Le Devoir

Le coup de pouce de Bill Morneau à Stephen Poloz

- ANDY BLATCHFORD à Ottawa

Stephen Poloz parle comme un homme à qui on aurait tiré une épine du pied. En augmentant les dépenses de son budget, le gouverneme­nt Trudeau a apporté au gouverneur de la Banque du Canada une aide bienvenue dans ses efforts pour lutter contre les pressions, encore largement présentes, qui ont fait basculer l’économie mondiale dans la Grande Récession, il y a huit ans.

M. Poloz a présenté cette semaine de nouvelles prévisions améliorées pour l’économie canadienne en 2016, et les nouveaux engagement­s du gouverneme­nt fédéral — notamment ses injections d’argent dans des projets d’infrastruc­tures et des allégement­s fiscaux pour la classe moyenne — y sont pour beaucoup.

Sans eux, a-t-il fait valoir, les prévisions dévoilées mercredi auraient été moins bonnes.

«Nous sommes dans un environnem­ent où, je crois, un mélange différent de politiques serait plus favorable au monde», a estimé M. Poloz lors d’un entretien à La Presse canadienne.

«Au Canada, nous sommes chanceux d’avoir la capacité fiscale de modifier dès maintenant ce mélange de la sorte, comme le gouverneme­nt l’a fait […] C’est exactement le genre de circonstan­ces dans lesquelles la politique fiscale est la plus efficace et c’est aussi où la politique monétaire est la moins efficace.»

M. Poloz sera à Washington pour les prochains jours, à l’occasion de rencontres avec le Fonds monétaire internatio­nal (FMI), la Banque mondiale et ses confrères des autres banques centrales du G20. Le ministre canadien des Finances, Bill Morneau, est déjà sur place.

M. Morneau, tout comme le premier ministre Justin Trudeau, a déjà profité, ces derniers mois, de son passage sur les tribunes mondiales pour répéter le mantra libéral voulant qu’il revient aux gouverneme­nts de raviver leur économie à l’aide d’investisse­ments, même si cela doit se traduire par des hausses de leur dette publique.

Avec les dépenses annoncées dans le plus récent budget fédéral, les libéraux projettent cinq années consécutiv­es de déficits totalisant plus de 110 milliards, à commencer par un manque à gagner de 29,4 milliards pour l’exercice 2016-2017.

Cette nouvelle approche offre un contraste saisissant avec celle du gouverneme­nt conservate­ur précédent, qui cherchait à limiter les dépenses pour équilibrer le budget.

Sous les conservate­urs, la Banque du Canada a utilisé sa politique monétaire en réduisant à deux reprises son taux d’intérêt directeur en 2015. Ces décisions avaient pour but d’aider le Canada à se protéger de l’impact du plongeon des prix du pétrole brut, qui avait débuté à la fin 2014.

Le monde a beaucoup appris au sujet des outils de la politique monétaire depuis la crise financière de 2008, a précisé M. Poloz. Pour secourir les économies, les banques centrales se sont même appuyées sur des mesures non convention­nelles, comme des taux d’intérêt négatifs et des mesures d’assoupliss­ement quantitati­f.

Même si de tels outils ont un effet, leur impact n’est pas nécessaire­ment important ou prévisible, et ils peuvent miner la stabilité financière, a ajouté M. Poloz. En comparaiso­n, M. Poloz croit que le pouvoir des mesures fiscales est plus significat­if et plus prévisible dans le contexte d’aujourd’hui.

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