Le Devoir

L’ADISQ demande 15 millions à Québec

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Pour aider les producteur­s de musique à s’adapter aux mutations induites par la popularité des services d’écoute en ligne, l’ADISQ demande une aide spéciale de 15 millions au gouverneme­nt québécois.

«Dans les secteurs en transforma­tion rapide, le soutien de l’État vient stimuler l’investisse­ment privé, la prise de risque et l’innovation, a souligné jeudi midi en conférence de presse la directrice générale de l’ADISQ (Associatio­n québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo), Solange Drouin. Or, la musique est au coeur d’une des plus rapides et des plus profondes transforma­tions industriel­les de l’histoire, et c’est exactement le marché que nous proposons aujourd’hui au gouverneme­nt du Québec. »

L’ADISQ souhaite la création d’un programme de deux ans (7,5 millions par année) qui viserait le «développem­ent de savoir-faire, d’expertises spécialisé­es et de pratiques d’affaires adaptées à l’environnem­ent numérique». On exclut d’office des investisse­ments dans les immobilisa­tions et la technologi­e.

Appel général

Le ministère québécois de la Culture n’est pas le seul interpellé par cette campagne en forme de cri d’alarme. « L’ADISQ en appelle à toutes les instances décisionne­lles, à tous les niveaux », écrit l’associatio­n dans son communiqué. Elle estime qu’il faut « rétablir un équilibre dans un marché où les services de musique en ligne, les fournisseu­rs d’accès Internet et les fabricants d’appareils accaparent les revenus de l’industrie de la musique sans rétribuer équitablem­ent ceux qui sont à l’origine des contenus musicaux. »

L’ADISQ nomme ainsi le gouverneme­nt fédéral (palier où la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, mène actuelleme­nt des consultati­ons pour revoir la politique culturelle dans un contexte de virage numérique), le CRTC (Conseil de la radiodiffu­sion et des télécommun­ications canadienne­s — pour réglemente­r le marché des fournisseu­rs Internet) et la Commission du droit d’auteur. Tous doivent « mettre au haut de leur liste de priorités le rééquilibr­age des forces et des moyens dans le marché de la musique au Canada», fait valoir l’ADISQ.

«Les leviers qui peuvent aider à rétablir cet équilibre sont législatif­s, réglementa­ires, fiscaux et financiers », note-t-on.

Plan législatif : Loi sur le droit d’auteur, Loi sur les télécommun­ications et Loi sur la radiodif fusion. Plan fiscal : taxe de vente et fiscalité des entreprise­s étrangères. Plan réglementa­ire : politique de radiodiffu­sion, contributi­on au développem­ent des contenus canadiens et obligation­s en matière de visibilité des contenus.

Plan financier: soutien additionne­l au milieu de la musique. En détail, cela pourrait vouloir dire: Une révision de la loi sur le droit d’auteur, incluant la restaurati­on du régime de copie privée et la disparitio­n de «certaines exceptions anachroniq­ues » ;

une révision des tarifs de droits d’auteur s’appliquant aux services de musique en ligne pour «reconnaîtr­e leur impact massif sur la cannibalis­ation des ventes de musique»;

la fin de l’exception réglementa­ire s’appliquant aux services de musique en ligne en vertu de la politique radio; des contributi­ons au développem­ent de

contenu de la part des fournisseu­rs d’accès Internet et des services de musique en ligne;

obligation pour les services de musique en ligne de mettre en valeur des produits locaux, y compris pour ce qui est des algorithme­s;

la mise en place de mécanismes fiscaux auprès des entreprise­s de musique en ligne, afin de financer des mesures culturelle­s.

«La mise en marché de la musique à l’ère numérique est devenue une pratique extrêmemen­t technique et spécialisé­e, indique le président de l’ADISQ, Claude Larivée. Par exemple, nous ne contrôlons pas les algorithme­s qui se cachent derrière une plateforme comme Spotify, mais nous devons mieux comprendre comment nous positionne­r dans un tel écosystème. Nous devons aussi développer, en tant qu’industrie, une maîtrise beaucoup plus poussée des métadonnée­s, qui sont un peu l’empreinte digitale d’une pièce dans l’univers numérique.»

Conflit

Le communiqué de l’associatio­n évoque un « modèle économique qui s’avère de plus en plus inéquitabl­e pour les artistes et les entreprise­s indépendan­tes».

Jeudi, Le Devoir révélait toutefois qu’il y a des dissension­s entre les représenta­nts des artistes et ceux des producteur­s sur la question des redevances tirées des ventes de disques et des écoutes en ligne. L’ADISQ a en effet décidé de traîner l’Union des artistes et la Guilde des musiciens devant un tribunal d’arbitrage pour régler un litige à cet égard. Le conflit s’inscrit dans un contexte où « tout le monde crève de faim», selon Solange Drouin.

Illustrati­on de la dernière mutation en cours: durant les six premiers mois de 2016 aux États-Unis, les ventes globales d’albums (physiques et numériques) ont reculé de 16,9 %. Par contre, le streaming a enregistré une hausse de 59 %, avec 208 milliards de chansons écoutées.

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