Le Devoir

Appels d’offres

Moins de mise en concurrenc­e dans les petites municipali­tés

- ISABELLE PORTER

Les nouvelles règles d’appel d’offres proposées aux municipali­tés risquent d’avoir beaucoup plus d’effets sur les petites villes que sur les grandes, révèle un document obtenu par Le Devoir. Avec le projet de loi 122, une grande partie des contrats donnés aujourd’hui en appels d’offres pourrait ainsi être accordée de gré à gré.

À Mont-Joli, 72% de tous les contrats ayant fait l’objet d’un appel d’offres l’an dernier auraient été accordés de gré à gré si le projet de loi 122 avait été en vigueur.

Ce projet de loi sur l’autonomie des municipali­tés fait grimper de 25 000$ à 100 000$ le montant des contrats à partir desquels les villes sont obligées de lancer un appel d’offres. Or, dans les petites municipali­tés, la proportion des contrats donnés entre ces deux montants est beaucoup plus élevée qu’en ville.

À titre de comparaiso­n, à Montréal, seulement 25% des contrats qui sont passés par un appel d’offres en 2016 auraient pu être soustraits à la règle avec le projet de loi 122.

La Ligue d’action civique

Ces données sont contenues dans un mémoire produit par la Ligue d’action civique, un organisme à but non lucratif qui milite pour une plus grande surveillan­ce de la gestion des fonds publics dans la foulée de la commission Charbonnea­u.

La Ligue a analysé les cas d’une quinzaine de municipali­tés de différente­s tailles pour voir quelle serait la proportion des contrats touchée par le projet de loi 122 (voir encadré). Quoique très partielle, l’analyse montre que dans les villes de 50 000 personnes et moins, plus de 40 % des contrats donnés l’an dernier en appels d’offres ne seraient plus soumis à la concurrenc­e en vertu du projet de loi.

Dans certains cas, comme celui de Beauharnoi­s, la corrélatio­n semble moins claire, ce qui suggère que toutes les municipali­tés ne seraient pas également touchées. Étant donné que le nombre de contrats donnés en concurrenc­e est déjà très faible dans les petites municipali­tés, les variations sont grandes.

Le Devoir a donc repris la même méthodolog­ie pour analyser d’autres cas de petites municipali­tés. À Chibougama­u, par exemple, on observe que 69% des contrats donnés en appels d’offres auraient ainsi été accordés de gré à gré. Par contre, à Saint-Donat, un seul des sept contrats donnés était touché (14%). À Tadoussac, trois des quatre contrats octroyés dans l’année en appel d’offres auraient pu être donnés sans concours (75 %).

Pour la Ligue d’action civique, on donne plus de pouvoirs aux élus sans songer aux contrepoid­s. «Le projet de loi prend surtout le parti de faire confiance aux élus locaux en augmentant leur pouvoir par rapport au gouverneme­nt, mais aussi sans l’admettre en l’augmentant par rapport à leurs propres citoyens.»

C’est d’autant plus inquiétant que «les petites municipali­tés manquent de ressources et d’expertise pour procéder à l’octroi de contrats». «Elles ne possèdent pas non plus d’organismes de contrôle et de surveillan­ce comme les municipali­tés plus importante­s», poursuit l’organisme dans un mémoire qui doit être déposé mardi en commission parlementa­ire.

Non seulement les petites villes ont rarement des conseiller­s d’opposition, poursuit-on, mais elles n’ont pas de vérificate­ur général et les médias y sont moins présents.

«Les appels d’offres ne sont pas une perte de temps. Un appel d’offres est un outil de diminution des dépenses publiques, et nous nous étonnons qu’un gouverneme­nt libéral défende l’idée d’une diminution de la concurrenc­e sur les marchés», poursuiton dans le document.

Les travaux de la commission parlementa­ire sur le projet de loi 122 doivent reprendre mardi matin. Outre la Ligue d’action civique, on devrait notamment y entendre le Conseil du patronat du Québec, la ville de Québec, le Centre canadien d’architectu­re, la Fédération québécoise des municipali­tés et l’Associatio­n des firmes de génie-conseil.

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