Le Devoir

Aviation Appel à un accord mondial pour réduire les émissions de GES

La propositio­n mise sur la table est toutefois jugée trop peu ambitieuse par des environnem­entalistes

- ALEXANDRE SHIELDS

Moins d’un an après la signature de l’Accord de Paris sur le climat, l’Organisati­on de l’aviation civile internatio­nale tentera au cours des prochains jours de s’entendre sur un programme qui permettrai­t à l’industrie de plafonner, puis de réduire, ses émissions de gaz à effet en serre, actuelleme­nt en forte croissance. Mais les objectifs manquent d’ambition, selon les groupes environnem­entaux.

Le transport aérien doit être «plus responsabl­e dans l’intérêt de toute l’humanité» et arriver à une «empreinte carbone neutre», a insisté mardi le ministre canadien des Transports, Marc Garneau, dans le cadre de l’ouverture de l’assemblée de l’Organisati­on de l’aviation civile internatio­nale (OACI), à laquelle prenait part le premier ministre Philippe Couillard.

Si les propos du ministre résument en théorie l’objectif des délégués des 191 pays réunis à Montréal jusqu’au 7 octobre, la tâche qui attend l’OACI n’en demeure pas moins ardue, avec le doublement d’ici 2030 du nombre de passagers dans le monde. Ils devraient alors être près de six milliards, pour un total de 30 millions de vols annuelleme­nt.

C’est dans ce contexte de croissance soutenue du secteur du transport aérien que l’organisme onusien espère à moyen terme réduire ses émissions globales de gaz à effet de serre, qui comptent aujourd’hui pour 2% du total mondial (soit approximat­ivement le même taux que le Canada).

Une part qui risque cependant d’augmenter si les États réduisent leurs émissions, comme le prévoit l’Accord de Paris sur le climat, qui doit entrer en vigueur d’ici la fin de 2016, et dont le secteur aérien est exclu. En cas d’inaction, la

Coalition internatio­nale pour une aviation durable estime que le secteur pourrait représente­r pas moins de 22% des émissions mondiales en 2050.

Objectif 2020

Le plan débattu à l’OACI doit d’abord permettre de plafonner les émissions globales du secteur aérien dès 2020. On espère par la suite que les émissions pourront être réduites de moitié, et ce, d’ici 2050.

Pour y parvenir, l’assemblée de l’OACI devrait entériner formelleme­nt un mécanisme mondial de compensati­on des émissions carbone de l’aviation internatio­nale. Le

de cet outil

« panier de mesures » « sera le premier mécanisme de marché pour faire face au changement climatique de tous les secteurs industriel­s»,

selon le Groupe d’action du transport aérien (ATAG), qui regroupe les compagnies, les principaux constructe­urs aéronautiq­ues, les motoristes et les aéroports.

Les compagnies aériennes poussent pour l’adoption de ce mécanisme, car c’est

« un outil essentiel pour notre engagement de croissance neutre en carbone »,

selon Alexandre de Juniac, directeur général de l’Associatio­n internatio­nale du transport aérien (IATA). Selon l’OACI, ce plan est d’ailleurs réaliste grâce au recours à des carburants moins polluants, à des moteurs d’avion moins gourmands et à l’optimisati­on des routes aériennes. Des transporte­urs comme Air Transat appliquent déjà de telles mesures.

Une soixantain­e de pays, représenta­nt 80% du trafic aérien — dont tous les pays européens, les États-Unis, la Chine, le Canada et le Japon —, ont d’ailleurs l’intention de participer à la première phase du plan, qui a été allégé et se limite à une participat­ion volontaire pendant ses cinq premières années. Cependant, plusieurs grands pays en développem­ent, dont l’Inde, ont exprimé des inquiétude­s.

Les délégués ont maintenant deux semaines pour tenter de s’entendre sur un programme qui doit se mettre en place sur plusieurs années, puisque la deuxième phase, obligatoir­e celle-là, devrait débuter seulement en 2027.

Insuffisan­t

Les groupes environnem­entaux jugent cependant que le plan proposé pour encadrer les émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien est insuffisan­t pour freiner la hausse des émissions attendue. Selon ce qu’a fait valoir l’organisati­on Attac avant le sommet,

«le secteur de l’aviation ne doit plus tarder pour se conformer à l’impératif climatique: la propositio­n de l’OACI, qui vise à atteindre une “croissance neutre en carbone”, manque sérieuseme­nt d’ambition, notamment parce qu’elle repose principale­ment sur la compensati­on carbone ».

Critique réitérée mardi par la Fondation David Suzuki, devant le siège de l’OACI, à Montréal. «L’industrie de l’aviation serait au septième rang des pays les plus polluants si elle était un État. Et rien ne la restreint: les émissions de cette industrie sont actuelleme­nt exclues de tout traité internatio­nal même si son bilan GES va tripler d’ici 2050 si la non-réglementa­tion persiste et si sa croissance se poursuit.»

Les entreprise­s du secteur aérien relèvent de la responsabi­lité des pays membres de l’OACI. L’organisati­on ne peut pas imposer des mesures à ces pays, mais ces derniers s’engagent normalemen­t à respecter les règles de l’OACI.

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PAUL CHIASSON LA PRESSE CANADIENNE Olumuyiwa Benard Aliu, président de l’OACI
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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le maire de Montréal, Denis Coderre, accueille le président de l’OACI, Olumuyiwa Benard Aliu. Devant eux, le premier ministre, Philippe Couillard.

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