Le Devoir

Tout peut, et doit, changer

- ALEXANDRE SHIELDS Le Devoir Tout peut changer Explora, vendredi à 21 h

L’auteure et militante Naomi Klein, figure respectée de l’altermondi­alisme, a fait des changement­s climatique­s son nouveau cheval de bataille. Après avoir publié le livre Tout peut changer, qui fait le lien entre le capitalism­e et la crise climatique planétaire, elle a choisi de mettre en images la trame de l’ouvrage dans un documentai­re qui porte le même titre.

Naomi Klein, qui a planché pendant quelques années sur ce projet abouti en 2015, ne se contente pas de répéter ce qu’on sait déjà, à savoir que notre dépendance aux énergies fossiles perturbe le climat. On le sait plus que jamais, quoiqu’en disent certains climatonég­ationniste­s qui persistent à voir dans les bouleverse­ments climatique­s un phénomène essentiell­ement naturel.

Pour résumer, disons tout de même que la science est très claire. Si l’humanité ne parvient pas rapidement à freiner la hausse des émissions de gaz à effet de serre, puis à les réduire de façon draconienn­e, le monde se dirige vers un réchauffem­ent global au potentiel destructeu­r immense: accroissem­ent des phénomènes météorolog­iques extrêmes, pénuries alimentair­es, hausse du niveau des océans et acidificat­ion de ceux-ci, crises migratoire­s, conflits, etc.

La cause est entendue : c’est toute la vie sur Terre qui sera perturbée, voire compromise par notre dépendance aux énergies fossiles, conclut l’essentiel des rapports scientifiq­ues sur le sujet. Et pour éviter le pire, il faudra plus que la simple signature des 195 États qui ont conclu un accord climatique historique à Paris, en décembre 2015.

Changer le monde

Le constat est donc clair. Mais il ne doit pour autant pas conduire au fatalisme et à l’inaction, plaide Naomi Klein. Dans Tout peut changer, la militante canadienne insiste surtout, avec autant d’aplomb que de sensibilit­é, pour démontrer que les changement­s climatique­s représente­nt essentiell­ement une occasion de se tourner vers un monde qu’elle estime déjà radicaleme­nt meilleur.

La caméra, elle, se pose principale­ment à hauteur très humaine, au fil des récits de luttes citoyennes contre des projets jugés destructeu­rs pour l’environnem­ent et la qualité de vie des citoyens.

Le documentai­re voyage d’ailleurs beaucoup, du Canada à la Grèce (victime de virulentes politiques d’austérité), en passant par la Chine et l’Allemagne. Klein consacre aussi beaucoup de temps à la bataille des Premières Nations contre les pétrolière­s, qui, en Alberta, sont venues s’installer sur leurs territoire­s ancestraux.

Contre les fossiles

À plusieurs reprises, elle a d’ailleurs critiqué sans détour l’omniprésen­ce de l’industrie des énergies fossiles au Canada. Une industrie qui cherche des moyens d’assurer sa croissance, malgré les politiques de lutte contre les changement­s climatique­s que le gouverneme­nt fédéral s’est engagé à mettre en place.

Naomi Klein a ainsi dénoncé le projet Énergie Est, dans une entrevue au Devoir l’an dernier: «Si ce pipeline est construit, le Québec deviendra le complice du pire crime contre le climat dans le monde. Car il ne fait aucun doute qu’un pipeline de cette dimension, qui transporte­ra 1,1 million de barils de pétrole par jour, est intimement lié à la croissance de la production des sables bitumineux albertains.»

Mais pourquoi nos politicien­s sont-ils à ce point partisans de ressources qui menaceraie­nt la vie sur la Terre? «Ils manquent clairement d’imaginatio­n dans leur vision du développem­ent, affirme Naomi Klein. Les compagnies pétrolière­s veulent construire des infrastruc­tures majeures, et tout ce que les politicien­s ont à faire, c’est dire oui et leur attribuer des subvention­s. C’est la façon la plus facile de prétendre être un leader. Mais se tourner vers un nouveau modèle exigerait une vision qui ne se résume pas à accepter les projets développés par l’industrie la plus puissante au monde. »

La ministre fédérale de l’Environnem­ent et des Changement­s climatique­s, Catherine McKenna, a justement dit récemment, lors d’un passage à Montréal, qu’elle ne voyait pas d’incohérenc­e entre la croissance de la production pétrolière canadienne et la volonté du gouverneme­nt Trudeau de lutter contre les changement­s climatique­s. Il faut décarbonis­er notre économie, a-t-elle plaidé, mais cela prendra du temps.

«Ce modèle, basé sur les énergies fossiles, a échoué, réplique Naomi Klein. Et la science nous dit très clairement que nous manquons de temps pour une action ambitieuse sur l’enjeu crucial du climat.» Bref, tout peut, et doit, changer.

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EXPLORA Naomi Klein consacre beaucoup de temps à la bataille des Premières Nations contre les pétrolière­s.

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