Réduire la dette ou investir dans les écoles ?
La CSDM demande au gouvernement Couillard de revoir ses priorités budgétaires
Qu’est-ce qui est le plus important: réduire la dette publique du Québec ou investir dans l’éducation et les soins de santé? À un mois du dépôt probable du prochain budget, des voix s’élèvent pour mettre la pédale douce sur les versements au Fonds des générations et donner la priorité aux investissements dans les services à la population.
La Commission scolaire de Montréal (CSDM), en tout cas, lance un cri d’alarme: l’état lamentable des écoles et la pénurie de professionnels qui aident les élèves devraient inciter le gouvernement Couillard à revoir ses priorités.
«Qu’est-ce qui est le mieux pour les enfants: placer des milliards pour dans 20 ans ou investir dès maintenant dans le soutien aux élèves?» demande Catherine Harel Bourdon, présidente de la plus grande commission scolaire du Québec, qui gère un budget de 1,06 milliard.
La CSDM a 265 postes de professionnels (orthophonistes, psychologues, orthopédagogues, etc.) à pourvoir. Les besoins sont criants, mais les budgets ne suivent pas pour embaucher du personnel.
Les conditions de travail rebutent certains candidats: les professionnels doivent parfois travailler dans trois écoles, en raison de la pénurie. Les salaires sont moindres que dans le privé. Et la Commission scolaire de Montréal a les élèves les plus poqués, ceux qui ont les plus grands défis d’apprentissage du Québec. Les deux tiers des élèves vivent en milieu défavorisé. La moitié ont une langue maternelle autre que le français. Et un élève sur cinq éprouve des difficultés d’apprentissage.
Catherine Harel Bourdon milite pour que Québec accorde un statut particulier à la CSDM, compte tenu du rôle social qu’elle joue auprès des enfants. Au cabinet du ministre des Finances, Carlos Leitão, on ne se prononce pas sur cette demande, mais on rappelle que Québec a réinvesti en éducation dans le budget de l’an dernier et lors de la mise à jour économique de l’automne dernier.
Ça n’empêche pas le gouvernement de consacrer des fonds à la réduction de la dette: tous les surplus budgétaires des cinq prochaines années, estimés entre 2 et 3,6 milliards par année, alimenteront le Fonds des générations. C’est beaucoup, beaucoup d’argent qui sera mis de côté pour les générations futures, note l’économiste JeanPierre Aubry, fellow associé au CIRANO (Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations).
Réduire la dette
Le Fonds des générations, créé en 2006 par le gouvernement libéral de Jean Charest, a une valeur comptable estimée à 10,5 milliards en 2016-2017. Ces milliards de dollars mis de côté visent à diminuer le poids de la dette publique par rapport à la taille de l’économie. Au 31 mars 2016, la dette brute s’élevait à 53,8% du produit intérieur brut (PIB). L’objectif est de réduire ce ratio à 45% du PIB en 2026.
«C’est une cible ambitieuse. C’est un choix politique qui implique une croissance des dépenses pour les services publics moindre que la demande, dans le but de réduire la dette. Est-ce le bon moment pour faire ça?» s’interroge Jean-Pierre Aubry.
«Tous les experts disent qu’il faut offrir un soutien très tôt dans le système d’éducation, sinon certains jeunes prennent du retard et ne le rattrapent jamais. Il y a des jeunes qui ont encore de la misère à lire au secondaire, et même au cégep et à l’université!» ajoute-t-il.
L’économiste note tout de même un signe encourageant : Québec a dégagé un surplus de 1,95 milliard au cours des huit premiers mois de l’année 20162017. On peut croire que le gouvernement fera des surplus importants dans les prochaines années, en plus des versements prévus au Fonds des générations. Il est possible que Québec puisse investir en éducation et dans d’autres missions tout en respectant les cibles de réduction de la dette, estime JeanPierre Aubry.
Sylvain Caron, président du comité de parents de la CSDM, estime de son côté que l’aide aux élèves est plus urgente que le remboursement de la dette: «Je suis conseiller financier. Quand j’ai des clients dont le toit coule, je leur recommande de moins investir dans leur REER. Si on veut augmenter notre taux de diplomation, il faut rendre les écoles attrayantes. »
Qu’est-ce qui est le mieux pour les enfants : placer des milliards pour dans 20 ans ou investir dès maintenant dans le soutien aux élèves ? Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM