Le Devoir

Des artistes financent le projet «Faut qu’on se parle », d’Aussant et Nadeau-Dubois

« Le Québec est dans un cul-de-sac », affirme Yvon Deschamps

- MARCO FORTIER

Au moins deux gros noms du milieu culturel, l’humoriste Yvon Deschamps et le metteur en scène Dominic Champagne, appuient financière­ment le groupe de réflexion lancé mercredi par Gabriel Nadeau-Dubois et Jean-Martin Aussant.

Selon ce que Le Devoir a appris, ces deux membres bien en vue de l’Union des artistes font partie d’un groupe anonyme de mécènes qui finance la tournée «Faut qu’on se parle» lancée par Aussant, Nadeau-Dubois et trois autres personnali­tés.

Le mouvement compte consulter les Québécois dans les prochaines semaines et produire une ébauche de programme au cours de l’hiver 2017. Le groupe se veut non partisan, mais n’exclut pas de se transforme­r en parti politique ou de se joindre à un parti existant en vue des élections provincial­es prévues en 2018, a indiqué Gabriel Nadeau-Dubois.

Réfléchir à l’avenir du Québec

Yvon Deschamps confirme avoir sorti son carnet de chèques pour appuyer ce mouvement qui cherche des façons de «relancer le Québec». L’humoriste de 81 ans, considéré comme un monument de la scène, partage le constat de Nadeau-Dubois et Aussant, qui s’apprêtent à faire le tour du Québec pour rencontrer des citoyens dans 10 villes: « On est dans un cul-desac. On doit réfléchir à l’avenir du Québec», dit Yvon Deschamps, joint au téléphone.

Il a été impossible de parler à Dominic Champagne, qui se trouve à Paris pour la production de la comédie musicale Les trois mousquetai­res. Des sources fiables ont confirmé au Devoir que l’auteur et metteur en scène a aidé financière­ment le groupe d’Aussant et de Nadeau-Dubois.

Dans une rare entrevue depuis sa retraite en 2010, Yvon Deschamps a confié qu’il reste indépendan­tiste. Il est inquiet pour l’avenir du français, préoccupé par le fossé qui s’élargit entre les riches et les pauvres, et milite contre le projet de pipeline Énergie Est, qui doit traverser le Québec. Il s’interroge aussi sur le ras-le-bol des citoyens envers les dirigeants politiques.

«Partout dans le monde, il y a un écoeuremen­t envers la classe politique. Les gens ne croient plus les politicien­s. C’est vrai au Québec, en France et aux États-Unis, dit-il. Ça ne peut pas nuire de prendre le temps de consulter les citoyens. Peut-être qu’on va arriver avec une idée de ce qu’on veut en tant que peuple», ajoute-t-il.

Yvon Deschamps parle d’une voix assurée. Il dit être en forme et profite de sa «retraite totale» depuis six ans. Il continue de suivre l’actualité avec le regard aiguisé qui a fait de lui un des artistes les plus populaires au Québec à partir des années 1960.

«Je suis encore séparatist­e, même si je ne suis plus membre du Parti québécois. La chose la plus importante pour moi, c’est un Québec français. On a décidé qu’on veut vivre en français, mais le Canada refuse un Québec français. La Cour suprême a affaibli la loi 101», dit Yvon Deschamps.

Les inégalités sociales le préoccupen­t aussi. La classe moyenne s’appauvrit. Les riches s’enrichisse­nt. Même si les deux membres d’un couple ont un emploi, les familles ont de la difficulté à joindre les deux bouts, déplore l’humoriste.

Ce qui l’enrage encore plus, c’est le projet d’oléoduc Énergie Est, qui doit acheminer le pétrole de l’Ouest canadien vers les provinces de l’Atlantique en passant notamment sous le fleuve Saint-Laurent. «Ce pipeline, pour moi, il n’en est pas question. J’irais jusqu’à le bloquer physiqueme­nt, avec mon corps. On ne peut pas tolérer cette menace à notre eau potable», dit Yvon Deschamps.

Ces enjeux, le mouvement de Jean-Martin Aussant et Gabriel Nadeau-Dubois compte en discuter avec les Québécois lors de 10 assemblées publiques prévues au cours des prochaines semaines. Le groupe compte aussi tenir des assemblées de cuisine partout au Québec.

«Invitez-nous chez vous», a dit Gabriel Nadeau-Dubois, mercredi matin. L’ancien leader étudiant du printemps 2012 était accompagné par Jean-Martin Aussant, ex-député devenu directeur général du Chantier de l’économie sociale, Maïtée Labrecque-Saganash, militante crie, et Claire Bolduc, ex-présidente de Solidarité rurale. Le Dr Alain Vadeboncoe­ur fait aussi partie des fondateurs de l’initiative «Faut qu’on se parle ».

«Nous avons besoin d’une grande discussion collective sur notre avenir. On a de la difficulté à avancer au Québec», a dit Gabriel Nadeau-Dubois.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Jean-Martin Aussant, Gabriel Nadeau-Dubois, Maïtée Labrecque-Saganash et Claire Bolduc

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