La démocratie directe de Robert Burns
Le PQ s’est enfermé dans les institutions britanniques lui donnant accès au pouvoir
La Loi sur le financement des partis politiques devait être le premier legs du gouvernement de René Lévesque. Cette législation avant-gardiste a toutefois été réduite à l’impuissance par l’inertie du Directeur général des élections avant d’être dénaturée sous Pauline Marois, estime l’ancien sous-ministre péquiste André Larocque. Pour ce «lévesquiste» inconditionnel, le temps est venu de parachever les réformes entreprises il y a près de 40 ans par Robert Burns, à qui il consacre ce livre-témoignage.
Le futur ministre indépendantiste est né en 1936 d’un père livreur de pain unilingue anglophone et d’une femme de ménage canadienne-française. Robert Gordon Burns est alors destiné à devenir «un petit Anglais », écrit Larocque, qui nous le montre vêtu d’un chandail des Maple Leafs de Toronto l’année des 50 buts de Maurice Richard. La mort du paternel le pousse toutefois vers l’est ouvrier de Montréal, où il forge ses idéaux socialistes.
Après des études en droit, l’avocat moustachu entre à la CSN, où il oeuvre jusqu’à son élection sous la bannière du Parti québécois en 1970. Réélu trois ans plus tard, on lui préfère Jacques-Yvan Morin pour diriger l’aile parlementaire péquiste. Il est ainsi privé d’un affrontement direct avec le premier ministre libéral Robert Bourassa. Selon Larocque, cette tribune lui aurait permis d’aspirer à la direction du parti de René Lévesque, dont le leadership est déjà contesté. «Qu’aurait été un gouvernement Burns ? demande l’auteur dans un élan fantaisiste. Résolument social-démocrate, c’est sûr. Inconditionnellement indépendantiste aussi… et le grand réformateur de nos institutions démocratiques. Ah le beau rêve!»
Le réformiste démocrate
Burns est nommé ministre d’État à la Réforme électorale et parlementaire dans les mois qui suivent la victoire péquiste de 1976. Il planche d’abord sur la réforme du financement des partis, avant de s’attaquer à la refonte de la Loi électorale et à la mise en place de la Loi sur les consultations populaires. Il donne également le coup d’envoi à la version québécoise du « Freedom of Information Act », la loi sur l’accès à l’information dont on attend toujours la modernisation.
Bien qu’il échappe quelques anecdotes ici et là, Larocque se concentre sur l’esprit des lois élaborées par son mentor jusqu’à sa démission à la suite d’un infarctus en 1979. S’il ne ménage pas les éloges pour son sujet décédé il y a deux ans, le biographe est sans merci pour les dépositaires de son héritage. «La commission Charbonneau a fait le travail qui aurait pu et aurait dû être fait par le Directeur général des élections depuis plus de trente ans », s’exclame l’auteur, en rappelant l’étendue des pouvoirs d’enquête du DGEQ.
L’éphémère gouvernement Marois est également écorché pour avoir rehaussé le financement étatique des organisations politiques en plafonnant les contributions citoyennes. «Un parti incapable de subsister par un appui financier populaire ne mérite pas de continuer à exister », écrivait Burns dans sa dernière lettre ouverte publiée dans Le Devoir en 2012. Larocque reproche surtout au parti de René Lévesque d’avoir abandonné la réforme du mode de scrutin et le projet de loi sur les référendums d’initiative populaire. «S’il avait été adopté, avec ce qui s’est passé à la suite de l’échec de lac Meech, écrit-il, le Québec serait un État souverain depuis 1990. »