Convergence minée
Avant d’annoncer que le Parti québécois, dans un esprit de convergence, laissait le champ libre au candidat de Québec solidaire dans Gouin, Jean-François Lisée avait en main un sondage qui montrait que, même avec des candidats un tant soit peu connus, comme Paul St-Pierre Plamondon ou l’ancien député Nicolas Girard, le PQ risquait de mordre la poussière à l’élection partielle. À moins que le parti ne travaille «très fort» et qu’un éventuel candidat réalise son «potentiel de croissance», a euphémisé le chef péquiste.
On ne sait donc pas si Jean-François Lisée aurait pris la même décision si le coup de sonde avait confirmé une domination péquiste. Il n’en demeure pas moins qu’avec l’élection dans Verdun, il s’agit de la deuxième fois qu’il tend la main à QS. Dans les deux cas, le geste a été accueilli fraîchement.
Le chef péquiste savait à quoi s’attendre : il y a deux semaines, le président de QS, Andrés Fontecilla, avait diffusé un communiqué pressant le PQ de présenter un candidat dans Gouin, une semaine après que le député de Mercier, Amir Khadir, eut fait de même. Il n’y a pas de fédéraliste à battre dans Gouin et QS n’a pas besoin de « l’aide » du PQ, clamait le président de la formation politique.
C’est donc en toute connaissance de cause que Jean-François Lisée, aux côtés de la pasionaria de la convergence, Véronique Hivon, a annoncé ce «geste de bonne foi». Une lutte acerbe dans Gouin entre péquistes et solidaires nuirait à la convergence entre les forces souverainistes, laissant derrière elle des « cicatrices supplémentaires », a soutenu Jean-François Lisée. Une froide analyse politique peut toutefois mener à la conclusion que le chef péquiste repousse la possibilité d’une défaite dont seule l’ampleur reste inconnue, ampleur à l’aune de laquelle son leadership serait évalué.
Les porte-parole de QS se méfient comme de la peste du grand manoeuvrier péquiste; Manon Massé s’est dite «perplexe» devant la stratégie du PQ, comme si elle appréhendait le coup fourré. Ils donnent l’impression que QS ne saurait exister sans une forme de détestation du PQ, un parti dont il a tiré, au fil des ans, bien des membres et des appuis. Son intérêt partisan porte naturellement QS à faire du PQ sa tête de Turc.
Réunis en congrès en mai, les solidaires devront décider quelle suite ils donneront à la convergence. Or cette convergence, dont on espère qu’elle contribuera à battre les libéraux en 2018, s’inscrit dans un mouvement à plus long terme d’union des forces souverainistes. Dans cette perspective, quelles que soient les motivations multidimensionnelles du chef péquiste, les représentants de QS ont eu tort de réagir aussi fortement à cette offre non sollicitée.