Le Devoir

Des révélation­s pourraient attiser les violences

Un des policiers mis en examen pour le viol du jeune Théo aurait aussi tabassé un autre homme, quelques jours plus tôt

- CHRISTIAN RIOUX Correspond­ant à Paris

Alors que les violences se poursuiven­t en banlieue de Paris depuis maintenant dix jours, une nouvelle accusation grave s’est abattue mardi sur l’un des quatre policiers déjà mis en examen pour violence et viol sur le jeune Théo d’Aulnay-sous-Bois. Même si le gouverneme­nt tente par tous les moyens d’éviter l’embrasemen­t, ces nouvelles révélation­s risquent de relancer les violences contre les policiers, qui s’étendent maintenant à quatre départemen­ts.

C’est l’hebdomadai­re L’Obs qui a révélé l’affaire en interviewa­nt un ami de Théo. Une semaine avant les tragiques événements du 2 février qui ont mis le feu aux poudres à Aulnay-sousBois, Mohamed K. raconte avoir été passé à tabac par trois policiers. Sorti acheter du pain après sa journée de travail, il aurait été apostrophé par les policiers. À propos de l’un d’eux, Mohamed affirme: «On le connaît dans le quartier, c’est le même que celui qui a pénétré Théo avec sa matraque, tout le monde l’appelle “Barbe rousse”.» L’un des quatre policiers est en effet accusé de viol avec une matraque télescopiq­ue sur le jeune Théo.

Exhibant un certificat médical, Mohamed dit avoir été frappé au ventre et au visage. «Ils me frappent, coups de pied, coups de poing au visage, dans le ventre, dans le dos, je saigne parce qu’ils m’ouvrent le crâne, je leur dis que je suis essoufflé, ils me traitent de “sale Noir”, de “salope”, ils me crachent dessus », confie-t-il aux journalist­es. Le jeune homme soutient n’avoir pas porté plainte sur le coup de peur de perdre son nouvel emploi. Selon les avocats des policiers, le fait que Mohamed K. soit un ami de Théo sème le doute sur son témoignage.

Enquête indépendan­te

Le ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, a aussitôt saisi l’Inspection générale de la police nationale (IPGN), un corps indépendan­t chargé d’enquêter sur les accusation­s touchant la police. « Je ne laisse rien passer, mais je ne fais pas d’amalgame », a-t-il déclaré. Ces révélation­s surviennen­t alors que les échauffour­ées en banlieue de Paris déclenchée­s par l’arrestatio­n brutale du jeune Théo en sont à leur dixième nuit. Au moins 25 nouvelles arrestatio­ns se sont déroulées dans la nuit de lundi à mardi. Le nombre d’interpella­tions atteint 245 depuis le début des incidents.

Pour tenter de ramener le calme, mardi matin, le président François Hollande s’est rendu à Aubervilli­ers. Accueilli au son de « Police, violeurs, assassins!», le président a visité une associatio­n destinée à réinsérer socialemen­t des jeunes de 18 à 25 ans. « Il faut que la justice passe», a déclaré le président, tout en soulignant qu’«on ne peut pas accepter, à cause d’un drame qu[’il a lui]-même dénoncé, qu’il y ait de la casse». Durant les deux heures qu’il a passées avec les jeunes, François Hollande a surtout prêché le respect. «Il est très important de montrer que nous sommes capables de vivre ensemble dans une société apaisée mais où le respect est la règle et où nous devons être fermes à l’égard de ceux qui s’éloignent de ce principe», a-t-il conclu.

Le traitement des médias

Alors que les autorités craignent un embrasemen­t comme celui qui dura trois semaines en 2005, plusieurs soupçonnen­t les préfecture­s et les médias de tenter de minimiser le nombre d’échauffour­ées qui se produisent un peu partout en France. Ce n’est pas la première fois que les préfecture­s font face à de telles accusation­s. Depuis quelques jours, les incidents jusquelà limités à la SeineSaint-Denis se sont d’ailleurs étendus à l’Essonne, aux Yvelines et au Val-d’Oise. Le traitement demeure par ailleurs plutôt discret à la télévision, qui a souvent été accusée d’être en partie responsabl­e de la propagatio­n de ces incidents.

Au tribunal de Bobigny, des jeunes arrêtés lors des émeutes survenues ce weekend ont commencé à comparaîtr­e. Si certains ne sont accusés que d’« outrage », d’autres sont soupçonnés de méfaits beaucoup plus graves, comme des tirs de mortier contre les policiers. «Ce qui anime ces violences urbaines, c’est un désir de chaos, a déclaré la procureure. Ce sont vos conditions de vie que vous dégradez. » Le quotidien L’Humanité a rappelé que plusieurs policiers sous la responsabi­lité de l’actuel commissair­e d’Aulnay-sous-Bois avaient été condamnés en 2008 pour violences et pour avoir supprimé une vidéo servant de preuve. Le commissair­e, arrivé à Aulnay-sousBois en 2014, avait alors été condamné pour « non-empêchemen­t de délit».

Porte-parole de l’opposition, le député Éric Ciotti a demandé l’interdicti­on des manifestat­ions contre les violences policières.

« Je saigne parce qu’ils m’ouvrent le crâne, ils me traitent de “sale Noir”, de “salope”, ils me crachent dessus»

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