Cancer, l’espoir réside dans l’immunothérapie
Des chercheurs d’Ottawa mettent au point un cocktail prometteur pour guérir le cancer du cerveau
La combinaison de deux immunothérapies permet d’enrayer le glioblastome, un cancer du cerveau incurable et mortel, affirment des chercheurs d’Ottawa dans la dernière édition de la revue Nature Communications. Le succès qu’ils ont obtenu chez des souris atteintes de ce cancer a déjà convaincu plusieurs compagnies pharmaceutiques de commencer dès cette année des essais cliniques qui viseront à vérifier l’innocuité et l’efficacité de cette nouvelle option thérapeutique chez l’humain.
«Alors que la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie n’ont pas connu de nouveaux développements depuis longtemps, l’immunothérapie a le vent en poupe et commence à entrer en clinique», affirme un des coauteurs de l’article, Éric Lacasse, qui est chercheur à l’Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario, à Ottawa. «Certains cancers sont toutefois plus immunogéniques que d’autres. Ils ont plus tendance à répondre aux attaques du système immunitaire que d’autres et, par conséquent, l’immunothérapie s’avère plus efficace sur ces types de cancer.» Ce sont surtout les cancers contenant un grand nombre de mutations qui sont le plus facilement repérés par le système immunitaire et considérés comme étrangers au corps. C’est notamment le cas du mélanome qui résulte d’une exposition prolongée aux rayons ultraviolets, lesquels induisent des mutations dans les cellules de la peau, et du cancer du poumon chez les fumeurs, qui découle d’une exposition aux composés cancérigènes du tabac.
Éric Lacasse et ses collègues de l’Université d’Ottawa se sont attaqués au glioblastome, le cancer du cerveau le plus courant, mais qui est fatal autant chez les adultes que chez les
enfants. Ce cancer, dont est atteint le chanteur canadien Gord Downie, du groupe de rock The Tragically Hip, est toutefois peu immunogénique. «Nous espérons maintenant qu’en combinant plusieurs approches immunothérapiques différentes, on réussira à vaincre aussi les cancers qui ne répondent pas très bien à l’immunothérapie, comme le glioblastome», indique M. Lacasse.
Les chercheurs d’Ottawa ont donc choisi d’administrer deux classes d’agents immunothérapiques à des souris atteintes de glioblastome. Ils ont opté, d’une part, pour des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (IPCI), qui sont des anticorps qui neutralisent le système de défense des cellules cancéreuses, et accroissent du coup la force de frappe du système immunitaire. « Lorsque les cellules cancéreuses se sentent ciblées, elles tentent d’échapper au système immunitaire en exprimant à leur surface des protéines normales qui font croire au système immunitaire qu’elles sont des cellules normales qu’il ne doit pas attaquer. Or, les anticorps IPCI viennent neutraliser ces protéines afin que le système immunitaire ne les voie plus et qu’il reconnaisse qu’il s’agit bel et bien de cellules cancéreuses qu’il doit tuer», explique le biochimiste Éric Lacasse.
À ces IPCI, les chercheurs ont ajouté des substances mimétiques de SMAC (Second Mitochondrial Activator of Caspases), qui sont de petites molécules qui contrecarrent l’activité des protéines inhibitrices de l’apoptose qui sont présentes dans les cellules cancéreuses et qui leur permettent d’échapper à cette mort cellulaire programmée. «Ces molécules expérimentales favorisent l’apoptose des cellules cancéreuses et stimulent le système immunitaire», résume le chercheur.
Lorsqu’ils ont administré une substance mimétique de SMAC en combinaison avec un IPCI à des souris auxquelles ils avaient greffé un glioblastome dans le cerveau, de 60% à 80% des souris ont guéri de leur cancer. L’administration de trois agents, dont deux IPCI et un mimétique de SMAC, a entraîné la guérison de toutes les souris. «Même s’il est probable que nous n’obtiendrons pas des effets aussi spectaculaires chez l’humain, on peut espérer que cette combinaison sera efficace», affirme M. Lacasse, avant d’ajouter que la combinaison s’est également avérée passablement efficace pour éliminer le cancer des glandes mammaires et le myélome multiple chez la souris.
Les chercheurs ont également remarqué que la triple immunothérapie induisait une immunité à long terme contre le cancer chez les souris qui, ainsi, n’étaient plus victimes de récidives. «On espère que le même effet à long terme se produira chez l’humain, mais sachant que le cancer est constamment en train d’évoluer pour échapper au système immunitaire, ce ne sera peut-être pas toujours le cas », fait remarquer M. Lacasse.
Études cliniques
Quelques compagnies pharmaceutiques envisagent de commencer en 2017 des essais cliniques qui viseront à vérifier l’innocuité dans un premier temps et l’efficacité dans un second temps de la combinaison de ces deux immunothérapies chez des patients atteints d’un cancer du poumon ou d’un mélanome. «Étant donné que ces deux cancers répondent assez bien aux IPCI, on veut savoir si l’ajout des mimétiques de SMAC améliorera la réponse. Si c’est le cas, ces résultats encourageront les cliniciens à expérimenter la même combinaison dans des cancers plus difficiles, comme le glioblastome ou le neuroblastome chez l’enfant, qui ne répondent pas très bien aux thérapies présentement », dit-il.
«La voie de l’avenir est de combiner plusieurs immunothérapies différentes afin d’obtenir une réponse immunitaire la plus forte possible», insiste le chercheur.
Désavantages
Les immunothérapies sont toutefois très dispendieuses présentement, car elles font appel à du matériel biologique, comme des anticorps qui sont fabriqués par des cellules. «Mais à mesure qu’on les intégrera dans notre arsenal thérapeutique, les prix diminueront», affirme M. Lacasse.
Les immunothérapies ont bien sûr des effets secondaires, mais ceux-ci sont très bien connus car cela fait plusieurs années que ces médicaments sont utilisés en clinique aux États-Unis, et depuis peu au Canada. Chez 5 à 15% des patients, les IPCI induisent une auto-immunité. «Le système immunitaire s’attaque au cancer, mais aussi à des organes normaux. Mais comme les cliniciens connaissent très bien les organes qui sont susceptibles d’être atteints, ils sont aux aguets et, dès que ces effets secondaires commencent à se manifester, ils administrent des médicaments pour les contrôler », précise le biochimiste, avant d’ajouter que les effets secondaires des mimétiques de SMAC sont quant à eux « minimes et peu néfastes ».
«L’immunothérapie a l’avantage de ne pas endommager l’ADN comme le font la chimiothérapie et la radiothérapie, et cet avantage est particulièrement important pour les enfants qui, autrement, souffriront toute leur vie de ces dommages à l’ADN », fait valoir le chercheur.