Réadaptation d’une femme
MON ROI
1/2 Drame sentimental de Maïwenn. Avec Emmanuelle Bercot, Vincent Cassel, Louis Garrel, Isild Le Besco. France, 2015, 125 minutes.
Il faut avoir croisé au moins une fois l’actrice et cinéaste Maïwenn pour comprendre que les excès et autres débordements de son univers ne sont pas que simples postures d’auteur ; cette frénésie tour à tour cocasse, hystérique et larmoyante la distingue, et l’habite, depuis ses débuts.
Visiblement réfractaire à la routine, après une amusante comédie musicale déjantée (Le bal des actrices) et une puissante plongée au coeur d’une brigade de protection des enfants (Polisse), elle semble ouvrir, sans pudeur, des pans entiers de son journal intime. Mon roi se présente comme la radiographie d’une liaison orageuse entre Georgio, un propriétaire de resto au profil de don Juan (Vincent Cassel, d’un naturel confondant) et Tony, de son vrai nom Marie-Antoinette!, une avocate rongée par l’insécurité (Emmanuelle Bercot, une grande dévotion doublée d’abandon auréolée à Cannes).
Comme pour signifier, à grands traits, à quel point Tony semble depuis longtemps glisser sur une pente dangereuse, tout démarre par un accident de ski, accident qui ne relève nullement d’un tragique hasard. En pleine réadaptation dans un centre de traitements au bord de la mer — le côté misère des riches fera grincer des dents —, ce temps d’arrêt obligé devient moment de réflexion sur dix ans de vie conjugale : de la première rencontre impromptue dans un bar aux multiples empoignades en passant par la présence d’une ex-flamme de Georgio, ombre menaçante sur la grossesse déjà éprouvante de Tony qui oscille, en un seul instant, du rire aux larmes. Ce qui a le don d’énerver souverainement ce playboy irresponsable, et profondément narcissique.
Cette structure en flashbacks, à la fois convenue et efficace, laisse planer un doute sur l’issue finale de cette liaison (qui partage sa vie au moment où Tony est entre les mains des thérapeutes ?), comme pour cultiver l’espoir d’une possible renaissance, et pas que physique. Maïwenn se plaît à décrire dans le menu détail le quotidien survolté de ces deux Parisiens bourgeois, filmant avec une même application ébats sexuels, crises de jalousie, moments euphoriques et joutes verbales. Chez la cinéaste, tout se déploie avec la même énergie désordonnée, un défi pour son magnifique duo d’acteurs d’une symbiose remarquable.
Est-ce là un paysage exotique du cinéma français? Un territoire nouvellement conquis ? La recette de cette déconstruction sentimentale est depuis longtemps connue, utilisée parfois dans ses extrêmes (sommesnous devant la réincarnation de Maurice Pialat ou Andrzej Zulawski?), et que Maïwenn maîtrise avec une dextérité foudroyante, sans jamais donner dans la nuance, ou un quelconque sentiment de quiétude, même jusqu’au tout dernier plan. On a beau entendre parfois une réplique suppliante du type «Arrêtons ce cirque!», la cinéaste s’y refuse avec détermination, tout en pouvant irriter les âmes plus conciliantes. Dans ce royaume des sentiments foudroyants, la raison n’est pas reine.