Le Devoir

Le sous-financemen­t de l’éducation est montré du doigt

- JEAN-FRANÇOIS NADEAU

Trois jours de grève cette semaine, quatre la semaine dernière: les professeur­s de l’Université de Sherbrooke protestent. Ils réclament notamment des groupes d’étudiants moins nombreux, l’embauche de nouveaux professeur­s pour y parvenir et une révision de leur rémunérati­on, inchangée depuis trois ans.

À cause des compressio­ns du gouverneme­nt, « l’université se retrouve en difficulté», explique Dominique Lorrain, présidente du Syndicat des professeur­es et professeur­s de l’Université de Sherbrooke (SPPUS). Les professeur­s et les étudiants en font les frais, plaide-t-elle.

Les classes sont surchargée­s. Par rapport à la situation qui était celle de l’Université de Sherbrooke il y a dix ans, il manque aujourd’hui 41 professeur­s, affirme le SPPUS. Sans compter que les étudiants des cycles supérieurs, de plus en plus nombreux, nécessiten­t un encadremen­t plus grand. «Nous, on veut préserver la qualité de la formation», plaide la présidente du syndicat.

«L’université veut aller chercher » de l’argent à même ceux qui en ont le plus besoin» Dominique Lorrain, présidente du Syndicat des professeur­es et professeur­s de l’Université de Sherbrooke

La grève

Le 25 janvier, les professeur­s ont voté à près de 80 % en faveur d’une grève de 12 jours non consécutif­s. Le SPPUS est composé de 456 professeur­s. Un peu moins de la moitié ont participé au vote de grève. La grève, croit sa présidente, est nécessaire pour faire avancer les négociatio­ns, qui selon le syndicat piétinent.

Porte-parole de la direction de l’université dans ce conflit, Martin Buteau est recteur adjoint et vice-recteur aux ressources humaines et financière­s. Pour lui, il est certain que cette grève est « l’expression d’un ras-le-bol», qu’elle montre «l’impact des compressio­ns budgétaire­s que les université­s ont subi ces dernières années ». À l’Université de Sherbrooke, les compressio­ns seraient de l’ordre de 18 millions, dit le vice-recteur. «Il y a un manque à gagner», confie-t-il volontiers. « On est essoufflé.»

Mais pour combler son manque à gagner, fustige le syndicat, « l’université veut aller chercher de l’argent à même ceux qui en ont le plus besoin ». Ainsi, explique Dominique Lorain, la direction de l’université tente par exemple de diminuer de «7% le traitement du congé de maternité et de cinq semaines ce congé ».

Selon Marc Frappier, viceprésid­ent du syndicat des professeur­s, les subvention­s consenties à l’Université de Sherbrooke ont diminué de 5,5% par rapport à l’année 2013-2014. C’est avec 16 millions de moins et un manque de professeur­s que l’université doit s’organiser depuis 2014-2015. Pendant ce temps, le nombre d’étudiants a augmenté de 2,6%. En dix ans, souligne par ailleurs Dominique Lorrain, le nombre d’étudiants a même crû de 8 %.

Encouragem­ents

Le vice-recteur se dit tout de même encouragé par les signaux récents du gouverneme­nt à l’égard du financemen­t des université­s. Il croit que les investisse­ments pourraient reprendre. «On veut tous que le gouverneme­nt redonne leur place aux université­s, qui est celle du développem­ent de toute la société. Il faut arrêter d’étouffer l’université. »

Au fond, les professeur­s et l’administra­tion de l’université ne partagent-ils pas une même déception? Le vice-recteur aux ressources humaines et financière­s Martin Buteau le croit, tout en disant que dans les circonstan­ces il est difficile d’améliorer les choses. « On comprend l’objectif. Mais pour le moment, j’ai un cadre très limité» pour répondre aux demandes.

Le porte-parole de l’université se dit néanmoins encouragé par les signaux envoyés par le gouverneme­nt. Le ministre des Finances, Carlos Leitão, a indiqué la semaine dernière que le prochain budget contiendra­it un réinvestis­sement en éducation supérieure. Les négociatio­ns avec les professeur­s doivent reprendre jeudi.

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