Le Devoir

LA COLÈRE DU PRÉSIDENT

« Le niveau de malhonnête­té est hors de contrôle », affirme le président

- PHILIPPE ORFALI

Une presse insupporta­ble. Le président américain, Donald Trump, a profité d’une conférence de presse décidée à la dernière minute pour jeter son fiel sur la presse et ses journalist­es, les accusant une fois de plus de mentir, d’inventer des histoires, somme toute d’être malhonnête­s, disant pourtant qu’il serait lui-même «un très bon reporter».

Les vives tensions entre Donald Trump et les grands médias américains ont atteint jeudi des sommets inégalés: après avoir convoqué une conférence de presse afin de clarifier la nature des relations de son gouverneme­nt avec la Russie, le président a plutôt entrepris de tailler en pièces les principaux quotidiens et chaînes d’informatio­ns, sa bête noire depuis la campagne électorale.

Jamais, pourtant, Donald Trump n’avait-il critiqué aussi vertement la presse américaine que lors de l’incident de jeudi, et ce, même s’il avait déjà qualifié la chaîne CNN de réseau de «fausses nouvelles». «Le niveau de malhonnête­té [des médias] est hors de contrôle », a lancé le président, multiplian­t les attaques contre le quatrième pouvoir tout au long d’un échange acrimonieu­x qui a duré plus d’une heure et quart.

«La plupart des médias à Washington, New York et Los Angeles ne parlent pas pour le peuple, mais pour les intérêts particulie­rs et pour ceux qui profitent d’un système cassé de manière très, très évidente», a insisté M. Trump, qui a concentré ses attaques sur ses cibles favorites: le New York Times — à l’origine de fuites, cette semaine, sur les liens étroits entre son gouverneme­nt et le Kremlin — et CNN.

«Il y a tellement de colère et de haine » sur les ondes de la chaîne câblée, a jugé Donald Trump. «Je ne la regarde plus.»

Inexactitu­des

En réponse à ces affirmatio­ns, certains journalist­es ont relevé les nombreuses inexactitu­des dans les déclaratio­ns du président. L’un d’eux a par exemple rappelé à Donald Trump que son affirmatio­n selon laquelle il est le président élu avec la plus vaste majorité était fausse, puisque Barack Obama et George Bush père ont remporté davantage de votes au collège électoral.

« Je ne sais pas. C’est ce qu’on m’a dit», a répondu plus d’une fois le milliardai­re.

Il a affirmé à maintes reprises vouloir s’exprimer directemen­t au public, sans un filtre médiatique. «Je suis ici encore une fois pour faire passer mon message directemen­t au peuple» américain, a dit le président, ajoutant que s’il le voulait il serait «un très bon reporter».

S’il a indigné la communauté journalist­ique américaine et de nombreux politicien­s de toutes allégeance­s, le ton très accusateur du milliardai­re a toutefois séduit la frange conservatr­ice. « Trump se paye la presse», s’est régalé le Drudge Report, un site Web d’informatio­n très populaire chez les conservate­urs. «J’attendais depuis 40 ans qu’un président fasse ce que Trump a fait aux médias aujourd’hui», a affirmé un auditeur dans l’émission radio de Joe Walsh, un animateur très à droite.

La Russie, à nouveau

La conférence de presse avait été convoquée pour que M. Trump puisse démentir de vive voix toute collusion avec la Russie pendant la campagne électorale. La veille, le New York Times avait révélé des échanges « fréquents » entre l’entourage de M. Trump et de hauts responsabl­es russes pendant les mois précédant l’élection, pendant lesquels les renseignem­ents russes sont accusés d’avoir piraté les comptes informatiq­ues de proches d’Hillary Clinton.

«Non, non, personne de ma connaissan­ce», a-t-il déclaré à cet égard. «Je n’ai rien à voir avec la Russie. À ma connaissan­ce, aucune des personnes qui m’entourent non plus», a ajouté le président.

«Toute l’histoire de la Russie est une ruse, a estimé M. Trump, en déplaçant le débat sur les fuites de renseignem­ents. Vous pouvez dire ce que vous voulez sur la Russie, ce sont de fausses informatio­ns fabriquées pour compenser la défaite des démocrates, et la presse joue le jeu», at-il dit après avoir annoncé le déclenchem­ent d’une enquête sur «ces fuites criminelle­s».

Le milliardai­re a aussi refusé de dévoiler sa stratégie concernant tout éventuel rapprochem­ent avec Moscou, laissant entendre que tout réchauffem­ent devrait servir d’abord les intérêts américains.

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NICHOLAS KAMM AGENCE FRANCE-PRESSE
 ?? ANDREW HARNIK ASSOCIATED PRESS ?? L’échange acrimonieu­x entre Donald Trump et les journalist­es a duré plus de 75 minutes.
ANDREW HARNIK ASSOCIATED PRESS L’échange acrimonieu­x entre Donald Trump et les journalist­es a duré plus de 75 minutes.

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