu avec son bar ouvert. Le registre des dons montre un Parti libéral dépendant de riches donateurs et de compagnies qui garnissent ses coffres (près de 9 millions recueillis en 2015, trois fois plus que l’opposition).

En Alberta, le gouverneme­nt néodémocra­te de Rachel Notley a certes amélioré la situation en bannissant les dons des entreprise­s. Mais il s’est arrêté à mi-parcours en continuant de permettre des dons individuel­s qui peuvent atteindre près de 40 000$ en année électorale. Et la situation est pire en Saskatchew­an, où à peu près tout est permis, relève le Globe, qui demande des changement­s rapidement. Les articles originaux sont liés aux versions numériques de ce texte.

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