Quand l’alcool s’invite dans nos vies
L ’alcool tue, c’est bien connu. Plus truisme que ça, tu meurs. Mon oncle, qui buvait un verre de gin par jour, en est mort. À 100 ans. Ici, la mort a pris son temps. Mais elle était tout de même au rendez-vous. Dans son cas, pied de nez à la mort que ce verre de gin quotidien. Question de génétique, sans doute.
La Société des alcools du Québec dégageait pour le dernier exercice financier un résultat net de 1,034 milliard de dollars pour des ventes qui affichaient trois fois plus. Visiblement, les Québécois ont du nez et prennent aussi leur pied avec l’alcool.
Qu’il s’agisse de vin ou de spiritueux, la molécule demeure encore et toujours une molécule… mortelle. À chacun ses choix, à chacun son rythme, à chacun son choix de société. Loin de moi l’idée de porter le moindre jugement.
Un article scientifique relaté dans votre quotidien préféré sous la plume de Pauline Gravel m’a tout de même mis la puce à l’oreille récemment. On y apprend « qu’une diminution de l’expression de l’enzyme Prdm2, plus particulièrement dans le cortex préfrontal », serait responsable de la dépendance à l’alcool.
En gros, on a constaté chez les rats — ce sont encore eux qui trinquent! — que la diminution de ladite enzyme fait augmenter la consommation d’alcool, et cela, même s’ils trouvent ça dégueulasse.
L’étude publiée dans le journal Molecular Psychiatry conclut qu’il n’existe actuellement aucune molécule capable d’augmenter l’activité de cette fameuse enzyme Prdm2, car «toutes les drogues connues sont plutôt des inhibiteurs ».
Est-ce à dire que tous les abstèmes de ce monde seraient exaucés si une découverte positive en ce sens était possible ? Pour ma part, je plancherais plutôt sur une enzyme du bonheur pour tous.
Une démarche qui aurait le mérite d’être accessible, saine et démocratique, mais avec, paradoxalement, la création d’une dépendance à la clé. Au moins, on foutrait ici la paix aux rats !
Je vous dis tout ça car j’animais, il y a quelques années de cela, une dégustation de vins pour des gens souffrant de problèmes d’alcool. Rassurez-vous, personne n’en est mort. Plutôt le contraire.
Comme aux Amis du vin du Devoir, huit vins dégustés, mais au niveau du visuel et de l’olfactif seulement. Mon descriptif par les mots servant à compenser le paysage gustatif. Résultat des courses ? Expérience concluante à plus de 75 %, compte tenu qu’un nez exercé est susceptible de capter l’essentiel d’un vin.
Et de faire rêver. Sans l’alcool.
Les amis du vin du Devoir dégustent
Ce qu’il y a de beau avec la dégustation, c’est le mot même de dégustation. Attention ciblée, prélèvement subtil, sobriété de commentaire. Plus qu’un jeu de société, un art éphémère, mais qui a le mérite d’être ludique. Visiblement, cet «abc de la dégustation » a plu.
Près de trois heures à chercher ces mots qui font chanter, à la fois les sens et l’esprit, mais surtout une méthode qui a permis aux participants de s’outiller pour ultérieurement faire leurs gammes à la maison, entre amis.
Voici les vins brièvement commentés, avec, pour chacun, une notation de la moyenne du groupe. Fiumesecu 2015, Domaine Alzipratu, Corse
Calvi, France (21,90 $ – 1088463). Ce blanc a intrigué et séduit. Une première mise en bouche qui faisait déjà voyager l’ensemble des participants. Pâle et brillant comme un matin de printemps, voilà déjà ce vermentino gagné d’un véritable plaisir d’en découdre avec la vie, avec un fruité éclatant qui, visiblement, ne veut pas se taire. C’est bien sec et friand, mais soutenant tout de même densité et volume sur une finale longue, saine et bien vivante. On croit rêver en regardant la Méditerranée. (5) ★★★ © Moyenne du groupe: ★★★1/2
Riesling 2014 «Heissenberg», Domaine Ostertag, Alsace, France (44,25 $ – 739813). Plus difficile à saisir pour l’ensemble. Mystère et discrétion. Évidemment très pâle avec ce léger reflet verdâtre annonciateur des plus éclatants rieslings.
Et ça éclate, effectivement. Net, précis, discret, ce blanc sec joue de puissance et de finesse, s’émancipant, au nez comme en bouche, comme une queue de paon à qui on n’en demandait pas tant. La sève florale est fine, substantielle, avec ce contraste minéral froid très porteur derrière le fruit. Grand vin. (10 +)
★★★★ © Moyenne du groupe: ★★★ Château Cambon 2015, Beaujolais, France (23,15$ – 12454991). Quelqu’un a parlé de gamay et de cerise même si personne ne se doutait d’un beaujolais. Il y a tout de même de la truculence dans ce «simple bojolpif», une espèce de désir combatif de réjouir le palais avec honnêteté, conviction et témérité.
Un rouge de corps moyen, au goût franc de cerise, vivace et festif. Je dirais même, bon pour la santé ! (5 +) ★★★. Moyenne du groupe: ★★★
Il Grigio 2012, Chianti Classico Riserva San
Felice, Toscane, Italie (27,70 $ – 703363). Unanimité ici; tous étaient pris d’une saine chair de poule! En effet, beaucoup de charme, de classe, de race. Fruité généreux d’un bon volume, sachant attacher les ficelles aux bons endroits en régulant parfaitement les éléments fruités, acides et tanniques. Un rouge de corps moyen détaillé, doté d’un registre épicé apporté par l’élevage. Long et distingué. (5 +) ★★★1/2 Moyenne du groupe: ★★★1/2
Palas 2012, Barbaresco, Michele Chiarlo, Piémont, Italie (29,50$ – 12909625). La dégustation pure, sans repas, en a contrarié certains. Normal, un vin seul, sans son plat, est mal accompagné.
À ce prix, belle surprise avec ce nebbiolo bien net, affichant franchise et tenue, pourvu de tanins serrés, bien mûrs. L’ensemble est harmonieux, cohérent, d’une longueur appréciable. Une initiation plus que pertinente au barbaresco. (5 +) ★★★1/2 © Moyenne du groupe: ★★★
Château Garraud 2011, Lalande-de-Pomerol,
Bordeaux, France (32,25$ – 978072). Après la robe plus légère du barbaresco, l’intensité de ce rouge a séduit. Lent à se mouvoir, au nez comme en bouche, ce rouge corsé bien architecturé par l’élevage est entier et encore très jeune. Le vin a de l’étoffe, de solides tanins et une finale marquée à la fois par le bois et son terroir. Racé. (10 +) ★★★1/2 © Moyenne du groupe: ★★★★
Côtes-du-Rhône «lieu-dit Clavin», Domaine de
la Vieille Julienne, France (30,75 $ – 10919133). Enthousiasme général ici! Hors norme, en effet. De la mâche, de la mâche, encore de la mâche supportant un fruité généreux de cerise élevé au rang des beaux-arts. L’ensemble est
précis, d’une troublante clarté, d’une sève extraordinaire. Un rouge charnu et corsé qui joue le chaud et le froid. (5 +) © Moyenne du groupe: ★★★★ ★★★1/2
Château Peybrun 2011, Cadillac, Bordeaux,
France (25,30$ – 979823). On a perdu l’habitude des moelleux. Pourtant, tous étaient partants! Derrière la robe or brillante, un nez et un goût de gelée de mirabelle mêlant le miel et la citronnelle sur une bouche moelleuse, mais peu sucrée, vivante tout en soutenant longuement le moelleux du fruité. Une initiation au moelleux girondins tout ce qu’il y a de pertinent, à bon prix. (5 +) Moyenne du groupe: ★★★ ★★★
Buffalo Trace, Kentucky Straight Bourbon Whisky, États-Unis (43 $ – 10263891). À ce stade de la dégustation, la thérapie de groupe allait bon train et les langues déliées se bousculaient au postillon, pardon, au portillon. Du charme et une présence à revendre pour un whisky au goût riche et suave d’ananas macérés au rhum, avec tout le moelleux et la longueur épicée voulus. Un régal pour l’automne au chalet en «câllant » l’orignal. Moyenne du groupe: ★★★1/2 ★★★★