HOODFAR MONTRÉAL. HEUREUSE. DE RETOUR À
La professeure Homa Hoodfar est revenue chez elle. Affaiblie après quatre mois de détention en Iran, mais visiblement heureuse, elle a été accueillie à l’aéroport de Dorval par des proches et des collègues.
Elle avait les traits tirés. Des larmes de joie. Et un sourire rayonnant. La professeure Homa Hoodfar, accueillie à Montréal après avoir été détenue en Iran, compte poursuivre ses recherches sur les femmes musulmanes sans retourner à Téhéran dans un avenir prévisible.
« C’est merveilleux d’être revenue à la maison. Ça fait du bien d’être dans un endroit où l’on se sent en sécurité », a dit l’anthropologue de l’Université Concordia en arrivant à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, jeudi matin. Elle était accompagnée par sa nièce Amanda Ghahremani, qui l’a rejointe dans le Sultanat d’Oman après sa libération, plus tôt cette semaine.
Homa Hoodfar a dit se sentir «un peu faible » après sa mésaventure dans son pays d’origine. Elle a d’abord été assignée à résidence durant trois mois, entre mars et juin, puis détenue dans la tristement célèbre prison d’Évin durant trois mois et demi. C’est dans cette prison que la photographe irano-canadienne Zahra Kazemi avait été battue à mort, en 2003.
La professeure Hoodfar a refusé de parler de ses conditions de détention. Ce qu’elle a trouvé le plus difficile, c’est d’avoir été privée de toute forme de communication avec le monde extérieur. En résidence surveillée, elle a pu échanger des courriels avec ses proches, mais pas en prison. Elle était isolée, n’avait aucune nouvelle du monde extérieur et ne pouvait rassurer ses proches.
Ses collègues ont raconté qu’elle a dû être hospitalisée, au cours de l’été, car elle souffre de myasthénie, une maladie auto-immune rare qui nécessite une médication. Amanda Ghahremani a indiqué que sa tante va de mieux en mieux depuis sa libération. Elle a rendez-vous avec son médecin de famille dans les prochains jours.
Profiter de la vie
Homa Hoodfar a raconté avec émotion comment elle a été libérée. Ses gardiens l’ont emmenée à l’aéroport sans lui révéler qu’elle serait libre. Elle n’a réellement cru en sa libération « qu’une fois assise dans l’avion» qui allait l’emmener à Oman. «En Iran, on ne peut jamais dire que c’est fait tant que ce n’est pas fait», a-t-elle expliqué.
Elle a remercié ses collègues, les organisations de la société civile, le gouvernement du Canada et les autres pays qui ont fait pression pour sa libération. La professeure a aussi remercié les officiels iraniens qui ont facilité sa remise en liberté. Comme le Canada a rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran en 2012, Ottawa a compté sur l’aide d’Oman, de l’Italie et de la Suisse pour négocier la libération de la Canadienne.
Elle compte profiter de sa liberté pour reprendre des forces, rencontrer famille et amis, et savourer les beaux jours de l’automne. «Je me suis ennuyée de l’été à Montréal», a-t-elle dit.
La professeure a refusé de parler de ses conditions de détention
Première arrestation
C’était la première fois que Homa Hoodfar se faisait arrêter par la police en Iran. L’intellectuelle montréalaise, arrivée au Québec au début des années 90, a pourtant fait d’innombrables séjours dans son pays d’origine depuis plus de deux décennies. Ses recherches sur les droits des femmes dans les pays musulmans semblent avoir irrité les autorités iraniennes.
Des observateurs, dont le journaliste Mohamed Fahmy, qui a été emprisonné en Égypte, sont convaincus que Téhéran a utilisé Mme Hoodfar comme monnaie d’échange dans l’espoir de renouer les relations diplomatiques avec le Canada.
Jeudi, la professeure et ses collègues de l’Université Concordia n’avaient pas la tête à spéculer sur les causes de sa terrible épreuve. Ils avaient plutôt le coeur à la fête. «Je ne peux pas croire qu’elle est de retour. C’est extraordinaire!» a réagi Marc Lafrance, professeur adjoint à Concordia, qu’elle considère comme le fils qu’elle n’a jamais eu.