«Avant les rues», premier long métrage tourné en attikamek
Chloé Leriche capte une parcelle de l’âme attikamek dans Avant les rues
AVANT LES RUES
1/2 Étude de moeurs de Chloé Leriche. Avec Rykko Bellemare, Kwena Bellemare Boivin, Jacques Newashish, Janice Ottawa. Québec, 2016, 97 minutes.
Shawnouk a tué un homme. Son geste a sauvé une vie, il n’empêche… La victime était un voleur, un assassin, mais un homme néanmoins. À peine sorti de l’adolescence, Shawnouk, un Attikamek au caractère bien trempé, garde encore en lui une part d’enfance. En témoignent ces jeux de rôles auxquels il s’adonne avec sa soeur et son ami non loin de la réserve de Manawan. Tiraillé entre deux âges, mais aussi entre deux modes de vie, Shawnouk renouera avec les rituels ancestraux de son peuple à la faveur d’une fuite qui se muera en retour aux sources salutaire. Car s’il est une chose qui émane du film Avant les rues, et cela, en dépit d’une prémisse sombre, c’est de la lumière.
Comme le signalait la consoeur Odile Tremblay lors du dévoilement du film à la Berlinale en février, Avant les rues est à la fois le premier long métrage tourné en langue attikamek et le premier long métrage, point, de Chloé Leriche. La plupart des acteurs, exception faite de Martin Dubreuil dans le rôle d’un filou, sont des non-professionnels, mais des artistes pluridisciplinaires néanmoins issus des communautés attikameks. Dont acte.
On le rappelle à l’occasion de la sortie du film, car ces données expliquent quelques aspects qui caractérisent ce film beau et singulier.
D’abord, il y a ce sentiment que l’on éprouve de visiter pour la première fois cet univers-là. La découverte revêt au commencement les accents hyperréalistes d’une quotidienneté multigénérationnelle par défaut dans ces habitations où prévaut une certaine promiscuité forcée. Puis elle s’imprègne de mystère, voire de magie, à mesure que Shawnouk (et la cinéaste et le spectateur à sa suite) plonge dans cette culture à laquelle il était sourd et aveugle, mais qui demeurait pourtant enfouie en lui.
Ensuite, il y a la manière.
Paradoxe évocateur
Non seulement Chloé Leriche s’attarde-t-elle à un monde dont, force est de le constater, on sait peu de chose hormis, souvent, l’idée que l’on s’en fait, mais elle met celui-ci en scène avec un mélange de curiosité et de respect en phase avec le parcours de son héros. Lequel est interprété par Rykko Bellemare, batteur et chanteur du groupe Northern Voice; pas acteur de formation. Or, à l’instar de ses partenaires, il a pour lui un naturel, à défaut d’une aisance initiale, et surtout un charisme qui siéent au ton particulier de l’ensemble dont la démarche, au fond, n’est guère différente de celle des néoréalistes de naguère. En cela, Chloé Leriche, qui a entre autres oeuvré au sein du Wapikoni Mobile, remporte son pari.
D’autant que sa caméra, si habile au début à glaner le moindre détail significatif afin de générer une impression d’authenticité, sait plus tard apprécier la poésie de la nature, le simple bruissement des conifères se transformant en véritable symphonie forestière. Au gré des rites et des incantations, des fumées et des chants, la cinéaste capte une parcelle de l’âme attikamek.
Ultimement, et il s’agit là d’un paradoxe évocateur, c’est en renouant avec ses racines que Shawnouk se donne les moyens de prendre son envol. Et de devenir un homme.