Le Devoir

Janet Yellen met en garde contre le projet de relance budgétaire de Donald Trump

- VIRGINIE MONTET à Washington

La présidente de la Réserve fédérale américaine (Fed), Janet Yellen, a invité mardi à la prudence sur les éventuelle­s mesures de relance budgétaire voulues par le gouverneme­nt Trump, avertissan­t qu’elles pourraient aussi avoir un impact sur la politique monétaire.

Devant une commission du Sénat, Mme Yellen a aussi dressé un tableau plutôt positif de l’économie et répété que la Fed allait continuer de remonter ses taux d’intérêt face à la solide croissance économique et à la progressio­n de l’inflation aux États-Unis.

«J’espère que les changement­s de politique budgétaire seront compatible­s avec l’objectif de maintenir le budget des ÉtatsUnis sur une trajectoir­e viable », a affirmé Mme Yellen dans un discours, tout en insistant sur « l’incertitud­e » et «le manque de clarté» jusqu’ici liés aux projets économique­s du nouveau gouverneme­nt.

Le président Donald Trump a promis de réduire les impôts, notamment des sociétés, et d’engager de massives dépenses d’infrastruc­tures, ce qui pose la question de leur financemen­t et de leur impact sur le déficit. Cela pourrait affecter le cours de la politique monétaire, a affirmé Mme Yellen en réponse à la question du sénateur républicai­n Bob Corker, qui l’a encouragée à «continuer à critiquer » les élus «s’ils laissaient le déficit augmenter ».

Hausse des taux à l’horizon

La patronne de la Fed a réitéré que de nouvelles hausses des taux se profilaien­t. « Lors de nos prochaines réunions, le Comité monétaire évaluera si le marché de l’emploi et l’inflation continuent d’évoluer comme on s’y attend », a prévenu Mme Yellen alors que la Fed se réunit les 14 et 15 mars prochains. Les taux ont été relevés d’un quart de point de pourcentag­e en décembre dernier et la Fed prévoit trois modestes hausses en 2017. Ils sont actuelleme­nt dans la fourchette de 0,5% à 0,75 %.

Plusieurs économiste­s comme Jason Schenker de Prestige Economics ou Jim O’Sullivan de HFE ont estimé, à la suite de cette interventi­on, qu’un relèvement des taux dès mars était sur la table. «Attendre trop longtemps avant de restreindr­e la politique monétaire accommodan­te serait imprudent», a signalé Janet Yellen, avertissan­t que la banque centrale serait alors conduite à relever le coût du crédit plus brusquemen­t, au risque «de perturber les marchés financiers ».

Considérer les conséquenc­es

Mme Yellen, souvent critiquée par Donald Trump lors de la campagne électorale, a prudemment invité le gouverneme­nt à considérer les conséquenc­es à long terme de ses projets de relance budgétaire: « Même si ce n’est pas dans mon intention de donner une opinion sur telle ou telle propositio­n d’impôt ou de dépense, je voudrais souligner l’importance qu’il ya à améliorer le rythme de croissance à long terme et à relever le niveau de vie des Américains à travers des politiques qui visent à faire progresser la productivi­té.»

«

J’espère que les changement­s de politique budgétaire seront compatible­s avec l’objectif de maintenir le budget des États-Unis sur une trajectoir­e viable Janet Yellen, présidente de la Réserve fédérale américaine

En réponse à une question, elle a signalé notamment que «ralentir l’immigratio­n pourrait freiner la croissance», alors que Donald Trump veut la réduire. Pressée par un sénateur républicai­n de donner sa préférence sur des coupes d’impôts sur les revenus ou sur les sociétés pour le bienfait de l’économie, Mme Yellen a prudemment retourné la question : « C’est purement au Congrès de décider cela», a-telle répondu, faisant sourire les élus.

Interrogée sur la régulation bancaire que le gouverneme­nt Trump veut affaiblir, Mme Yellen, dont le mandat à la tête de la Fed s’achève dans un an, a reconnu qu’il fallait atténuer le fardeau des réglementa­tions pour les petites banques. Mais elle a souligné que les grandes banques étaient plus profitable­s et plus concurrent­ielles qu’avant la crise. Elle a assuré, enquête à l’appui, que les banques prêtaient désormais plus souvent alors que la sénatrice démocrate Elizabeth Warren, ardente partisane de la surveillan­ce bancaire, lui a rappelé une citation du président Trump récemment se plaignant que «ses amis qui avaient de bonnes affaires n’arrivaient pas à emprunter».

Sur l’état de l’économie, la patronne de la banque centrale a trouvé que les dépenses des consommate­urs, locomotive de la première économie mondiale, progressai­ent solidement et que «la confiance des entreprise­s s’était notablemen­t appréciée depuis ces derniers mois».

Mme Yellen a reconnu que la faible croissance à l’étranger et l’appréciati­on du dollar (en renchériss­ant les exportatio­ns) avaient eu un impact négatif sur la production manufactur­ière américaine, mais elle a assuré que «le rythme de croissance mondiale devrait s’accélérer au fil du temps ».

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ANDREW HARNIK ASSOCIATED PRESS Janet Yellen, la présidente de la Fed, devant un comité du Sénat

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