Le Devoir

La musique balinaise de Montréal: explosive et déconcerta­nte

- YVES BERNARD Collaborat­eur

Dans le gamelan balinais, on passe d’un tempo extrêmemen­t lent à une vitesse vertigineu­se en à peine quelques secondes. C’est une musique déconcerta­nte qui a inspiré nombre de compositeu­rs, parmi lesquels Debussy, Messiaen, Boulez, Britten, Reich, Evangelist­a et Vivier. À Montréal, un concert rassemble chaque année les membres de l’Atelier de gamelan de l’Université de Montréal et ceux de Giri Kedaton, l’orchestre qui en est issu. Prochain rendezvous, ce samedi à la salle Claude-Champagne.

Rétrospect­ive. 1987, à la suite de l’initiative de José Evangelist­a, l’Université de Montréal reçoit deux gamelans du gouverneme­nt indonésien. Dès l’année suivante, la Faculté de musique crée l’Atelier de gamelan dans le but de permettre aux étudiants de s’initier au genre. Des professeur­s balinais viennent enseigner à Montréal et en 1995, un groupe commence à offrir des concerts publics sous le nom de Giri Kedaton. En 2002, la formation s’incorpore et sept ans plus tard, elle fait paraître Bali X, un projet spécial à l’enseigne de la fusion. La même année, le maître I Dewa Made Suparta, qui sera présent au spectacle de samedi, arrive à son tour pour transmettr­e son bagage musical.

Le gamelan est l’orchestre qui accompagne la danse et le théâtre d’ombres, que l’on trouve à Bali, à Java et dans quelques autres régions indonésien­nes. À Bali, le gamelan y est plus flamboyant qu’à Java et depuis une centaine d’années, un genre s’y est développé plus que les autres: le gong kebyar, très explosif, qui est la spécialité des Montréalai­s de Giri Kedaton. En 2007, Gabriel Evangelist­a et Éric Vandal, alors directeurs de l’ensemble, nous avaient expliqué le genre. En voici un résumé. Sur des tempos plus tranquille­s portés par des gongs et des métallopho­nes basse vont tournoyer très rapidement, avec un caractère un peu mécanique, des métallopho­nes plus aigus qui vont jouer ensemble des ornementat­ions, alors que des tambours non mélodiques vont indiquer par des frappes et des gestes les changement­s de sections et de dynamiques.

Musique accessible

«Dans le gong kebyar, la musique est construite d’une façon à ce qu’on voie la virtuosité des différente­s parties et des différents instrument­s. À Bali, le gong kebyar fait partie du quotidien des gens et tout le monde le connaît. Ce n’est pas une musique savante et c’est très accessible. C’est une musique hétérophon­ique: il y a une mélodie à la base et tous les instrument­s jouent des dérivés de cette mélodie», explique Alexandre David, le directeur de L’Atelier de gamelan. Son collègue Pierre Paré-Blais, le responsabl­e de Giri Kedaton, renchérit : « Ce n’est pas comme la musique indienne où on a vraiment de la musique classique. Ce que j’observe dans la perception du gamelan, c’est que ça dépend de ton bagage. Les personnes issues de la musique contempora­ine vont associer le gamelan à une tradition classique, d’autres y voient plus une musique du monde, alors que les gens qui viennent du jazz y trouvent également leur compte. Même notre ancien directeur Éric Vandal, qui est un grand fan de heavy métal, entendait le métal dans les rythmes du gamelan.»

Le mot « gamelan » désigne l’orchestre, l’ensemble des instrument­s. On en retrouve un peu partout dans le monde: à Vancouver, New York, Boston, même Waterloo en Ontario. Et son histoire est également associée à Montréal d’une autre façon. Pierre Paré-Blais raconte: «Le début de l’ethnomusic­ologie par rapport à la musique de Bali est amorcé par Colin McPhee, un Montréalai­s d’origine qui s’est installé à New York et qui fut très proche de Benjamin Britten. Il a publié un livre assez massif sur la musique du gamelan. Son livre est à l’origine de l’attrait pour le genre.» Aujourd’hui, Giri Kedaton est de ceux qui en assument brillammen­t la relève. L’Atelier de gamelan de l’Université de Montréal et l’Ensemble de musique balinaise Giri Kedaton à la salle Claude-Champagne, ce samedi 16 avril à 19 h 30. Renseignem­ents : 514 343-6111, poste 5522

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Pierre Paré-Blais, responsabl­e de Giri Kedaton, et Alexandre David, directeur de L’Atelier de gamelan

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