Le libraire Pierre Renaud, « amoureux des livres », s’éteint
Connu pour son amour des livres et son tempérament fougueux, Pierre Renaud, le fondateur de la chaîne de librairies Renaud-Bray, est décédé mardi des suites d’une longue maladie, laissant derrière lui le plus grand réseau de librairies francophones en Amérique du Nord. L’entreprise est présidée depuis 2011 par son fils Blaise Renaud.
C’est en s’associant avec Edmond Bray que Pierre Renaud a fondé Renaud-Bray en 1965, sur le site de l’actuelle librairie Olivieri. Ironiquement, Renaud-Bray vient tout juste d’acheter cette librairie, située sur le chemin de la Côte-des-Neiges.
Pour se lancer en affaires, à ses débuts, Pierre Renaud a déjà raconté qu’il avait emprunté 20 000 $ à sa mère.
Très tôt dans sa carrière, Pierre Renaud a tenté d’attirer un vaste public dans son commerce en dressant des étalages de livres liés aux arts de vivre ou à la cuisine, raconte l’éditeur Pierre Bourdon, qui a beaucoup travaillé avec Pierre Renaud et qui en était aussi un ami de longue date. Un espace pour les jeunes voit également rapidement le jour. C’est le début du concept, parfois controversé, des librairies à grande surface, qui perdure encore aujourd’hui. Plus tard, alors que la librairie commence à vendre des disques compacts, le commerce du chemin de la Côte-des-Neiges reste ouvert jusqu’à minuit. Pour toutes ces raisons, Pierre Renaud était un visionnaire, estime Pierre Bourdon.
Audacieux
«C’était un homme qui avait de l’audace, et un vrai amoureux des livres», ajoute Bourdon, qui se souvient d’avoir reçu des appels de Pierre Renaud, le dimanche matin, lui annonçant qu’un livre avait bien décollé. «Il pouvait vous raconter l’histoire du dernier prix Goncourt le lendemain de son attribution. »
Selon Bourdon, Pierre Renaud aurait souvent dit qu’il a un jour lu dans son horoscope qu’il avait de l’avenir dans le monde des librairies et de l’édition. L’ambition de Pierre Renaud lui a cependant valu quelques revers. En 1995-1996, l’entreprise doit se mettre sous le coup de la loi sur la faillite, et c’est le Fonds de solidarité FTQ qui investit pour assurer sa survie. La chaîne avale ensuite les librairies Garneau et Champigny, puis, tout récemment, la chaîne de librairies Archambault.
Pierre Renaud a même tenté, dans les années 1990, d’ouvrir une grande librairie francophone à Toronto, poursuit Pierre Bourdon. «C’était une grave erreur», dit-il cependant de ce projet avorté. Renaud a pourtant permis la croissance d’un réseau de librairies francophones et québécoises, bloquant entre autres, dans les années 1990, l’avènement au Québec d’un réseau de succursales de la FNAC française.
Pour Philippe Desmarais, qui a travaillé 30 ans aux côtés de Pierre Renaud et qui est toujours conseiller spécial pour la chaîne de librairies, Pierre Renaud a permis aux Québécois d’entrer dans les librairies. En pleine Révolution tranquille, dit-il, il a fait en sorte que la librairie ne soit pas réservée aux curés et aux comptables.
Pour l’éditeur et ancien ministre de la Culture du Québec Denis Vaugeois, Pierre Renaud était un «personnage extraordinaire». L’ancien ministre mentionne d’ailleurs que le libraire l’a soutenu lors du passage de la Loi sur le livre, au cours des années 1980.
Le fils de Pierre Renaud, Blaise, n’était pas disponible pour une entrevue mardi.