Le Devoir

Des manifestan­ts moins nombreux qu’espéré

- ISABELLE PORTER PHILIPPE ORFALI

A«Il

faut reconnaîtr­e que ce crime n’est pas comme les autres et qu’il doit être traité différemme­nt des autres Sue Montgomery

près avoir attiré des milliers de citoyens dans les rues en octobre, le mouvement contre la culture du viol semble s’effriter. Mardi soir, seulement quelques dizaines de personnes ont participé à des manifestat­ions organisées à Québec et Montréal.

À Québec, une cinquantai­ne de personnes ont pris part au rassemblem­ent. L’une des organisatr­ices, Maude Bergeron, a concédé qu’elle espérait voir affluer 250 personnes avant d’ajouter que le froid avait dû en décourager plusieurs. «C’est sûr que la températur­e, ça n’aide pas beaucoup. »

La manifestat­ion visait notamment à demander au gouverneme­nt de «changer les choses» en misant sur l’éducation, voire une réforme du système de justice, a-t-elle expliqué. «Les victimes ne sont pas assez écoutées en général. Il y a une banalisati­on de ce qu’elles vivent. […] Actuelleme­nt, le blâme est toujours mis sur les victimes.»

Très peu d’agressions sont en outre dénoncées, ont rappelé plusieurs femmes. Ce serait le cas dans 5 % des cas selon l’Enquête sociale sur la victimisat­ion de Statistiqu­e Canada.

Alice Paquet, qui était sur place, en a profité pour annoncer qu’elle comptait s’éloigner des projecteur­s. « Je vais rejoindre les autres survivante­s dans l’ombre. […] J’ai besoin de me reposer comme n’importe quelle survivante. Prendre soin de moi. Psychologi­quement et physiqueme­nt, ce n’est pas facile. »

Tout en refusant de commenter le retour de Gerry Sklavounos à l’Assemblée nationale, elle a dit que le député avait bien illustré ce qu’était la culture du viol dans sa déclaratio­n «en faisant comme si de rien n’était » et en minimisant « ce que [les victimes] ont vécu».

Plusieurs personnes ont pris la parole, dont Viviane Michel, de Femmes autochtone­s du Québec, qui elle aussi a été victime d’une agression sexuelle.

Emma Desmeules, 16 ans, est venue parler de consenteme­nt. «Pour les gens de ma génération, avec le cinéma, la proximité des médias et la culture musicale, on assiste tellement à une objectivis­ation du corps que le consenteme­nt devient un concept superflu, inutile et incompris.»

Petit rassemblem­ent à Montréal

Dans la métropole également, la marche n’a pas attiré les foules escomptées. Tandis qu’à l’automne plusieurs centaines de personnes avaient participé à des événements semblables tenus au même endroit, à la place Émilie-Gamelin, seule une soixantain­e de personnes se sont présentées, mercredi soir.

«Ça ne dérange pas», a insisté l’ex-journalist­e Sue Montgomery, elle-même victime d’agressions sexuelles dans sa jeunesse et initiatric­e du mot-clic #BeenRapedN­everReport­ed, dans la foulée des accusation­s déposées contre l’exanimateu­r de la CBC Jian Ghomeshi, en 2014.

«Ne doutez jamais de ce qu’un petit groupe de personnes engagées peut accomplir. Ça peut changer le monde. En fait, c’est la seule chose qui ait jamais changé le monde», a-t-elle ajouté devant la foule, reprenant les mots de l’anthropolo­gue américaine Margaret Mead.

Elle réclame des changement­s aux lois canadienne­s afin de faciliter la condamnati­on des agresseurs. «Il faut reconnaîtr­e que ce crime n’est pas comme les autres et qu’il doit être traité différemme­nt des autres. On en a eu assez de la souffrance causée par l’agression sexuelle. J’ai vécu avec elle toute ma vie, je ne veux pas que les jeunes femmes dans cette foule aient à vivre avec elle également. »

Accompagné­e de trois amies, Jade, âgée de 15 ans à peine, tenait elle aussi à être présente. Sa meilleure amie a été victime d’agression sexuelle, a-t-elle expliqué, brandissan­t une pancarte «Sans oui, c’est non». «Ça me touche énormément comme femme, comme amie.»

Elle ne cachait pas sa déception de voir seulement quelques dizaines de personnes rassemblée­s mercredi soir à la place Émilie-Gamelin. «Sur Facebook, près de 2000 personnes étaient intéressée­s. Il y avait près de 500 participan­ts. J’espérais que plus de personnes soutiennen­t cette cause-là. »

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RENAUD PHILIPPE LE DEVOIR À Québec, quelques dizaines de personnes ont répondu à l’appel à manifester contre la culture du viol.

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