Le Devoir

Frapper un mur à la frontière américaine

Les douaniers refusent l’accès aux États-Unis à une Québécoise de confession musulmane

- MARIE-MICHÈLE SIOUI

Une citoyenne canadienne de confession musulmane est convaincue qu’on l’a empêchée d’entrer aux États-Unis en raison de sa religion, une allégation que le service des douanes américaine­s nie catégoriqu­ement.

Fadwa Alaoui, qui habite Brossard, a vu sa journée de magasinage à Burlington se transforme­r en interrogat­oire quand elle est arrivée à la douane de Philipsbur­g, samedi matin.

De sa voiture, dans laquelle se trouvaient aussi sa cousine et ses deux jeunes enfants, elle a tendu son passeport à l’agent du poste frontalier. «Il nous a demandé notre endroit de naissance », a-t-elle raconté au Devoir. La mère de famille, qui vit au Québec depuis 20 ans et voyage régulièrem­ent aux États-Unis, est née à Fès, au Maroc. Elle a donc nommé cette ville, qui apparaît sur son passeport canadien.

Le douanier a ensuite invité les occupants de la voiture à entrer dans les bureaux des douanes. «Ils nous ont demandé nos téléphones», a-t-elle commencé. Après une heure d’attente, sa cousine a été appelée; elle a subi un interrogat­oire de 45 minutes, selon Fadwa Alaoui. Cette dernière a ensuite été questionné­e pendant 30 minutes, et presque uniquement sur sa religion. «Il m’a demandé: “Où allez-vous faire la prière? Faites-vous partie d’un groupe islamique? Depuis quand fréquentez-vous la mosquée? Qui est l’imam?”», a-telle énuméré.

Dans son téléphone, le douanier a remarqué que Fadwa Alaoui avait fait un don aux victimes de l’attentat à la mosquée de Québec. Il lui a demandé si elle les connaissai­t. «À la fin, il m’a demandé ce que je pensais de Donald Trump », at-elle aussi rapporté.

Refusés

Après quatre heures d’attente, Fadwa Alaoui, ses enfants et sa cousine ont été avisés qu’ils ne pourraient pas entrer aux États-Unis. Les douaniers leur ont fait signer des documents, dont Le Devoir a pris connaissan­ce. Ceux-ci statuent qu’en vertu de la Loi américaine sur l’immigratio­n et la nationalit­é, les immigrants qui ne sont pas en possession d’un visa valide ou de tout autre document nécessaire pour être admis aux États-Unis sont interdits d’entrée. Fadwa Alaoui croit à une justificat­ion bidon: son passeport est valide jusqu’en 2018, et elle ne souhaite pas immigrer aux États-Unis.

Au Service américain des douanes, le porte-parole Dave Long a assuré que les personnes qui souhaitent entrer aux États-Unis ne sont en aucun cas «discriminé­es en fonction de leur religion, leur race, leur appartenan­ce ethnique ou leur orientatio­n sexuelle». Sa collègue Janice Mosher, du départemen­t des affaires publiques, a affirmé que les douaniers étaient autorisés à fouiller les téléphones cellulaire­s des voyageurs, mais reconnu qu’il était « inhabituel » de leur poser des questions sur leurs allégeance­s politiques.

Fadwa Alaoui propose une autre explicatio­n. «Avant, je sortais et je rentrais comme je voulais», a-t-elle déclaré, en parlant de l’époque précédant l’arrivée du président Donald Trump. En fait, la résidante de Brossard a été interrogée une seule autre fois à la douane, au lendemain des attentats du 11-Septembre 2001. Après plusieurs questions, les agents de douane l’avaient néanmoins laissée entrer aux États-Unis, cette fois-là.

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