Le Devoir

Cinéma Léa Pool dirige Sophie Nélisse et retrouve Karine Vanasse

Léa Pool dirige Sophie Nélisse et retrouve Karine Vanasse dans Et au pire, on se mariera

- FRANÇOIS LÉVESQUE

En débarquant sur le plateau du nouveau film de Léa Pool, on se demande si un journalist­e des faits divers n’aurait pas été un choix plus avisé. Dans le stationnem­ent d’un immeuble anonyme, une ambulance est garée, gyrophares allumés. Deux voitures et quatre policiers sont sur place. On vient d’arrêter un homme dont les mains sont tachées de sang. «Il a rien fait! C’est moi qui l’a tué!» hurle une adolescent­e en faisant irruption sur la scène de crime. « Coupez ! » lance la réalisatri­ce. Et la réalité de reprendre le pas sur le simulacre cinématogr­aphique, une adaptation du roman de Sophie Bienvenu Et au pire, on se mariera, en l’occurrence.

Fait intéressan­t, une protagonis­te qui transforme la réalité, Aïcha, se trouve justement au coeur du récit. Lequel est raconté du point de vue de la jeune fille de 14 ans qui, à l’issue de la séquence décrite à l’instant et qui survient au tout débout du film, revient sur les événements qui ont mené au drame. Or, Aïcha ment tant et si bien que la travailleu­se sociale qui l’interroge, placée hors champ à l’instar du spectateur, peine à démêler le vrai du faux.

«C’est un peu le principe de Rashomon, acquiesce Léa Pool lorsqu’on lui en fait la remarque. À la différence que les versions contradict­oires émanent toutes d’Aïcha. On revoit certaines scènes, mais à une jonction précise, ça ne se déroule plus de la même manière. Aïcha déclare par exemple être entrée dans tel appartemen­t vide, puis on revisite cet épisode et, cette fois, elle avoue — ou invente — qu’il y avait en fait quelqu’un. C’est non linéaire sur le plan de la narration. Après La passion d’Augustine, que j’ai adoré tourner mais qui reposait sur une structure plus classique, j’avais envie d’un projet me permettant davantage de latitude narrative.»

Interpréta­tion et perception

Bref, un mystère plane tout du long. Ce que l’on sait, c’est qu’Aïcha en veut à sa mère d’avoir mis son beau-père à la porte, qu’elle s’est amourachée d’un certain Baz, 28 ans, et que, selon toute vraisembla­nce, quelque chose a très, très mal tourné.

Amours douloureus­es, jeunesse en crise: Et au pire, on se mariera, c’était du cousu main pour la réalisatri­ce d’Anne Trister, de Rebelles et de Maman est chez le coiffeur, pour ne nommer que ceux-là.

Sophie Nélisse incarne Aïcha, Karine Vanasse, sa mère, et Jean-Simon Leduc, Baz, l’homme aux mains rouges.

«Je n’ai jamais autant relu un scénario juste avant de tourner, admet ce dernier. Je devais jouer la vérité d’une scène tout en gardant à l’esprit qu’Aïcha fabulait à ce moment précis. Mon personnage est un gars altruiste, qui est dans l’empathie, mais il ne ressort pas toujours comme ça parce qu’Aïcha ne le dépeint pas toujours comme ça.»

Aïcha qui constitue une partition en or pour Sophie Nélisse.

«Son arc dramatique est fort, estime-t-elle. Elle possède une innocence tout en étant très mélangée dans sa tête. Elle ne veut faire de mal à personne, mais elle est complèteme­nt folle. J’aime la manière dont c’est tourné, avec les retours en interrogat­oire: là, c’est du jeu pur. Il y a moi face à la caméra. Ça laisse plein de possibilit­és. C’est vraiment stimulant.»

Les retrouvail­les

Le roman de Sophie Bienvenu, qui a coécrit le scénario avec la cinéaste, reposant sur un monologue, de nombreux ajustement­s ont été apportés.

«Ce qui me frappe, c’est à quel point elles ont réussi à préserver la voix d’Aïcha», note à cet égard Karine Vanasse, qui confie vivre là une étape importante dans sa carrière lancée, on s’en souviendra, par le film Emporte-moi, également de Léa Pool.

«J’ai manifesté mon intérêt à Léa, d’abord parce que je tenais à retravaill­er avec elle, et ensuite parce que je me sentais mûre pour des rôles de mère. En jouant la mère de Sophie Nélisse, je me revoyais jouer la fille de Pascale Bussières qui se revoyait alors adolescent­e dans Sonatine… C’était très émouvant de retrouver Léa. J’ai pris conscience que j’ai toujours comparé la façon de faire des autres réalisateu­rs avec la sienne. Si je n’avais pas débuté dans le métier avec elle, ma carrière aurait été très différente. En la regardant diriger Sophie le premier jour, j’ai retrouvé cette façon de faire, cette façon de dire… Je suis devenue très émue», conclut Karine Vanasse.

En voyant ses grands yeux noisette s’illuminer, on ne doute pas un seul instant que, contrairem­ent à une bonne partie de l’intrigue, ça, c’est vrai. Et au pire, on se mariera sortira en 2017.

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR La réalisatri­ce Léa Pool sur le plateau de tournage d’Et au pire, on se mariera

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