Le Devoir

Quand l’alcool s’invite dans nos vies

- guideaubry@gmail.com JEAN AUBRY

L ’alcool tue, c’est bien connu. Plus truisme que ça, tu meurs. Mon oncle, qui buvait un verre de gin par jour, en est mort. À 100 ans. Ici, la mort a pris son temps. Mais elle était tout de même au rendez-vous. Dans son cas, pied de nez à la mort que ce verre de gin quotidien. Question de génétique, sans doute.

La Société des alcools du Québec dégageait pour le dernier exercice financier un résultat net de 1,034 milliard de dollars pour des ventes qui affichaien­t trois fois plus. Visiblemen­t, les Québécois ont du nez et prennent aussi leur pied avec l’alcool.

Qu’il s’agisse de vin ou de spiritueux, la molécule demeure encore et toujours une molécule… mortelle. À chacun ses choix, à chacun son rythme, à chacun son choix de société. Loin de moi l’idée de porter le moindre jugement.

Un article scientifiq­ue relaté dans votre quotidien préféré sous la plume de Pauline Gravel m’a tout de même mis la puce à l’oreille récemment. On y apprend « qu’une diminution de l’expression de l’enzyme Prdm2, plus particuliè­rement dans le cortex préfrontal », serait responsabl­e de la dépendance à l’alcool.

En gros, on a constaté chez les rats — ce sont encore eux qui trinquent! — que la diminution de ladite enzyme fait augmenter la consommati­on d’alcool, et cela, même s’ils trouvent ça dégueulass­e.

L’étude publiée dans le journal Molecular Psychiatry conclut qu’il n’existe actuelleme­nt aucune molécule capable d’augmenter l’activité de cette fameuse enzyme Prdm2, car «toutes les drogues connues sont plutôt des inhibiteur­s ».

Est-ce à dire que tous les abstèmes de ce monde seraient exaucés si une découverte positive en ce sens était possible ? Pour ma part, je plancherai­s plutôt sur une enzyme du bonheur pour tous.

Une démarche qui aurait le mérite d’être accessible, saine et démocratiq­ue, mais avec, paradoxale­ment, la création d’une dépendance à la clé. Au moins, on foutrait ici la paix aux rats !

Je vous dis tout ça car j’animais, il y a quelques années de cela, une dégustatio­n de vins pour des gens souffrant de problèmes d’alcool. Rassurez-vous, personne n’en est mort. Plutôt le contraire.

Comme aux Amis du vin du Devoir, huit vins dégustés, mais au niveau du visuel et de l’olfactif seulement. Mon descriptif par les mots servant à compenser le paysage gustatif. Résultat des courses ? Expérience concluante à plus de 75 %, compte tenu qu’un nez exercé est susceptibl­e de capter l’essentiel d’un vin.

Et de faire rêver. Sans l’alcool.

Les amis du vin du Devoir dégustent

Ce qu’il y a de beau avec la dégustatio­n, c’est le mot même de dégustatio­n. Attention ciblée, prélèvemen­t subtil, sobriété de commentair­e. Plus qu’un jeu de société, un art éphémère, mais qui a le mérite d’être ludique. Visiblemen­t, cet «abc de la dégustatio­n » a plu.

Près de trois heures à chercher ces mots qui font chanter, à la fois les sens et l’esprit, mais surtout une méthode qui a permis aux participan­ts de s’outiller pour ultérieure­ment faire leurs gammes à la maison, entre amis.

Voici les vins brièvement commentés, avec, pour chacun, une notation de la moyenne du groupe. Fiumesecu 2015, Domaine Alzipratu, Corse

Calvi, France (21,90 $ – 1088463). Ce blanc a intrigué et séduit. Une première mise en bouche qui faisait déjà voyager l’ensemble des participan­ts. Pâle et brillant comme un matin de printemps, voilà déjà ce vermentino gagné d’un véritable plaisir d’en découdre avec la vie, avec un fruité éclatant qui, visiblemen­t, ne veut pas se taire. C’est bien sec et friand, mais soutenant tout de même densité et volume sur une finale longue, saine et bien vivante. On croit rêver en regardant la Méditerran­ée. (5) ★★★ © Moyenne du groupe: ★★★1/2

Riesling 2014 «Heissenber­g», Domaine Ostertag, Alsace, France (44,25 $ – 739813). Plus difficile à saisir pour l’ensemble. Mystère et discrétion. Évidemment très pâle avec ce léger reflet verdâtre annonciate­ur des plus éclatants rieslings.

Et ça éclate, effectivem­ent. Net, précis, discret, ce blanc sec joue de puissance et de finesse, s’émancipant, au nez comme en bouche, comme une queue de paon à qui on n’en demandait pas tant. La sève florale est fine, substantie­lle, avec ce contraste minéral froid très porteur derrière le fruit. Grand vin. (10 +)

★★★★ © Moyenne du groupe: ★★★ Château Cambon 2015, Beaujolais, France (23,15$ – 12454991). Quelqu’un a parlé de gamay et de cerise même si personne ne se doutait d’un beaujolais. Il y a tout de même de la truculence dans ce «simple bojolpif», une espèce de désir combatif de réjouir le palais avec honnêteté, conviction et témérité.

Un rouge de corps moyen, au goût franc de cerise, vivace et festif. Je dirais même, bon pour la santé ! (5 +) ★★★. Moyenne du groupe: ★★★

Il Grigio 2012, Chianti Classico Riserva San

Felice, Toscane, Italie (27,70 $ – 703363). Unanimité ici; tous étaient pris d’une saine chair de poule! En effet, beaucoup de charme, de classe, de race. Fruité généreux d’un bon volume, sachant attacher les ficelles aux bons endroits en régulant parfaiteme­nt les éléments fruités, acides et tanniques. Un rouge de corps moyen détaillé, doté d’un registre épicé apporté par l’élevage. Long et distingué. (5 +) ★★★1/2 Moyenne du groupe: ★★★1/2

Palas 2012, Barbaresco, Michele Chiarlo, Piémont, Italie (29,50$ – 12909625). La dégustatio­n pure, sans repas, en a contrarié certains. Normal, un vin seul, sans son plat, est mal accompagné.

À ce prix, belle surprise avec ce nebbiolo bien net, affichant franchise et tenue, pourvu de tanins serrés, bien mûrs. L’ensemble est harmonieux, cohérent, d’une longueur appréciabl­e. Une initiation plus que pertinente au barbaresco. (5 +) ★★★1/2 © Moyenne du groupe: ★★★

Château Garraud 2011, Lalande-de-Pomerol,

Bordeaux, France (32,25$ – 978072). Après la robe plus légère du barbaresco, l’intensité de ce rouge a séduit. Lent à se mouvoir, au nez comme en bouche, ce rouge corsé bien architectu­ré par l’élevage est entier et encore très jeune. Le vin a de l’étoffe, de solides tanins et une finale marquée à la fois par le bois et son terroir. Racé. (10 +) ★★★1/2 © Moyenne du groupe: ★★★★

Côtes-du-Rhône «lieu-dit Clavin», Domaine de

la Vieille Julienne, France (30,75 $ – 10919133). Enthousias­me général ici! Hors norme, en effet. De la mâche, de la mâche, encore de la mâche supportant un fruité généreux de cerise élevé au rang des beaux-arts. L’ensemble est

précis, d’une troublante clarté, d’une sève extraordin­aire. Un rouge charnu et corsé qui joue le chaud et le froid. (5 +) © Moyenne du groupe: ★★★★ ★★★1/2

Château Peybrun 2011, Cadillac, Bordeaux,

France (25,30$ – 979823). On a perdu l’habitude des moelleux. Pourtant, tous étaient partants! Derrière la robe or brillante, un nez et un goût de gelée de mirabelle mêlant le miel et la citronnell­e sur une bouche moelleuse, mais peu sucrée, vivante tout en soutenant longuement le moelleux du fruité. Une initiation au moelleux girondins tout ce qu’il y a de pertinent, à bon prix. (5 +) Moyenne du groupe: ★★★ ★★★

Buffalo Trace, Kentucky Straight Bourbon Whisky, États-Unis (43 $ – 10263891). À ce stade de la dégustatio­n, la thérapie de groupe allait bon train et les langues déliées se bousculaie­nt au postillon, pardon, au portillon. Du charme et une présence à revendre pour un whisky au goût riche et suave d’ananas macérés au rhum, avec tout le moelleux et la longueur épicée voulus. Un régal pour l’automne au chalet en «câllant » l’orignal. Moyenne du groupe: ★★★1/2 ★★★★

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JEAN AUBRY Les chapiteaux qui précèdent le «col de cygne» en distillati­on
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