Lettre à Manon Massé
Madame la Députée, Quoique je sois actuellement à l’étranger, j’ai été mis au courant du projet de réforme de la carte électorale qui aurait pour effet de faire perdre au Centre-Sud son caractère distinct. Cela m’apparaît inadmissible pour bien des raisons historiques, sociologiques et culturelles.
En 1989, une réforme de la carte électorale a fusionné une partie de l’ancienne circonscription de Sainte-Marie avec celle de Saint-Jacques. Cette fusion toutefois a respecté le caractère distinct du Centre-Sud en amenant dans la nouvelle circonscription les populations qui vivaient entre les rues Frontenac et DeLorimier. Le Centre-Sud était donc consolidé dans son entité. Toutefois, la circonscription se terminait à l’ouest avec la rue Saint-Denis. Quoique ce territoire entre Saint-Denis et Saint-Laurent se dise «Quartier latin», il était une partie intégrante du Centre-Sud avec ses variables légitimes.
Un autre projet de réforme proposait de diviser entre les circonscriptions de SainteMarie–Saint-Jacques et Westmount les quartiers dits «Quartier chinois» et le «Vieux-Montréal». Mon collège député de Westmount et actuel président de l’Assemblée nationale, monsieur Jacques Chagnon, et moi avons fait valoir qu’il était «absurde» de diviser entre deux circonscriptions des entités qui avaient une histoire, une sociologie et une culture propres. Donc, cela fut abandonné.
Fondre le Centre-Sud dans ce qui m’apparaît être un calque de l’arrondissement municipal de Ville-Marie est une erreur. Quels sont les liens, les préoccupations qui unissent les citoyens de la rue Montcalm et ceux de la rue Drummond? Le Centre-Sud est un milieu de vie, alors que la partie ouest de Ville-Marie est un territoire principalement commercial. La logique de l’arrondissement municipal Ville-Marie constitutif à la création d’un «centre-ville» n’a rien à voir avec la constitution d’une circonscription «provinciale».
Le Centre-Sud a, depuis des dizaines et des dizaines d’années, été le lieu de rencontre et de naissance de puissants mouvements sociaux, culturels et communautaires. Un sentiment d’appartenance s’est créé et il est toujours vivant. Quoiqu’ayant quitté la vie politique il y a près de 12 ans, je suis toujours et je demeure citoyen du Centre-Sud. À chacun des messages que j’adressais à la population de la circonscription que j’ai eu l’honneur de représenter durant 20 ans, j’écrivais : « Chères concitoyennes et chers concitoyens du Centre-Sud, du Plateau MontRoyal et du Vieux-Montréal. » Pourquoi ? Parce que je savais et connaissais leur appartenance et leur attachement à un quartier bien défini. Voilà, Madame, ma réflexion. Je vous demande d’être ma porte-parole. André Boulerice, député de SainteMarie–Saint-Jacques de 1985 à 2005 Le 14 février 2017