Et après ?
Le G20-Finances appelle à la transparence et à l’établissement d’une liste des paradis fiscaux qui refusent de coopérer
Le G20-Finances a ébauché la première réponse internationale au scandale des Panama Papers en appelant vendredi à Washington à s’attaquer aux sociétés offshore, tout en gardant un oeil inquiet sur le «Brexit» et l’économie mondiale.
Les grandes puissantes industrialisées et émergentes du G20 «réaffirment l’importance prioritaire accordée à la transparence financière », indiquent-elles dans leur communiqué final. Reprenant les grands points d’un plan d’action proposé jeudi par cinq grands pays européens, le G20-Finances appelle plus précisément à se doter des moyens de savoir qui se cache derrière les sociétés-écrans, au coeur des révélations des Panama Papers. «Améliorer la transparence sur les ayants droit […] est vital pour protéger l’intégrité du système financier international et empêcher l’utilisation de ces entités à des fins de corruption, d’évasion fiscale, de financement du terrorisme et de blanchiment d’argent », indique le communiqué.
À l’heure actuelle, des montages financiers permettent de créer des structures juridiques (société individuelle à responsabilité limitée, trust, fondation…) en dissimulant l’identité de leur réel bénéficiaire, brouillant les pistes et compliquant grandement la tâche des administrations fiscales. Pour y remédier, le G20-Finances confie à deux autres institutions — le Groupe d’action financière et le Forum mondial de l’OCDE pour la transparence — la tâche, d’ici à octobre, de faire de premières propositions visant à offrir aux États un meilleur accès aux informations sur les ayants droit et de les échanger au niveau international.
Les sociétés of fshore échappent pour le moment aux mailles du filet de la communauté internationale qui, depuis 2009, s’est mobilisée pour l’échange automatique d’informations bancaires et contre l’évasion fiscale des multinationales.
D’après le communiqué final, les ministres des Finances du G20 demandent également à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d’identifier d’ici à juillet les paradis fiscaux qui refusent de coopérer avec la communauté internationale. « Des mesures contraignantes seront envisagées par les membres du G20», ajoute le communiqué, détaillant un plan qui a été accueilli fraîchement par l’ONG ONE estimant qu’il n’est pas une réponse satisfaisante à l’opacité des sociétésécrans et ne propose aucune mesure concrète.
Inquiet quant au «Brexit»
À l’heure où la croissance économique mondiale donne des signes de faiblesse, le G20-Finances a également redit son inquiétude sur un possible «Brexit», à deux mois et demi du référendum qui décidera de l’avenir européen de la Grande-Bretagne. «Le choc d’une sortie potentielle du Royaume-Uni de l’Union européenne
complique […] la situation de l’économie mondiale», indique le communiqué final. Le «Brexit» s’est imposé depuis le début de la semaine dans les débats entre les grands argentiers du globe réunis à Washington pour la réunion de printemps du FMI et de la Banque mondiale. C’est «clairement un risque à l’horizon », a assuré la directrice générale du FMI Christine Lagarde, alors que son institution prédit de « graves dégâts » pour l’économie européenne et mondiale en cas de «Brexit». «Il faudra attendre encore longtemps pour que de nombreux pays de la zone euro ne fassent reculer leurs taux de chômage, qui sont actuellement à des niveaux inacceptables», a déclaré le directeur du département Europe du FMI Poul Thomsen, appelant par ailleurs les Européens à faire preuve de «réalisme» sur la Grèce.
Ce n’est pas le seul risque identifié par le G20Finances qui pointe également les conflits géopolitiques, le terrorisme et la crise des migrants et se montre, plus généralement, préoccupé par l’accès de faiblesse de la reprise mondiale. «La croissance reste modeste et inégale, et les risques de détérioration et les incertitudes persistent dans un contexte de volatilité financière, de défis pour les exportateurs de matières premières et de faible inflation», écrivent les ministres des Finances.
De nombreux pays sur le globe sont, de fait, déstabilisés par la chute des cours des matières premières qui s’accélère sous l’effet du ralentissement économique du géant chinois et de sa perte d’appétit. Dans ce contexte, les pays du G20 réaffirment leur volonté d’utiliser tous les outils monétaires, budgétaires et structurels à leur disposition pour tenter de renforcer la croissance.
Ils redisent également leur engagement à ne pas se livrer à des dévaluations de leurs monnaies respectives dans le seul but d’améliorer leur compétitivité. «Des mouvements excessifs et désordonnés des taux de change peuvent avoir des effets négatifs sur la stabilité économique et financière», indique le communiqué, quelques mois après les turbulences provoquées par la dépréciation du yuan chinois.
Le ministre allemand des Finances a toutefois jugé «particulièrement inquiétant» que l’élan vers les réformes structurelles ait ralenti dans de nombreux pays, laissant les politiques monétaires soutenir la croissance. «Les limites et les effets pervers des mesures macroéconomiques expansionnistes deviennent plus visibles»,
a affirmé Wolfgang Schäuble dans son allocution publiée sur le site du FMI.
Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, lui a indirectement répondu en défendant la relance monétaire en Europe en dépit d’effets indésirables. «Nous ne voyons pas actuellement aucun signe général d’excès dans le comportement des banques et d’autres institutions financières», écrit le dirigeant dans une intervention publiée par le FMI.