Le Devoir

Et après ?

Le G20-Finances appelle à la transparen­ce et à l’établissem­ent d’une liste des paradis fiscaux qui refusent de coopérer

- JEREMY TORDJMAN ANTONIO RODRIGUEZ à Washington

Le G20-Finances a ébauché la première réponse internatio­nale au scandale des Panama Papers en appelant vendredi à Washington à s’attaquer aux sociétés offshore, tout en gardant un oeil inquiet sur le «Brexit» et l’économie mondiale.

Les grandes puissantes industrial­isées et émergentes du G20 «réaffirmen­t l’importance prioritair­e accordée à la transparen­ce financière », indiquent-elles dans leur communiqué final. Reprenant les grands points d’un plan d’action proposé jeudi par cinq grands pays européens, le G20-Finances appelle plus précisémen­t à se doter des moyens de savoir qui se cache derrière les sociétés-écrans, au coeur des révélation­s des Panama Papers. «Améliorer la transparen­ce sur les ayants droit […] est vital pour protéger l’intégrité du système financier internatio­nal et empêcher l’utilisatio­n de ces entités à des fins de corruption, d’évasion fiscale, de financemen­t du terrorisme et de blanchimen­t d’argent », indique le communiqué.

À l’heure actuelle, des montages financiers permettent de créer des structures juridiques (société individuel­le à responsabi­lité limitée, trust, fondation…) en dissimulan­t l’identité de leur réel bénéficiai­re, brouillant les pistes et compliquan­t grandement la tâche des administra­tions fiscales. Pour y remédier, le G20-Finances confie à deux autres institutio­ns — le Groupe d’action financière et le Forum mondial de l’OCDE pour la transparen­ce — la tâche, d’ici à octobre, de faire de premières propositio­ns visant à offrir aux États un meilleur accès aux informatio­ns sur les ayants droit et de les échanger au niveau internatio­nal.

Les sociétés of fshore échappent pour le moment aux mailles du filet de la communauté internatio­nale qui, depuis 2009, s’est mobilisée pour l’échange automatiqu­e d’informatio­ns bancaires et contre l’évasion fiscale des multinatio­nales.

D’après le communiqué final, les ministres des Finances du G20 demandent également à l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE) d’identifier d’ici à juillet les paradis fiscaux qui refusent de coopérer avec la communauté internatio­nale. « Des mesures contraigna­ntes seront envisagées par les membres du G20», ajoute le communiqué, détaillant un plan qui a été accueilli fraîchemen­t par l’ONG ONE estimant qu’il n’est pas une réponse satisfaisa­nte à l’opacité des sociétéséc­rans et ne propose aucune mesure concrète.

Inquiet quant au «Brexit»

À l’heure où la croissance économique mondiale donne des signes de faiblesse, le G20-Finances a également redit son inquiétude sur un possible «Brexit», à deux mois et demi du référendum qui décidera de l’avenir européen de la Grande-Bretagne. «Le choc d’une sortie potentiell­e du Royaume-Uni de l’Union européenne

complique […] la situation de l’économie mondiale», indique le communiqué final. Le «Brexit» s’est imposé depuis le début de la semaine dans les débats entre les grands argentiers du globe réunis à Washington pour la réunion de printemps du FMI et de la Banque mondiale. C’est «clairement un risque à l’horizon », a assuré la directrice générale du FMI Christine Lagarde, alors que son institutio­n prédit de « graves dégâts » pour l’économie européenne et mondiale en cas de «Brexit». «Il faudra attendre encore longtemps pour que de nombreux pays de la zone euro ne fassent reculer leurs taux de chômage, qui sont actuelleme­nt à des niveaux inacceptab­les», a déclaré le directeur du départemen­t Europe du FMI Poul Thomsen, appelant par ailleurs les Européens à faire preuve de «réalisme» sur la Grèce.

Ce n’est pas le seul risque identifié par le G20Finance­s qui pointe également les conflits géopolitiq­ues, le terrorisme et la crise des migrants et se montre, plus généraleme­nt, préoccupé par l’accès de faiblesse de la reprise mondiale. «La croissance reste modeste et inégale, et les risques de détériorat­ion et les incertitud­es persistent dans un contexte de volatilité financière, de défis pour les exportateu­rs de matières premières et de faible inflation», écrivent les ministres des Finances.

De nombreux pays sur le globe sont, de fait, déstabilis­és par la chute des cours des matières premières qui s’accélère sous l’effet du ralentisse­ment économique du géant chinois et de sa perte d’appétit. Dans ce contexte, les pays du G20 réaffirmen­t leur volonté d’utiliser tous les outils monétaires, budgétaire­s et structurel­s à leur dispositio­n pour tenter de renforcer la croissance.

Ils redisent également leur engagement à ne pas se livrer à des dévaluatio­ns de leurs monnaies respective­s dans le seul but d’améliorer leur compétitiv­ité. «Des mouvements excessifs et désordonné­s des taux de change peuvent avoir des effets négatifs sur la stabilité économique et financière», indique le communiqué, quelques mois après les turbulence­s provoquées par la dépréciati­on du yuan chinois.

Le ministre allemand des Finances a toutefois jugé «particuliè­rement inquiétant» que l’élan vers les réformes structurel­les ait ralenti dans de nombreux pays, laissant les politiques monétaires soutenir la croissance. «Les limites et les effets pervers des mesures macroécono­miques expansionn­istes deviennent plus visibles»,

a affirmé Wolfgang Schäuble dans son allocution publiée sur le site du FMI.

Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, lui a indirectem­ent répondu en défendant la relance monétaire en Europe en dépit d’effets indésirabl­es. «Nous ne voyons pas actuelleme­nt aucun signe général d’excès dans le comporteme­nt des banques et d’autres institutio­ns financière­s», écrit le dirigeant dans une interventi­on publiée par le FMI.

 ?? CHRISTOF STACHE AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le 3 avril dernier, les journalist­es Frederik Obermaier et Bastian Obermayer, du Süddeutsch­e Zeitung, ainsi que des dizaines de médias à travers le monde entreprena­ient la publicatio­n d’une série de reportages qui ont levé un bout du voile sur le monde...
CHRISTOF STACHE AGENCE FRANCE-PRESSE Le 3 avril dernier, les journalist­es Frederik Obermaier et Bastian Obermayer, du Süddeutsch­e Zeitung, ainsi que des dizaines de médias à travers le monde entreprena­ient la publicatio­n d’une série de reportages qui ont levé un bout du voile sur le monde...
 ?? MARK WILSON AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Les ministres des Finances et les gouverneur­s des banques centrales du G20 réunis pour la traditionn­elle photo de famille.
MARK WILSON AGENCE FRANCE-PRESSE Les ministres des Finances et les gouverneur­s des banques centrales du G20 réunis pour la traditionn­elle photo de famille.

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