Le vélo comme outil d’intégration sociale
Moins cher que la voiture et plus flexible que le transport en commun, le vélo est pourtant bien souvent le dernier mode de transport utilisé dans les quartiers défavorisés et à forte concentration immigrante. Les inquiétudes du quotidien, couplées à un manque criant d’infrastructures cyclables adéquates, font en sorte que la pratique de la bicyclette — qu’elle se fasse sur quatre saisons ou non — est souvent reléguée au second plan.
Pour compenser, de plus en plus d’organismes montréalais mettent toutefois sur pied des programmes pour sensibiliser les résidants de ces quartiers aux avantages liés à l’utilisation du vélo. C’est le cas, entre autres, de Vrac Environnement, basé dans la portion nord-ouest du quartier ParcExtension, où près du deux tiers de la population est issue d’une immigration récente.
Coincé entre l’autoroute 40, le boulevard l’Acadie et le tracé du chemin de fer, ce secteur est complètement enclavé, ce qui rend la pratique des transports actifs particulièrement ardue. Qui plus est, le réseau cyclable y est très réduit, voire presque inexistant. «Quand on parle de Parc-Ex, la notion de “quartier défavorisé” est multifactorielle, avance Nils Henner, responsable de Culture Vélo, un programme développé par Vrac Environnement en 2012 pour faire la promotion de la bicyclette, notamment via la vente de vélos usagers et la mise en place d’ateliers de réparation de vélo. On ne parle pas juste de faible revenu, mais aussi d’isolement géographique et de barrières linguistiques, par exemple. »
Pris dans un tourbillon où la recherche d’emploi, l’apprentissage d’une nouvelle langue, l’intégration des enfants et le besoin de ramener un revenu à la maison s’entrechoquent, les nouveaux arrivants en ont déjà plein les bras. «Quand on arrive dans un nouveau pays, la pratique du vélo — ou de n’importe quelle activité physique — est loin d’être une priorité, lance sans ambages la Vénézuélienne Maira Prado, elle-même arrivée au Québec il y a moins de deux ans. Même si on en faisait dans notre pays d’origine et même si on est sensibilisé aux bienfaits qui viennent avec.»
Ces freins ne sont toutefois pas insurmontables, croit Nils Henner, de Vrac Environnement: il suffit de savoir à qui s’adresser. «La meilleure façon de rejoindre les familles immigrantes est de passer par les enfants, précise-t-il. Ils sont souvent ceux qui parlent le mieux le français ou l’anglais grâce à l’école. Une fois sensibilisés, ils ramènent ce qu’ils ont appris à la maison. »
D’autant plus qu’une fois qu’elle est acquise, la pratique du vélo a le potentiel de devenir un véritable outil d’intégration. «Faire du vélo est une bonne façon de réduire notre stress, de développer des liens d’appartenance avec notre communauté d’accueil et d’apprendre à connaître son milieu de vie, explique Maira Prado, en souriant au souvenir de ses premières sorties à bicyclette en hiver. Les premières fois, c’est un peu angoissant, mais ça permet rapidement de prendre le contrôle de ses déplacements, de s’approprier son environnement. Grâce au vélo, le Québec, c’est devenu chez moi. »