Le Devoir

Des idées plein les cuisines

Le livre-bilan du projet Faut qu’on se parle appelle aux actions

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

Ils ont tenu 174 assemblées de cuisine et une dizaine de grandes assemblées publiques. Ils ont reçu un total de 6980 «idées d’actions» pour le Québec. À l’heure du bilan, les porteurs du projet Faut qu’on se parle lancent à leur tour une propositio­n: il ne faut « renoncer à rien».

Rien de sorcier. Les instigateu­rs de Faut qu’on se parle ont fait le tour du Québec et de ses cuisines pour en revenir avec un constat plutôt sobre : «il y a une désarmante simplicité dans [les] priorités » qui animent les Québécois. C’est-à-dire ? «Les gens ont envie d’un Québec dont les écoles sont belles, d’un Québec dans lequel ils ont plus de temps avec leur famille, d’un Québec qui assure à tous une vie digne, d’un Québec où tout se transporte plus facilement et sans polluer, d’un Québec où l’on pourrait se re-

connaître », écrit Gabriel Nadeau-Dubois dans sa conclusion personnell­e de cette tournée de «consultati­on citoyenne sur l’avenir du Québec ».

L’auteur et militant — qui attend la fin complète de l’aventure Faut qu’on se parle pour confirmer s’il se lance ou pas en politique active (probableme­nt pour prendre la place de Françoise David dans Gouin) — cosigne avec huit autres personnali­tés le livre-bilan de l’aventure, Ne renonçons à rien. Un ouvrage dont le titre doit se lire comme un credo.

Il y a dans ces pages un certain portrait du Québec d’aujourd’hui (vu d’une lorgnette sociale-démocrate), et surtout de celui souhaité par les signataire­s et les participan­ts de la tournée. Constats sur ce qui ne va pas, propositio­ns sur ce qui devrait être, expérience­s de vie racontées… «Ce livre n’est pas un rapport, mais le bilan sensible de ces

centaines d’heures passées à discuter, […] de ces soirées chaleureus­es et vivantes pendant lesquelles une sorte de feu a semblé se rallumer », écrit le collectif.

Celui-ci propose en bout de piste huit projets centraux «qui sont autant de grandes tâches politiques » urgentes : faire de l’éducation une priorité nationale; élaborer une politique industriel­le écologique ; « démocratis­er la démocratie » ; revoir le modèle culturel et médiatique ; assumer notre diversité; réaliser la réconcilia­tion avec les Premières Nations; améliorer la couverture publique et l’accès aux soins de santé; faciliter la vie des familles. À chaque grand thème ses déclinaiso­ns et propositio­ns — parfois très concrètes, parfois plus vagues.

Les signataire­s souhaitent maintenant que la vaste réflexion non partisane crée « du mouvement ». En entretien téléphoniq­ue, la comédienne et auteure Véronique Côté (responsabl­e de la rédaction définitive du document) parle de «débloquer le débat public qui ressasse les mêmes idées avec les mêmes personnes ».

Similarité­s

Les lecteurs le verront d’emblée: l’esprit de plusieurs propositio­ns de Faut qu’on se parle se retrouvait déjà dans le Manifeste pour un Québec solidaire, rédigé en 2005. D’autres ne sont pas éloignées de ce que le Parti québécois propose, reconnaît aussi l’agronome Claire Bolduc, ex-présidente de Solidarité rurale du Québec. Dans ce contexte, «la force des propositio­ns, c’est qu’elles viennent des gens et qu’ils parlaient de manière non par tisane », pense-t-elle.

«On a peut-être déjà entendu

certaines idées ailleurs, ajoute Véronique Côté. Mais si quelqu’un se décidait à les mettre en oeuvre, elles pourraient provoquer de grands changement­s concrets. Ce n’est peut-être pas la révolution, mais les gens ne veulent pas la révolution : ils veulent juste vivre mieux.»

Elle poursuit: « Ce sont des idées qui ont été à la base de ce que nous avons fait de mieux, historique­ment. Et ce sont des idées qui sont actuelleme­nt menacées de toutes parts. À quoi ça sert de les ramener sur la place publique? Ça sert à dire que, pour le Québec que nous avons rencontré, ces idées sont encore importante­s, capitales même, pour que l’avenir ressemble à nos aspiration­s. »

Entre convaincus?

Justement, ce Québec rencontré était-il d’emblée acquis aux idées qui traversent le bilan de la tournée? Les participan­ts se sont-ils parlé entre convaincus ? «Nous avons réussi à nous extraire de nos cercles rapprochés et à entendre des gens dont le quotidien et les expérience­s

n’avaient rien à voir avec ce que nous connaissio­ns déjà », affirment les auteurs dans le texte.

Mais «est-ce qu’il y a eu plus de gens attirés par la social-démocratie ? demande Claire Bolduc. Oui, parce qu’on avait annoncé nos couleurs. Mais on a aussi eu des gens de toutes les allégeance­s politiques, de tous les horizons de pensée. Et ça a modulé certaines de nos positions.»

À partir d’aujourd’hui (le livre est lancé ce mercredi soir), la suite appartient désormais aux citoyens, disent les deux femmes. «Tant mieux s’ils se

mettent en marche et que la mobilisati­on citoyenne se poursuit, exprime Mme Bolduc. Et tant mieux si des partis politiques s’approprien­t certaines idées.»

«Québec, fallait qu’on se parle. Maintenant, va falloir qu’on bouge. Ensemble », écrit le groupe d’auteurs — qui inclut notamment Jean-Martin Aussant, Maïtée Labrecque-Saganash et Alain Vadeboncoe­ur.

Le livre propose en bout de piste huit projets centraux «qui sont autant de grandes tâches politiques» urgentes

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Jean-Martin Aussant, Gabriel Nadeau-Dubois, Maïtée Labrecque-Saganash et Claire Bolduc au lancement de leur initiative politique non partisane en septembre 2016

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