Le Devoir

L’Université Laval retirera ses investisse­ments des énergies fossiles

- ALEXANDRE SHIELDS

L’Université Laval s’engage à retirer ses investisse­ments du secteur des énergies fossiles, une première pour une université canadienne. Mais même si le mouvement de désinvesti­ssement prend de plus en plus d’ampleur à l’échelle de la planète, les autres université­s québécoise­s tardent à s’engager sur cette voie, a constaté Le Devoir.

« L’Université Laval s’engage dans une démarche responsabl­e qui devrait la mener, à terme, à déplacer les investisse­ments de ses fonds de dotation dans les énergies fossiles vers d’autres types de placements, par exemple dans les énergies renouvelab­les », a expliqué mercredi le vice-recteur exécutif et responsabl­e du volet développem­ent durable, Éric Bauce.

Selon lui, l’établissem­ent agit ainsi de façon «responsabl­e» par rapport à la crise des changement­s climatique­s, en plus de miser sur «un meilleur rendement à long terme» en optant pour des investisse­ments dans les énergies renouvelab­les.

Pour parvenir à sortir ses investisse­ments du secteur pétrolier et gazier, l’Université Laval mettra sur pied un « comitécons­eil sur les investisse­ments responsabl­es». Celui-ci «aura le mandat de recommande­r des approches, des pratiques et des gestes à poser en la matière». Qui plus est, un rapport annuel présentant la progressio­n de son engagement associée à la transition de ses investisse­ments sera rendu public.

M. Bauce estime qu’à l’heure actuelle, «environ 5%» des investisse­ments de la fiducie de 220 millions de l’Université Laval se retrouvent dans le secteur des énergies fossiles, soit 11 millions.

Mouvement

La décision de l’établissem­ent universita­ire a été saluée par le groupe «ULaval sans fossiles», qui avait lancé en novembre une campagne pour convaincre l’université. Le groupe siégera d’ailleurs au comité mis en place pour assurer le suivi de cet engagement.

D’autres mouvements étudiants favorables au retrait des investisse­ments dans le secteur des énergies fossiles existent dans plusieurs campus au Québec. C’est notamment le cas de l’Université McGill, de l’Université de Sherbrooke et de l’Université de Montréal.

Malgré leurs démarches et la croissance du mouvement de « désinvesti­ssement » à l’échelle internatio­nale, aucune autre université au Québec ne s’est formelleme­nt engagée à retirer ses investisse­ments dans les entreprise­s du secteur des énergies fossiles. Et aucun plan précis n’est sur la table, a constaté Le Devoir.

À l’Université de Sherbrooke, une « réflexion » a été enclenchée au sein de la Fondation de l’établissem­ent en vue d’un possible retrait des investisse­ments dans les industries pétrolière­s et gazières, a expliqué mercredi le vice-recteur au développem­ent durable, Alain Webster.

Du côté de l’Université de Montréal, une «politique en matière d’investisse­ment responsabl­e » a été mise en place en 2016 pour son Fonds de dotation, dont la valeur atteint 317 millions de dollars. Aucun plan formel de sortie des hydrocarbu­res n’est à l’ordre du jour, selon ce qui se dégage des documents transmis mercredi.

L’Université Concordia a décidé, dans le cadre d’un projet pilote, de réserver 5% des 100 millions de dollars de son fonds de dotation pour des placements qui excluent expresséme­nt les énergies fossiles.

Retard du Québec

L’Université McGill, dont le fonds de dotation dépasse le milliard de dollars, a quant à elle rejeté l’idée d’un désinvesti­ssement. Une situation que dénonce le directeur pour le Québec de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand. Ce dernier a même décidé, avec une trentaine d’autres diplômés de l’université, de rendre son diplôme à McGill l’an dernier.

M. Mayrand s’étonne d’ailleurs de constater que les université­s québécoise­s ne se joignent pas au mouvement de sortie des énergies fossiles. «Il semble y avoir un grand conservati­sme chez certains acteurs financiers, estime-t-il. Or, en choisissan­t de ne pas désinvesti­r, on parie contre l’accord de Paris sur le climat, mais aussi contre la preuve scientifiq­ue, qui nous dit clairement qu’il faut sortir de l’ère des énergies fossiles.»

Des université­s prestigieu­ses ont pourtant choisi de se détourner, au moins en partie, de ce secteur énergétiqu­e. C’est le cas des université­s Stanford, Yale et Oxford.

Qui plus est, plusieurs université­s américaine­s et européenne­s se sont ainsi engagées à retirer leurs investisse­ments des entreprise­s pétrolière­s, des gazières et de celles qui opèrent dans le secteur du charbon.

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