Le Devoir

Un mur anti-Trump

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Donald Trump frappe un mur pour le micmac et la logorrhée qui distinguen­t sa présidence depuis son entrée en fonction il y a maintenant trois interminab­les semaines. Son décret sur le contrôle de l’immigratio­n a été conçu dans une précipitat­ion méprisante et les ajustement­s qu’il lui a ensuite apportés, épargnant en principe les détenteurs de cartes vertes (permis de séjour permanents), n’ont pas effacé le fait que sa politique migratoire à large spectre, élaborée au nom de la lutte contre le terrorisme, empeste la xénophobie antimusulm­ane.

M. Trump, que le revers jeudi en Cour d’appel fédérale de San Francisco vexe viscéralem­ent, aurait peut-être aidé sa cause s’il n’avait passé les jours précédents à laisser entendre par avance que la cour était «partiale». Surtout, les juges de la Cour d’appel, décidant de maintenir la suspension du décret présidenti­el controvers­é, auront été piqués au vif par la position de la Maison-Blanche voulant que les tribunaux n’aient en rien le droit de se prononcer sur une décision présidenti­elle en matière d’immigratio­n, particuliè­rement quand il s’agit de sécurité nationale.

Voilà «qui est contraire à la structure fondamenta­le de notre démocratie constituti­onnelle», lui a répliqué la Cour en lui répondant par la bouche de ses canons. M. Trump s’est fait servir une belle leçon d’indépendan­ce des tribunaux. « Les actions de l’exécutif en matière de promotion de sécurité nationale ne sont pas à l’abri d’un examen judiciaire», a écrit la Cour dans son jugement. En effet, l’impunité n’est pas une prérogativ­e présidenti­elle.

À dénoncer une justice «politisée», le président n’a pas, cela dit, entièremen­t tort. Après tout, les neuf juges de la Cour suprême sont choisis par le président — et entérinés par le Congrès. Tout comme les centaines de juges des cours d’appel et des cours de district fédérales.

On n’épuisera pas ici le débat sur l’indépendan­ce judiciaire. Sauf qu’en l’occurrence, la cour qui a décidé à l’unanimité de maintenir la suspension du décret était constituée de deux juges nommés par des présidents démocrates (Carter et Obama) et d’un juge nommé par un républicai­n (Bush fils). C’est dire que pour M. Trump, les seules décisions de justice «politisées» seront celles qui le désapprouv­ent.

Il fallait entendre les intervenan­ts sur Fox News dénoncer jeudi soir le jugement en stigmatisa­nt la «gauche organisée» et les «tribunaux de gauche» qui monopolise­nt apparemmen­t l’appareil judiciaire. Les électeurs du nouveau président ne demandent pas mieux que de le voir bousculer le système et les institutio­ns. Et les conforter dans leurs fixations idéologiqu­es. Il ne s’en privera pas. C’est son pain et son beurre.

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GUY TAILLEFER

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