Le Devoir

Hydrocarbu­res

- ALEXANDRE SHIELDS

Les municipali­tés devront vivre avec les permis déjà accordés

Même si elles l’ont réclamé à plusieurs reprises, les municipali­tés du Québec ne pourront pas bloquer les projets pétroliers et gaziers sur leur territoire si des permis d’exploratio­n ont déjà été accordés, ce qui est le cas pour des centaines de municipali­tés. Et si une entreprise veut construire un pipeline ou un gazoduc sur un terrain privé en vue d’une exploitati­on d’hydrocarbu­res, elle pourra demander une expropriat­ion de son propriétai­re en cas de refus de ce dernier.

Ces nouvelles dispositio­ns importante­s du projet de loi 106 ont été confirmées au Devoir par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. Elles font d’ailleurs partie des quelque 80 amendement­s très techniques déposés jeudi par le ministre Pierre Arcand, en vue de l’adoption de la première législatio­n sur les hydrocarbu­res de l’histoire du Québec.

Dans le cadre de la commission parlementa­ire sur le projet de loi, en août, l’Union des municipali­tés du Québec et la Fédération québécoise des municipali­tés avaient pourtant réclamé haut et fort le droit de soustraire des portions de leur territoire jugées incompatib­les avec les projets d’exploratio­n et d’exploitati­on de pétrole et de gaz.

Les regroupeme­nts, qui représente­nt au total plus de 1300 municipali­tés, avaient alors souligné l’importance de leur permettre de développer leurs territoire­s selon leurs propres schémas d’aménagemen­t. Des schémas qui pourraient être compromis en raison de l’omniprésen­ce des permis d’exploratio­n dans des zones densément peuplées.

Le ministre Arcand a d’ailleurs déposé jeudi un amendement au projet de loi 106 qui prévoit qu’un «territoire incompatib­le» avec l’exploratio­n ou l’exploitati­on sera «soustrait» à ces activités dès qu’il aura été formelleme­nt identifié comme tel.

Or, le libellé précise que cette mesure d’exclusion «ne s’applique pas» aux zones qui sont déjà visées par un permis d’exploratio­n. Selon la plus récente mise à jour disponible auprès du MERN, ces permis, accordés par le gouverneme­nt sans consulter les municipali­tés, couvrent déjà plus de 60 000km2 de territoire au Québec.

Municipali­tés

Le territoire ciblé par les permis commence d’ailleurs aux portes de Montréal. Sur la Rive-Sud, les villes de Longueuil, Saint-Lambert, Brossard, La Prairie, Châteaugua­y, Saint-Jean-sur-Richelieu, Chambly, Saint-Bruno-de-Montarvill­e, Beloeil et Saint-Hyacinthe sont couvertes en partie ou en totalité par des permis d’exploratio­n.

Les permis s’étendent aussi de part et d’autre de l’autoroute 20, et ce, jusqu’à englober une partie de Lévis. Ils incluent ainsi en totalité le territoire de Sorel-Tracy et Drummondvi­lle. Et toute la portion située entre l’autoroute et le fleuve Saint-Laurent, une zone où l’activité agricole est importante, est sous permis.

Sur la Rive-Nord de Montréal, on constate entre autres que Terrebonne, Mascouche, Repentigny, Joliette et Berthiervi­lle sont sous permis. Le territoire couvert par les droits d’exploratio­n s’étend ensuite jusqu’à Québec, englobant au passage une bonne partie de Trois-Rivières. Les permis couvrent également en bonne partie le Bas-Saint-Laurent et la quasi-totalité de la Gaspésie.

Le gouverneme­nt a donc décidé de ne pas révoquer les permis déjà en vigueur, même si la vaste majorité n’a jamais fait l’objet de travaux d’exploratio­n. Il faut dire que la dernière fois où Québec a annulé des droits d’exploratio­n, mais cette fois sur des îles du Saint-Laurent, l’entreprise Lone Pine Resources a intenté une poursuite de 250 millions de dollars en vertu des dispositio­ns du chapitre XI de l’Accord de libre-échange nord-américain.

Newspapers in French

Newspapers from Canada