Le Devoir

L’amour reste sans pitié

25 ans plus tard, le célèbre disque de Jean Leloup reprend vie en format vinyle

- PHILIPPE PAPINEAU

«Tiens, si j’écrivais un chef-d’oeuvre », lançait Jean Leloup dans le vidéoclip de la pièce éponyme de son deuxième disque, L’amour est sans pitié. 25 ans plus tard, il est difficile de contredire le coloré chanteur. Pour s’en convaincre, il suffit de faire la liste des chansons de cet album qui ont traversé le temps avec brio: Cookie, Isabelle, Barcelone, L’amour est sans pitié, 1990, Rock’n’roll pauvreté, Décadence, Nathalie… Et dans le cadre du Record Store Day, ou Jour du disquaire, la compagnie de disque Audiogram lancera d’ailleurs ce samedi une version vinyle, pressée à 1000 exemplaire­s.

Pour l’anecdote, c’est la première fois que ce disque paru en août 1990 verra le jour en vinyle, car à l’époque, Audiogram avait décidé, pour la première fois de son histoire, de ne lancer un album qu’en cassette et en CD, le format de l’heure. Au total, le disque s’est écoulé à environ 130 000 exemplaire­s.

Le guitariste Yves Desrosiers, qui faisait partie du groupe de musiciens La sale affaire qui accompagna­it Leloup à l’époque, se souvient que L’amour est sans pitié marquait un virage musical certain pour le chanteur au haut-de-forme, qui avait débuté sa carrière avec le disque Menteur, paru en 1989. « Menteur, ça ne visait pas les jeunes, c’était un public qui avait mettons connu Michel Rivard à ses débuts en solo, dit Desrosiers, qui a accepté de partager ses souvenirs avec Le Devoir. Mais avec L’amour est sans pitié, il y avait cette espèce d’énergumène, sorti d’on ne sait pas où et qui a allumé toute une jeunesse. »

Leloup avait voulu mettre de côté la manière habituelle de faire des albums au Québec dans les années 1980, «avec des beatboxs, des saxophones», se souvient Desrosiers, qui a depuis travaillé avec Daniel Bélanger, Mara Tremblay, Bia, Mononc’Serge et surtout Lhasa de Sela. « Il voulait plutôt faire les choses comme le faisaient les Français à l’époque, des trucs rock’n’roll un peu undergroun­d, comme La Mano Negra.»

Selon Desrosiers, les « college radios» étaient emballées de voir enfin un disque du genre fait au Québec, et qu’il serait possible de voir en spectacle. «Quand on a sorti Cookie en vidéoclip, ç’a amené toute cette génération­là. En fait, Musique Plus a vendu les disques, et a vendu à cette jeunesse-là Jean Leloup et sa bande de flyés!»

À la manière Leloup

Et pour le flyé, l’instantané, le spontané et l’imprévu, Leloup avait déjà ses galons en la matière. Par exemple, à mi-chemin dans l’enregistre­ment de L’amour est sans pitié, le chanteur a décidé de virer quelquesun­s de ses musiciens, ce qui a provoqué l’arrivée d’Yves Desrosiers et du batteur François Lalonde, déjà un proche de Leloup. Le noyau de base du groupe était complété par les deux Français Patrick Pelenc et Alex Cochard.

Pour la petite histoire, la première édition de L’amour est sans pitié ne comprenait pas la célébrissi­me pièce 1990, pour la simple et bonne raison «qu’elle n’existait pas encore», rigole Yves Desrosiers.

«Il a fallu que la guerre du Golfe éclate, au début de 1991. Jean était parti en vacances avec sa copine, et quand il est revenu, il me parlait de partir en tournée en France. Mais avec la guerre, on ne savait pas ce que ça allait faire au niveau politique, tout le monde avait un peu la chienne! Alors je lui dis: “Mais Jean, la guerre vient d’éclater” Et lui me répond: “Quoi? La guerre? Ah bon?” Il n’était pas trop au courant, il n’en avait pas entendu parler où il était. Mais le soir même ou le surlendema­in, il m’a appelé pour me faire entendre sa nouvelle chanson, qui était 1990. Il me l’a chantée au téléphone, avec sa guitare. Il venait juste de la composer. J’imagine qu’il était parti écouter les nouvelles, qu’il s’est renseigné, et ça l’a allumé!»

La chanson a été rapidement enregistré­e, d’abord en version rock. Puis James Di Salvio, que l’on connaîtra ensuite avec Bran Van 3000, a voulu en faire une version remixée, plus disco, qui est la version que l’on connaît aujourd’hui. Mais il n’était pas question de rééditer tout de suite le disque, dont les exemplaire­s n’étaient pas tous écoulés.

«Alors on a fait un EP, dit Desrosiers. Et dans ce tempslà, les EP ça existait plus. Jean a sorti le premier EP en 35 ans! Il faisait toujours des choses qu’on ne faisait pas encore ici.» Ce minialbum comptait quatre chansons, dont les deux versions de 1990, un remix de Cookie, et La décadence. Et lors de la réédition de L’amour est sans pitié, l’année suivante, trois des quatre chansons y ont trouvé leur place.

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