La grève des juristes de l’État s’essouffle
Possible retour au travail des 1100 avocats et notaires du gouvernement
En grève depuis 17 semaines, les 1100 avocats et notaires de l’État pourraient bien voter un retour au travail mardi, selon leur porte-parole, Me Jean Denis. Les membres sont «à bout de souffle» et le fonds de grève est épuisé depuis déjà deux semaines.
«Les gens sont épuisés. […] Il y a des gens qui disent qu’ils veulent retourner, a déclaré le président des Avocats et notaires de l’État québécois (LANEQ). Il y a de jeunes familles là-dedans. Des soutiens de famille… Ces soutiens de famille là, ils ont besoin d’argent. »
Les membres doivent de nouveau se prononcer mardi sur la poursuite de la grève ou un possible retour au travail lors d’une assemblée extraordinaire. Lundi, M. Denis a dit s’attendre à ce que l’offre du gouvernement soit rejetée massivement, mais qu’il en serait autrement pour le retour au travail. «Ça va être serré», a-t-il dit. Lors de la dernière assemblée à la fin janvier, le maintien de la grève avait reçu un appui de 83% et l’offre du gouvernement avait été rejetée à 97 %.
Advenant un retour au travail, LANEQ n’exclut pas une grève des heures supplémentaires ou une grève partielle. «Les avocats, ça ne travaille pas nécessairement de 8h30 à 16h30, mais là, on ferait ça. Quand on part à 16h30, les ministres et les sous-ministres n’aiment pas ça», a lancé Me Denis lundi en conférence de presse. Avec tout le retard pris ces dernières semaines, cela pourrait encore « beaucoup » ralentir la machine, selon lui.
Dans le cadre du renouvellement de leur convention collective, les membres de LANEQ réclament les mêmes conditions salariales obtenues l’an dernier par les procureurs de la Couronne (10% de plus sur quatre ans), alors que le Conseil du trésor leur propose celles consenties à la fonction publique (5,25% sur la même période). Ils plaident que dans le passé, ils avaient la parité avec les procureurs de la Couronne et que c’est ainsi dans le reste du Canada.
Poursuite de 36,75 millions
Lundi, leur association a aussi annoncé qu’elle poursuivait le gouvernement du Québec pour 36,75 millions devant le Tribunal administratif du travail. Cette démarche est distincte des négociations, selon M. Denis, qui soutient que la préparation de la poursuite est en cours depuis un certain temps.
Il allègue que le gouvernement a enfreint le Code du travail en ne négociant pas de bonne foi. Me Denis allègue que son association a fait des concessions à six reprises dans le cadre négociations, alors que le gouvernement maintient la même position depuis le début. Une stratégie, dit-il, destinée à « humilier » et « abaisser » ses membres.
« Assez, c’est assez. Trop, c’est trop, a déclaré Me Denis. Ils n’apprendront sûrement pas à des avocats comment défendre leurs droits. »
Les 36,75 millions incluent le remboursement des 4 millions du Fonds de grève, des 8 millions de la marge de crédit obtenue par LANEQ, et l’équivalent de 15 000 $ par membre pour dommages moraux et 7500$ pour intérêts punitifs.
Le recours devant le Tribunal serait-il une manière de mieux faire accepter un retour au travail ?
Au-delà du salaire, les avocats et notaires de l’État veulent le même statut que les procureurs ont depuis 2011. Ces derniers n’ont pas le droit de grève mais la loi prévoit que ses conditions sont déterminées par un comité.
Un précédent dans les négos?
Pourquoi réclamer la même chose que les procureurs? La tâche est-elle comparable ? Absolument, répond Me Denis. «Je ne comprends pas qu’on dise que les gens qui font du droit criminel sont plus intelligents ou meilleurs que ceux qui font du droit administratif comme moi. Ils viendront en faire, ils vont voir que c’est difficile et très compliqué. »
Pour l’ex-ministre et professeur de droit à l’Université d’Ottawa, Benoît Pelletier, cela va de soi. «Le gouvernement devrait traiter tous ces juristes sur un pied d’égalité. C’est très difficile de justifier une distinction au sein d’une masse d’employés qui ont la même formation et exercent essentiellement le même type de fonction.» Comment expliquer alors la stratégie gouvernementale ?
Selon l’ancien ministre, le gouvernement craint un effet «boule de neige». «Il redoute qu’après, tous les professionnels de la fonction publique réclament la même chose. […] Et évidemment, il ne veut pas perdre son contrôle des finances publiques. »
Le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, n’a pas voulu commenter le dossier lundi, il le fera vraisemblablement mardi.