Tout peut, et doit, changer
L’auteure et militante Naomi Klein, figure respectée de l’altermondialisme, a fait des changements climatiques son nouveau cheval de bataille. Après avoir publié le livre Tout peut changer, qui fait le lien entre le capitalisme et la crise climatique planétaire, elle a choisi de mettre en images la trame de l’ouvrage dans un documentaire qui porte le même titre.
Naomi Klein, qui a planché pendant quelques années sur ce projet abouti en 2015, ne se contente pas de répéter ce qu’on sait déjà, à savoir que notre dépendance aux énergies fossiles perturbe le climat. On le sait plus que jamais, quoiqu’en disent certains climatonégationnistes qui persistent à voir dans les bouleversements climatiques un phénomène essentiellement naturel.
Pour résumer, disons tout de même que la science est très claire. Si l’humanité ne parvient pas rapidement à freiner la hausse des émissions de gaz à effet de serre, puis à les réduire de façon draconienne, le monde se dirige vers un réchauffement global au potentiel destructeur immense: accroissement des phénomènes météorologiques extrêmes, pénuries alimentaires, hausse du niveau des océans et acidification de ceux-ci, crises migratoires, conflits, etc.
La cause est entendue : c’est toute la vie sur Terre qui sera perturbée, voire compromise par notre dépendance aux énergies fossiles, conclut l’essentiel des rapports scientifiques sur le sujet. Et pour éviter le pire, il faudra plus que la simple signature des 195 États qui ont conclu un accord climatique historique à Paris, en décembre 2015.
Changer le monde
Le constat est donc clair. Mais il ne doit pour autant pas conduire au fatalisme et à l’inaction, plaide Naomi Klein. Dans Tout peut changer, la militante canadienne insiste surtout, avec autant d’aplomb que de sensibilité, pour démontrer que les changements climatiques représentent essentiellement une occasion de se tourner vers un monde qu’elle estime déjà radicalement meilleur.
La caméra, elle, se pose principalement à hauteur très humaine, au fil des récits de luttes citoyennes contre des projets jugés destructeurs pour l’environnement et la qualité de vie des citoyens.
Le documentaire voyage d’ailleurs beaucoup, du Canada à la Grèce (victime de virulentes politiques d’austérité), en passant par la Chine et l’Allemagne. Klein consacre aussi beaucoup de temps à la bataille des Premières Nations contre les pétrolières, qui, en Alberta, sont venues s’installer sur leurs territoires ancestraux.
Contre les fossiles
À plusieurs reprises, elle a d’ailleurs critiqué sans détour l’omniprésence de l’industrie des énergies fossiles au Canada. Une industrie qui cherche des moyens d’assurer sa croissance, malgré les politiques de lutte contre les changements climatiques que le gouvernement fédéral s’est engagé à mettre en place.
Naomi Klein a ainsi dénoncé le projet Énergie Est, dans une entrevue au Devoir l’an dernier: «Si ce pipeline est construit, le Québec deviendra le complice du pire crime contre le climat dans le monde. Car il ne fait aucun doute qu’un pipeline de cette dimension, qui transportera 1,1 million de barils de pétrole par jour, est intimement lié à la croissance de la production des sables bitumineux albertains.»
Mais pourquoi nos politiciens sont-ils à ce point partisans de ressources qui menaceraient la vie sur la Terre? «Ils manquent clairement d’imagination dans leur vision du développement, affirme Naomi Klein. Les compagnies pétrolières veulent construire des infrastructures majeures, et tout ce que les politiciens ont à faire, c’est dire oui et leur attribuer des subventions. C’est la façon la plus facile de prétendre être un leader. Mais se tourner vers un nouveau modèle exigerait une vision qui ne se résume pas à accepter les projets développés par l’industrie la plus puissante au monde. »
La ministre fédérale de l’Environnement et des Changements climatiques, Catherine McKenna, a justement dit récemment, lors d’un passage à Montréal, qu’elle ne voyait pas d’incohérence entre la croissance de la production pétrolière canadienne et la volonté du gouvernement Trudeau de lutter contre les changements climatiques. Il faut décarboniser notre économie, a-t-elle plaidé, mais cela prendra du temps.
«Ce modèle, basé sur les énergies fossiles, a échoué, réplique Naomi Klein. Et la science nous dit très clairement que nous manquons de temps pour une action ambitieuse sur l’enjeu crucial du climat.» Bref, tout peut, et doit, changer.