Des manifestants moins nombreux qu’espéré
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faut reconnaître que ce crime n’est pas comme les autres et qu’il doit être traité différemment des autres Sue Montgomery
près avoir attiré des milliers de citoyens dans les rues en octobre, le mouvement contre la culture du viol semble s’effriter. Mardi soir, seulement quelques dizaines de personnes ont participé à des manifestations organisées à Québec et Montréal.
À Québec, une cinquantaine de personnes ont pris part au rassemblement. L’une des organisatrices, Maude Bergeron, a concédé qu’elle espérait voir affluer 250 personnes avant d’ajouter que le froid avait dû en décourager plusieurs. «C’est sûr que la température, ça n’aide pas beaucoup. »
La manifestation visait notamment à demander au gouvernement de «changer les choses» en misant sur l’éducation, voire une réforme du système de justice, a-t-elle expliqué. «Les victimes ne sont pas assez écoutées en général. Il y a une banalisation de ce qu’elles vivent. […] Actuellement, le blâme est toujours mis sur les victimes.»
Très peu d’agressions sont en outre dénoncées, ont rappelé plusieurs femmes. Ce serait le cas dans 5 % des cas selon l’Enquête sociale sur la victimisation de Statistique Canada.
Alice Paquet, qui était sur place, en a profité pour annoncer qu’elle comptait s’éloigner des projecteurs. « Je vais rejoindre les autres survivantes dans l’ombre. […] J’ai besoin de me reposer comme n’importe quelle survivante. Prendre soin de moi. Psychologiquement et physiquement, ce n’est pas facile. »
Tout en refusant de commenter le retour de Gerry Sklavounos à l’Assemblée nationale, elle a dit que le député avait bien illustré ce qu’était la culture du viol dans sa déclaration «en faisant comme si de rien n’était » et en minimisant « ce que [les victimes] ont vécu».
Plusieurs personnes ont pris la parole, dont Viviane Michel, de Femmes autochtones du Québec, qui elle aussi a été victime d’une agression sexuelle.
Emma Desmeules, 16 ans, est venue parler de consentement. «Pour les gens de ma génération, avec le cinéma, la proximité des médias et la culture musicale, on assiste tellement à une objectivisation du corps que le consentement devient un concept superflu, inutile et incompris.»
Petit rassemblement à Montréal
Dans la métropole également, la marche n’a pas attiré les foules escomptées. Tandis qu’à l’automne plusieurs centaines de personnes avaient participé à des événements semblables tenus au même endroit, à la place Émilie-Gamelin, seule une soixantaine de personnes se sont présentées, mercredi soir.
«Ça ne dérange pas», a insisté l’ex-journaliste Sue Montgomery, elle-même victime d’agressions sexuelles dans sa jeunesse et initiatrice du mot-clic #BeenRapedNeverReported, dans la foulée des accusations déposées contre l’exanimateur de la CBC Jian Ghomeshi, en 2014.
«Ne doutez jamais de ce qu’un petit groupe de personnes engagées peut accomplir. Ça peut changer le monde. En fait, c’est la seule chose qui ait jamais changé le monde», a-t-elle ajouté devant la foule, reprenant les mots de l’anthropologue américaine Margaret Mead.
Elle réclame des changements aux lois canadiennes afin de faciliter la condamnation des agresseurs. «Il faut reconnaître que ce crime n’est pas comme les autres et qu’il doit être traité différemment des autres. On en a eu assez de la souffrance causée par l’agression sexuelle. J’ai vécu avec elle toute ma vie, je ne veux pas que les jeunes femmes dans cette foule aient à vivre avec elle également. »
Accompagnée de trois amies, Jade, âgée de 15 ans à peine, tenait elle aussi à être présente. Sa meilleure amie a été victime d’agression sexuelle, a-t-elle expliqué, brandissant une pancarte «Sans oui, c’est non». «Ça me touche énormément comme femme, comme amie.»
Elle ne cachait pas sa déception de voir seulement quelques dizaines de personnes rassemblées mercredi soir à la place Émilie-Gamelin. «Sur Facebook, près de 2000 personnes étaient intéressées. Il y avait près de 500 participants. J’espérais que plus de personnes soutiennent cette cause-là. »