Le Devoir

Sur le cancer, peser ses mots

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J’ai lu attentivem­ent l’article sur le livre à sortir de Josée Blanchette, elle porte son message et elle en a le droit. Par contre, je ne peux m’empêcher de penser en le lisant qu’une expérience personnell­e reste personnell­e. Dans une société où le cancer fait encore trop de victimes, souvent trop jeunes, souvent en laissant derrière elles des enfants, des conjoints et des amis, la chimiothér­apie peut aussi être porteuse d’espoir et même de guérison. J’ai moimême passé par là, trois enfants auprès de moi et pour qui je me suis battue. Je suis d’accord pour dire qu’une multitude d’approches existent, que les médecins n’ont pas la science infuse, que parfois ils se trompent, que parfois, pour certains cancers, les traitement­s sont souffrants et ne permettent pas de guérir le patient.

Mais l’espoir, l’espoir est aussi un moteur fort. Depuis deux ans, je suis bénévole pour la Société du cancer, je parle avec des femmes qui ont des cancers, chaque histoire est unique, chaque choix leur appartient, je partage avec elles sur ce vécu et chacune d’entre elles est portée par l’espoir. Peu importe le chemin qu’elles vont choisir de prendre, je ne suis pas là pour juger, ni pour dicter quoi faire ou comment, ni pour faire la morale. Je suis là pour leur partager mon expérience, mais surtout pour écouter leur colère, leur peine, leur combat et leurs angoisses. Et souvent je tente de les déculpabil­iser, car ces femmes face à cette maladie s’informent, lisent, parlent avec leur médecin et souhaitent devenir des guerrières parfaites, des héroïnes. Le problème, c’est que chacun de leur combat est unique.

C’est que ce monstre de cancer est pernicieux et que l’on ne peut jamais être certaine d’utiliser les bonnes armes contre lui. C’est pourquoi quand je lis Josée Blanchette sur «son combat avec le cancer » je dis prudence, prudence, car elle parle en son nom et pas au nom de toutes les femmes. Et le risque dans ce discours, c’est justement de culpabilis­er des personnes qui luttent comme elles le peuvent, avec les moyens qu’elles ont et qui prennent les décisions qui leur appartienn­ent. Parfois elles parviennen­t à tuer le monstre et parfois le monstre les avale, et ce, peu importe le chemin qu’elles choisissen­t de suivre. Il n’y a pas de recette miracle contre le cancer, mais une chose revient chaque fois, c’est l’espoir. Et si l’espoir passe par les traitement­s, eh bien, c’est un choix aussi respectabl­e que celui de ne pas les accepter. Marie-Claude Gagnon Le 28 septembre 2016

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