Le Devoir

La souveraine­té populaire, fondement de la stratégie d’accession à l’indépendan­ce

- PAUL CLICHE Militant indépendan­tiste depuis 50 ans. A d’abord appuyé le Rassemblem­ent pour l’indépendan­ce nationale (RIN). Puis il a été membre du Parti québécois. Il milite maintenant à Québec solidaire, parti dont il est un des membres fondateurs.

La dernière course à la chefferie du Parti québécois, lors de laquelle les candidats ont focalisé en bonne partie leurs interventi­ons sur la tenue d’un référendum, indique que cette formation n’effectuera pas de sitôt le changement de paradigme nécessaire pour tirer le projet indépendan­tiste du bourbier dans lequel il s’est enlisé depuis 15 ans. Remettre ce dernier sur ses rails exigerait plutôt la mise en oeuvre d’une politique inspirée par une façon de penser et d’agir radicaleme­nt nouvelle. Il passerait d’abord par la mise en applicatio­n du principe de la souveraine­té populaire comme fondement de la stratégie d’accession à l’indépendan­ce. Il impliquera­it aussi qu’on cesse de réduire le projet indépendan­tiste à la seule dimension de la souveraine­té politique de l’État québécois.

L’alpha et l’oméga de la politique québécoise ne se résument pas dans la mécanique référendai­re, comme semblent penser les péquistes. Ce qui importe, en effet, ce n’est pas de tenir à tout prix un référendum lors du premier ou du deuxième mandat d’un éventuel gouverneme­nt indépendan­tiste. C’est plutôt de placer le plus vite possible les citoyens au coeur de la démarche d’accession du Québec à l’indépendan­ce afin qu’au moyen d’un exercice intensif de démocratie participat­ive ils puissent définir eux-mêmes le projet de Constituti­on sur lequel ils auront à se prononcer lors du référendum qui clôturera le processus. Ce dernier serait donc inversé puisque le référendum conclurait la démarche plutôt que de la lancer. Une telle propositio­n signifie avant tout qu’on admette la nécessité de recourir au peuple non seulement pour dire oui ou non à la souveraine­té de l’État lors d’un référendum dont la question serait dictée d’en haut comme en 1980 et 1995, mais que l’on confie le mandat à la population de définir les contours du pays dans lequel nous voulons vivre.

De façon concrète, cela signifiera­it l’adoption d’une loi créant une Assemblée constituan­te indépendan­te de l’Assemblée nationale, du gouverneme­nt et des partis politiques dont les membres seraient élus au suffrage universel ou encore choisis par tirage au sort afin de refléter le mieux possible la diversité du peuple québécois. Comme premier mandat, cette dernière se verrait confier la tâche d’effectuer une vaste consultati­on populaire. Puis, en tenant compte des résultats de cet exercice auquel toute la population serait invitée à participer, l’Assemblée constituan­te rédigerait un projet de Constituti­on qui serait soumis au référendum qui finalisera­it le processus.

Pas de projet de pays sans projet de société

En janvier 1995, le gouverneme­nt Parizeau a mis sur pied une commission pour consulter la population sur le référendum qui devait survenir en octobre suivant. La démarche a soulevé un grand intérêt et plus de 6000 mémoires ont été présentés en l’espace de quelques semaines. De nombreux militants souveraini­stes ont alors réclamé que la stratégie du référendum en préparatio­n établisse une articulati­on étroite entre le projet de pays et le projet de société. Un consensus s’est établi sur ce point.

Mais l’idée n’a pas été retenue par le Parti québécois et ses alliés, le Bloc québécois et l’Action démocratiq­ue du Québec. On a plutôt pris la décision de limiter la question référendai­re à la souveraine­té de l’État québécois et de l’associer à la négociatio­n d’un partenaria­t économique et politique avec le Canada (souveraine­té-partenaria­t). Cela équivalait à proposer un projet de pays sans contenu. Le PQ s’était servi de la commission comme une formule de marketing pour favoriser l’adhésion au «Oui». Tant pis pour les naïfs qui avaient cru participer à un véritable exercice de démocratie participat­ive!

Devenu premier ministre, Lucien Bouchard s’est empressé d’envoyer ce rapport encombrant aux oubliettes. Plutôt que d’approfondi­r la démarche vers l’indépendan­ce en s’associant la population, son gouverneme­nt a mis frileuseme­nt le cap sur le déficit zéro et l’attente passive de conditions gagnantes. Ses successeur­s, Bernard Landry et Pauline Marois, ont conservé grosso modo cette stratégie qui a démoralisé les militants et accentué le déclin du parti. De telle façon qu’après 16 ans, le projet indépendan­tiste s’est affaibli. Un éventuel gouverneme­nt indépendan­tiste devrait au contraire enclencher le processus dès la prise du pouvoir en faisant adopter par l’Assemblée nationale la loi créant l’Assemblée constituan­te.

Un règlement durable de la question nationale exige que la souveraine­té politique soit liée à la souveraine­té populaire, non seulement lors du référendum qui clôturera le processus, mais pendant toute la démarche qui y mènera. On doit réaliser également que le débat sur l’avenir du Québec n’appartient à aucun parti politique en exclusivit­é, pas plus qu’à un groupe de la société civile en particulie­r ni même au gouverneme­nt ou à l’Assemblée nationale. Il appartient à l’ensemble du peuple québécois.

Newspapers in French

Newspapers from Canada