Le mur de la gouvernance
Ottawa aurait posé des conditions que l’avionneur aurait refusées. Mais les négociations pour un soutien fédéral à la CSeries se poursuivent.
Tout le monde demeure autour de la table, mais les pourparlers entre Ottawa et Bombardier se seraient récemment butés à des enjeux de gouvernance, selon des informations que l’entreprise n’a pas voulu commenter vendredi mais qui surviennent à deux semaines d’une assemblée des actionnaires potentiellement houleuse.
La journée avait démarré sur les chapeaux de roue pour Bombardier, son titre s’envolant de 14 % après que le Wall Street Journal eut rapporté jeudi soir la possibilité d’une commande ferme de 75 appareils CSeries de la part de Delta, et d’une option sur 50 autres.
Peu avant midi, Bloomberg a écrit que Bombardier a refusé une première proposition d’aide financière du gouvernement fédéral. L’action a battu en retraite pour terminer la journée sur un gain de 5,9%, à 1,62$. Depuis deux ans, elle a reculé de 60 % mais elle se trouve en hausse de plus de 40% depuis un mois.
«Nous ne commentons pas nos discussions avec le gouvernement fédéral, a indiqué une porte-parole de Bombardier, Isabelle Rondeau. Ces discussions se poursuivent.» Un attaché de presse du ministre fédéral de l’Industrie, Philip Proulx, a confirmé que les discussions ont toujours lieu.
Selon Bloomberg, les discussions se butent notamment à des questions de gouvernance — ce que M. Proulx n’a pas voulu commenter —, et Ottawa voudrait obtenir une entente lui étant plus favorable que celle du gouvernement du Québec. À l’automne 2015, le gouvernement du Québec a promis à Bombardier une injection de 1 milliard de dollars américains en échange d’une participation de 49,5% dans le programme d’appareils CSeries. La Caisse de dépôt et placement du Québec, de son côté, a investi 1,5 milliard de dollars américains dans la division de matériel roulant, qui a un historique de rentabilité n’étant plus à prouver.
Aucun détail n’a encore filtré sur les exigences précises d’Ottawa, mais il est de notoriété que la gouvernance est un enjeu majeur chez Bombardier. Si la famille fondatrice des
Bombardier-Beaudoin est encore aux commandes de l’entreprise et du conseil d’administration, c’est grâce à l’effet puissant de ses actions à droits de vote multiples.
Le programme CSeries, qui promet une économie de carburant de 20 % et un avion moins bruyant, devait coûter, selon les estimations initiales, environ 3,4 milliards. Le budget, au final, devrait atteindre 5,4 milliards. Outre l’argent de Québec et de la Caisse de dépôt, le renflouement des coffres de Bombardier s’est fait avec une émission d’actions effectuée l’an dernier. L’entreprise estime qu’il lui faut encore investir 2 milliards dans le projet pour le mener à terme.
Le coup de pouce de Delta
Le nombre de commandes fermes était coincé à 243 depuis l’automne 2014, mais Air Canada a récemment annoncé une lettre d’intention pour acheter 45 modèles CS300 avec une option sur 30 autres. Un nouveau vent d’optimisme a soufflé jeudi, avec les informations du Wall Street Journal selon lesquelles Delta lorgne 75 appareils et une option sur 50 autres.
«Nous croyons qu’une annonce de Delta constituerait un appui de taille pour le programme CSeries, car Delta est perçu comme faisant partie des acheteurs astucieux», a écrit Benoit Poirier, analyste financier chez Valeurs mobilières Desjardins. La commande n’a pas été dévoilée jeudi en même temps que les résultats du premier trimestre de Delta, selon lui, car l’entreprise doit probablement obtenir la bénédiction de ses pilotes.
Si commande il y avait, croit M. Poirier, elle se fera sur la base d’un important rabais. Mais, a-t-il ajouté, un tel contrat pourrait « convaincre d’autres acheteurs qui observent depuis les gradins ». Parmi ces acheteurs pourraient figurer British Airways et JetBlue Airways, selon lui.
Les appareils devant être livrés à Swiss Air, des CS100 à 110 sièges, seront mis en service d’ici le troisième trimestre de 2016.