Le protectionnisme, nouveau péril de l’économie mondiale, dit Lagarde
La tentation protectionniste, qui bat son plein dans la course à la Maison-Blanche, menace de plomber une croissance économique mondiale déjà trop faible et trop inégalitaire, a mis en garde mercredi la patronne du FMI Christine Lagarde.
«Poser des limites au commerce constitue une faute économique flagrante», a déclaré la directrice générale du FMI dans un discours à Chicago. L’avertissement sur vient au moment où les deux principaux candidats à la présidentielle américaine, Donald Trump et Hillary Clinton, ont pris position contre le vaste accord de libre-échange négocié par le gouvernement Obama avec 11 pays de la région Asie-Pacifique (PTP). Le candidat républicain est allé plus loin en appelant à rétablir des droits de douane avec le Mexique ou la Chine et à dénoncer les accords commerciaux négociés dans le passé.
En Europe, le protectionnisme a également le vent dans le dos depuis le vote britannique en faveur du Brexit, qui a éveillé les craintes d’un repli sur soi économique généralisé, tandis que l’accord de libre-échange TTIP discuté avec les États-Unis semble dans l’impasse.
«La solution pour améliorer le sort des populations ne saurait être de retourner au protectionnisme ou à d’autres recettes économiques du passé qui ont échoué», a assuré Mme Lagarde, une semaine avant l’ouverture à Washington de la réunion annuelle FMI-Banque mondiale. La dirigeante a toutefois appelé les gouvernants à entendre la colère et la frustration des populations qui ont souffert de la libéralisation du commerce et vu les inégalités s’aggraver. « Nous continuons à être confrontés à une croissance mondiale trop faible depuis trop longtemps et qui profite à trop peu de personnes», a détaillé Mme Lagarde.
Pour remédier aux effets pervers de la mondialisation, la patronne du FMI appelle à aider les travailleurs frappés par les délocalisations, la sous-traitance et l’émergence des nouvelles technologies. Des investissements publics bien ciblés dans l’éducation pourraient également, selon elle, améliorer les perspectives des populations défavorisées. «Il n’y a pas de remède miracle […], mais si nous voulons maintenir la mondialisation en vie pour la prochaine génération, il n’y a pas d’autres choix que de s’assurer qu’elle bénéficie à tous», a argumenté Mme Lagarde.
L’enjeu économique est de taille. La reprise depuis la crise financière de 2008-2009 demeure poussive et le FMI pourrait la semaine prochaine de nouveau abaisser ses prévisions de croissance. « Au cours des dernières années, la reprise mondiale a été faible et fragile et cela continue d’être le cas», souligne la dirigeante.
Regain de volatilité
Aux difficultés rencontrées notamment en Europe s’ajoutent l’incertitude et la crainte d’un regain de volatilité financière en raison des politiques monétaires divergentes, note Mme Lagarde. Des tensions géopolitiques risquent par ailleurs d’aggraver la situation. «Le terrorisme et l’afflux de réfugiés posent des risques qu’il est difficile de quantifier et encore plus d’atténuer », a-t-elle ajouté.
Le marasme économique actuel n’est certes pas comparable à la crise de 2008, mais il est plus «pernicieux» et pourrait s’avérer être très «toxique», selon Mme Lagarde.
La patronne du FMI relève toutefois certains motifs d’optimisme, notamment du côté des pays émergents. La Chine et l’Inde continuent d’être les locomotives de la croissance mondiale et le Brésil et la Russie semblent montrer quelques signes d’amélioration.