Hydrocarbures
Les municipalités devront vivre avec les permis déjà accordés
Même si elles l’ont réclamé à plusieurs reprises, les municipalités du Québec ne pourront pas bloquer les projets pétroliers et gaziers sur leur territoire si des permis d’exploration ont déjà été accordés, ce qui est le cas pour des centaines de municipalités. Et si une entreprise veut construire un pipeline ou un gazoduc sur un terrain privé en vue d’une exploitation d’hydrocarbures, elle pourra demander une expropriation de son propriétaire en cas de refus de ce dernier.
Ces nouvelles dispositions importantes du projet de loi 106 ont été confirmées au Devoir par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. Elles font d’ailleurs partie des quelque 80 amendements très techniques déposés jeudi par le ministre Pierre Arcand, en vue de l’adoption de la première législation sur les hydrocarbures de l’histoire du Québec.
Dans le cadre de la commission parlementaire sur le projet de loi, en août, l’Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités avaient pourtant réclamé haut et fort le droit de soustraire des portions de leur territoire jugées incompatibles avec les projets d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz.
Les regroupements, qui représentent au total plus de 1300 municipalités, avaient alors souligné l’importance de leur permettre de développer leurs territoires selon leurs propres schémas d’aménagement. Des schémas qui pourraient être compromis en raison de l’omniprésence des permis d’exploration dans des zones densément peuplées.
Le ministre Arcand a d’ailleurs déposé jeudi un amendement au projet de loi 106 qui prévoit qu’un «territoire incompatible» avec l’exploration ou l’exploitation sera «soustrait» à ces activités dès qu’il aura été formellement identifié comme tel.
Or, le libellé précise que cette mesure d’exclusion «ne s’applique pas» aux zones qui sont déjà visées par un permis d’exploration. Selon la plus récente mise à jour disponible auprès du MERN, ces permis, accordés par le gouvernement sans consulter les municipalités, couvrent déjà plus de 60 000km2 de territoire au Québec.
Municipalités
Le territoire ciblé par les permis commence d’ailleurs aux portes de Montréal. Sur la Rive-Sud, les villes de Longueuil, Saint-Lambert, Brossard, La Prairie, Châteauguay, Saint-Jean-sur-Richelieu, Chambly, Saint-Bruno-de-Montarville, Beloeil et Saint-Hyacinthe sont couvertes en partie ou en totalité par des permis d’exploration.
Les permis s’étendent aussi de part et d’autre de l’autoroute 20, et ce, jusqu’à englober une partie de Lévis. Ils incluent ainsi en totalité le territoire de Sorel-Tracy et Drummondville. Et toute la portion située entre l’autoroute et le fleuve Saint-Laurent, une zone où l’activité agricole est importante, est sous permis.
Sur la Rive-Nord de Montréal, on constate entre autres que Terrebonne, Mascouche, Repentigny, Joliette et Berthierville sont sous permis. Le territoire couvert par les droits d’exploration s’étend ensuite jusqu’à Québec, englobant au passage une bonne partie de Trois-Rivières. Les permis couvrent également en bonne partie le Bas-Saint-Laurent et la quasi-totalité de la Gaspésie.
Le gouvernement a donc décidé de ne pas révoquer les permis déjà en vigueur, même si la vaste majorité n’a jamais fait l’objet de travaux d’exploration. Il faut dire que la dernière fois où Québec a annulé des droits d’exploration, mais cette fois sur des îles du Saint-Laurent, l’entreprise Lone Pine Resources a intenté une poursuite de 250 millions de dollars en vertu des dispositions du chapitre XI de l’Accord de libre-échange nord-américain.