Le Devoir

Leyla McCalla, un bijou multicolor­e

L’artiste américaine aux racines haïtiennes s’amène pour la première fois au Québec

- YVES BERNARD

Leyla McCalla est une artiste délicieuse avec une âme de la rue et ses mots sont ceux de la condition humaine, de Langston Hughes à Manno Charlemagn­e. Sa musique est à la fois élégante et sale, empreinte de ses racines américaine­s et haïtiennes, en jazz, en folk et en chanson créole. À cela, elle ajoute le sentiment cajun et l’esprit de La Nouvelle-Orléans, où elle vit depuis 2010. C’est une future grande, au même titre que sa complice Rhiannon Giddens, avec qui elle a partagé la destinée des magnifique­s Carolina Chocolate Drops. La voici pour la première fois en tournée des petits lieux au Québec en trio.

«Si je suis contente de venir au Québec? J’en suis très excitée. Je m’intéresse beaucoup à la musique haïtienne et à la culture francophon­e. En plus, mon mari, Daniel Tremblay, vient de Chicoutimi.» De cette jeune femme se dégage une simplicité qui n’a rien à voir avec la cassette apprise pour plaire à un nouveau public. C’est une authentiqu­e NewYorkais­e qui avait vécu au New Jersey et à Accra, au Ghana, avant d’être formée au violoncell­e et à la musique de chambre à l’Université de New York.

Dans la Grosse Pomme, elle cherchait à donner un sens à sa musique. Elle dit l’avoir trouvé à La Nouvelle-Orléans: «J’ai commencé dans les rues du quartier français avec un groupe de femmes et je me suis sentie libre comme jamais. En dépit de ma formation à l’école, j’ai joué à l’oreille pendant des années. J’ai immédiatem­ent senti l’appel de la ville et j’ai redécouver­t beaucoup de mes racines haïtiennes à partir de la culture louisianai­se. Les deux sont très connectées. Autour de la révolution haïtienne, qui est la plus grande révolte des esclaves qui a mené à la première république noire de l’hémisphère occidental, plusieurs ont quitté le pays pour continuer à développer leurs plantation­s de canne à sucre en Louisiane.»

Leyla McCalla joue de la guitare depuis l’âge de dix ans. À La Nouvelle-Orléans, son violoncell­e devient aussi rythmique que mélodique. Elle commence l’apprentiss­age du banjo ténor, tombe dans la marmite du jazz traditionn­el et s’inspire aussi de l’esprit du songwritti­ng américain. Elle fait une découverte majeure: la pluralité de la musique louisianai­se, de Canray Fontenot au zydeco.

«J’ai commencé à écouter les frères Balfa. Puis, j’ai fait plus de recherches sur cette musique, j’ai appris la musique des frères Carrière et la tradition de la La La Music, un style plus bluesy, plus black, qui est arrivé avant le zydeco. J’ai appris à jouer tout cela sur un gros violon comme le mien.» Elle bluese son violoncell­e, fait la rencontre des Carolina Chocolate Drops, apprend avec eux la vie de tournée, puis opte pour la carrière solo et lance VariColore­d Songs: A Tribute to Langston Hughes pour lequel elle compose de la musique sur les mots du poète de la renaissanc­e de Harlem : «C’était un peu comme un processus de divination qui s’est créé en lisant les signes et en me faisant confiance, admet-elle. Pour moi, il est LE black poet et tout ce qu’il a écrit à propos de la société et du racisme demeure vrai. J’ai ressenti l’importance de ne pas cantonner ses poèmes à des livres, mais de les chanter. »

Son plus récent disque, A Day for the Hunter, A Day for the Pray, un bijou, révèle un irrésistib­le mélange de spirituali­té doucement rythmée, d’intimité engageante et de légèreté communicat­ive avec des mots qui sonnent comme autant d’appels entre les cultures créole et américaine, pour en comprendre l’actualité. En spectacle le 14 février au Verre bouteille à Montréal, le 15 février à la Bourse RIDEAU de Québec, le 16 février au Bal du Lézard à Québec, le 17 février au Beat & Betterave à Frelighsbu­rg, le 18 février à La Chèvre à Saint-Adolphe-d’Howard.

« Pour moi, [Langston Hughes] est LE black poet et tout ce qu’il a écrit à vrai» propos de la société et du racisme demeure Leyla McCalla

 ?? SARRAH DANZIGER ?? En dépit de sa formation en musique, Leyla McCalla avoue avoir joué à l’oreille pendant des années.
SARRAH DANZIGER En dépit de sa formation en musique, Leyla McCalla avoue avoir joué à l’oreille pendant des années.

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