Le Devoir

La culture s’invite au Rendez-vous national sur la main-d’oeuvre

Plus de 50 organismes culturels réclament considérat­ion et soutien pour les emplois du secteur

- CATHERINE LALONDE

Ni la culture, ni ses emplois, ni ses enjeux ne sont au menu du Rendez-vous national sur la main-d’oeuvre ? Qu’à cela ne tienne. Une cinquantai­ne d’organismes culturels s’y invite, en quelque sorte, deux jours avant le démarrage de l’événement présidé par Philippe Couillard. D’une seule voix, les Conseils de la culture, l’Union des artistes, le Conseil québécois du théâtre, l’Associatio­n nationale des éditeurs de livres, et plusieurs autres ont réclamé considérat­ion et soutien pour les emplois de leur secteur. Et, dans la foulée, deux mesures très concrètes pour les obtenir.

«On est pressé», indique Paule Beaudry, directrice générale de La danse sur les routes du Québec, qui parle ici seulement comme représenta­nte du secteur de la culture. « On n’est juste pas sur le radar, alors qu’on sait que chaque dollar investi en culture en rapporte entre 7 et 11$, qu’on représente 3,9% de la population active du Québec et qu’on génère 3,5% du produit intérieur brut [PIB]. On est un secteur fondamenta­l pour le Québec, estce qu’on peut se pencher aussi sur nos enjeux? C’est urgent, parce qu’on a été méchamment échaudés par les mesures d’austérité des dernières années.»

Ce Rendez-vous national de la main-d’oeuvre des 16 et 17 février veut «cerner et appréhende­r les transforma­tions actuelles du marché du travail », et les choix qui y seront faits pourraient « orienter l’attributio­n des ressources jusqu’en 2020 », selon un programme préalable reçu par le comité sectoriel de la maind’oeuvre. En riposte, la cinquantai­ne d’organismes culturels lançaient mardi à Québec la campagne «La culture, le coeur du Québec: pour des carrières durables!»

Spécialist­es du travail à la pige

Pour ces organismes, le secteur culturel a une longueur d’avance en compréhens­ion et gestion des travailleu­rs atypiques, qui forment aujourd’hui près de 40% de la main-d’oeuvre du Québec. Au point que c’est une erreur stratégiqu­e de mettre la culture de côté du Rendez-vous, selon le comédien Jack Robitaille, aussi vice-président de l’Union des artistes du Québec. « On est, en culture, travailleu­rs autonomes depuis très longtemps; à créer nos emplois, à se voir plutôt comme des micro-entreprene­urs, à augmenter nos capacités de mener quatre ou six jobs en même temps, à investir en recherche et innovation, à pouvoir faire trop souvent de grandes choses avec peu de moyens. On pourrait faire partie d’un échange d’expertise important de tous côtés.»

Les spécificit­és du milieu font qu’on a du mal à le reconnaîtr­e. «On considère par exemple du côté de la Commission des partenaire­s du marché du travail seulement les entreprise­s qui ont des salariés, et souvent celles qui ont une équipe de quatre personnes au moins, précise Mme Beaudry. En culture, ce genre d’équipe est extrêmemen­t rare. Bref, sur les 150 000 travailleu­rs de la culture, il n’y en a que 38 000 qui sont considérés comme faisant partie des gens qu’on peut aider avec les mesures de formation et d’emploi.»

Mais ce n’est pas d’hier que la culture a du mal à se faire reconnaîtr­e par les autres secteurs. Était-il vraiment possible de s’attendre à une inclusion à ces Rendez-vous? «C’est une belle occasion pour faire valoir les besoins de la main-d’oeuvre du secteur culturel», reconnaît Paule Beaudry. Et une occasion de tenter de valoriser la culture auprès d’instances gouverneme­ntales qui ne l’estiment peut-être pas assez.

Ressources humaines

« Un petit groupe a rencontré [lundi] François Blais [ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale], en présentant deux demandes principale­s, explique Mme Beaudry. Car on veut être absolument certains qu’il y aura dans la nouvelle politique culturelle un chapitre qui traitera des ressources humaines en culture. Deuxièmeme­nt, on veut un plan d’action gouverneme­ntal, un comité interminis­tériel, parce que la culture va au-delà de son propre secteur, et concerne l’emploi et la solidarité, l’économie, le tourisme, le Conseil du trésor…» On pourrait même ajouter les relations internatio­nales et la diplomatie. « On a eu une belle écoute. On a senti qu’on a fait valoir des enjeux qui n’étaient peut-être pas encore compris, mais tant qu’on n’a pas de résultats concrets, on reste sur le qui-vive. »

Car la culture, estime Paule Beaudry, reste encore considérée comme « un secteur gâté, parce que travaillan­t à partir de subvention­s. Alors qu’on ne demande jamais à l’éducation, par exemple, de justifier son financemen­t à même des fonds publics. Ce qu’on apporte à la société est important. Le ministère de la Culture est encore un des moins bien dotés. On espère faire comprendre que la culture est transversa­le, qu’elle traverse plusieurs aspects de la société — éducation, économie, emplois —, et faire en sorte que le ministre de la Culture soit peut-être mieux entendu par ses collègues. Et qu’on nous donne, à nous, les leviers dont on a besoin. »

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