Le Devoir

Les services prioritair­es minés par les compressio­ns, selon la CSN

- AMÉLIE DAOUSTBOIS­VERT

Les compressio­ns dans le réseau de la santé et des services sociaux ont été si massives depuis 2010 que même des secteurs établis comme prioritair­es par Québec souffrent de coupes nettes, conclut la Confédérat­ion des syndicats nationaux (CSN) dans une étude publiée mercredi.

La CSN estime à entre 1 et 3,5 milliards le manque à gagner dans le réseau depuis 2013-2014.

Le financemen­t par habitant a connu un recul de 9% entre 2010 et 2014, calcule le syndicat, reprenant des données de l’Institut canadien d’informatio­n sur la santé. En dollars constants, c’est une chute de 1357 $ à 1238 $.

La CSN, en épluchant les budgets des établissem­ents du réseau, constate que ces derniers sont forcés de rogner dans les budgets de missions pourtant déterminée­s comme prioritair­es par le gouverneme­nt.

Par exemple, dans la grande région de Montréal (incluant le « 450 »), la CSN calcule que les coupes dans les services directs atteignent 227 millions pour l’année en cours, dont 20 millions dans le soutien aux personnes en perte d’autonomie et 14 millions dans le soutien à domicile.

«On veut alerter la population, la situation est insoutenab­le », a lancé le président de la CSN, Jacques Létourneau, en conférence de presse.

Ayant rencontré le ministre des Finances Carlos Leitão dans le cadre de ses consultati­ons prébudgéta­ires, M. Létourneau croit «qu’il faut faire d’autres choix que de rembourser la dette et diminuer les impôts des plus nantis».

Au cabinet du ministre de la Santé et des Services sociaux Gaétan Barrette, on maintient qu’«il n’y a pas de coupes », mais un « contrôle des dépenses». «Nous avons ainsi dégagé des marges de manoeuvre pour faire des investisse­ments supplément­aires », insiste l’attachée de presse du ministre, Julie White, rappelant que les syndicats de la santé sont actuelleme­nt plongés dans une période de maraudage.

Les analyses «convergent»

Le professeur honoraire au Départemen­t d’administra­tion de la santé de l’Université de Montréal Paul Lamarche soutient que «lorsque les multiples sources convergent, et pas seulement les syndicats», on ne peut que se rendre à l’évidence: le manque à gagner est de 0,6 à 1 milliard par an dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Dans ses propres recherches, il a été à même de constater que le Québec est la province qui s’est le plus désengagée du financemen­t de la santé. «De 75% des dépenses de santé assumées par le gouverneme­nt du Québec en 1975, ce n’était plus que de 64,5 % en 2015, a-t-il calculé. Le privé prend de plus en plus de place. »

La position de Québec est plus «idéologiqu­e que budgétaire », selon lui. « Et ces dernières années, les coupes ont été faites dans les services pour lesquels on dépensait déjà le moins, comme les services hospitalie­rs, la santé publique, par exemple.»

Pour l’économiste et chercheur au CIRANO Jean-Pierre Aubry, la CSN « a raison de poser ces questions-là». Selon lui, le syndicat tient trop peu compte des gains de productivi­té possibles du réseau, mais il ne réfute pas ses conclusion­s. «Si on analyse l’écart entre la croissance de la demande en santé et la croissance des budgets, celui-ci se creuse d’année en année. » Il déplore la «piètre reddition de compte du gouverneme­nt », sans laquelle il est difficile de voir clair dans ces chiffres sans partisaner­ie.

Ce que d’autres ont dit avant eux

La CSN n’est pas la première à sonner l’alarme au sujet du financemen­t du réseau de la santé. Déjà en 2014, sous un gouverneme­nt du Parti québécois, la défunte associatio­n des gestionnai­res du réseau de la santé, l’AQESSS, affirmait que la croissance des budgets mettait à mal les services à la population.

Plus récemment, « l’austérité a fait mal», concluait Raymonde Saint-Germain en septembre, au moment de remettre son dernier rapport à titre de protectric­e du citoyen.

L’Institut de recherche et d’informatio­ns socio-économique­s (IRIS) soulignait aussi dans son plus récent rapport sur le système de santé que les dépenses en santé par personne, au Québec, sont parmi les plus basses au Canada.

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DEAN MITCHELL GETTY IMAGES La CSN calcule que, dans la grande région de Montréal, les coupes dans les ser vices directs atteignent 227 millions pour l’année en cours, dont 14 millions dans le soutien à domicile.

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