Le chaos et l’incompétence
Autre jour, autres tweets, autres controverses. Le chaos devenant le quotidien de la Maison-Blanche fait les choux gras des médias, que Donald Trump continue à insulter, et alarme de plus en plus de républicains, qui récoltent en cet homme les fruits de la dérive ultrapartisane qu’ils ont opposée à Barack Obama pendant huit ans.
Abrogation d’Obamacare, pourrissement des relations avec le Mexique, décret migratoire antimusulman, rupture avec la «solution à deux États» face aux enjeux éminemment complexes que soulève la question israélo-palestinienne: le tout sur fond de confusion en paroles et en actes. Donald Trump est bien le populiste pur jus que l’on pensait. À savoir: sans idées claires de ce qu’il veut faire de son mandat présidentiel, au-delà de deux ou trois clichés réactionnaires. Soit, le nouveau président est inexpérimenté. Un peu moins d’un mois après son entrée en fonction, la question est de savoir si l’expérience finira par le rendre compétent. Il y a lieu d’en douter.
Dernière tuile en date, en attendant la suivante: le retrait, mercredi, de la candidature de l’antisyndicaliste Andrew Puzder au poste de secrétaire au Travail après la découverte du fait qu’il avait employé au noir une femme de ménage en situation irrégulière. Rien pour redorer le blason d’un gouvernement dont le chef a bâti sa victoire électorale sur la lutte contre les illégaux.
Devant le scandale de l’ingérence russe dans l’élection présidentielle, assorti de soupçons inquiétants de collusion avec l’équipe électorale de M. Trump, ce dernier n’a rien trouvé de mieux à faire jeudi que de menacer de mettre la main au collet des «voyous» à l’origine des fuites qui ont entraîné la démission de son conseiller à la sécurité nationale, Michael Flynn, pour ses conversations téléphoniques pour le moins litigieuses avec l’ambassadeur russe à Washington, Sergey Kislyak. Des menaces qui sont évidemment en parfaite contradiction avec ses propos de campagne au cours de laquelle il s’était publiquement félicité que le site WikiLeaks ait piraté des courriels embarrassants pour son adversaire, Hillary Clinton.
Des menaces qui n’ont par ailleurs pas empêché les fuites de se poursuivre, le Wall Street Journal affirmant que les agences de renseignement font de la rétention d’informations lors du briefing quotidien du président, craignant que son entourage ne soit « compromis » par ses liens avec la Russie. Qu’à cela ne tienne: en conférence de presse hallucinante jeudi après-midi, dans une autre de ses interminables diatribes contre une presse «pleine de haine», M. Trump a déclaré que les informations disséminées sur la question russe étaient entièrement «fausses» et que son gouvernement, loin d’être chaotique, était au contraire «comme une machine bien réglée».
Une machine bien réglée ? De plus en plus de républicains ont du mal à dissimuler leur effroi envers un homme que la «machine» républicaine aura finalement accepté de soutenir. À la lumière des cafouillages au sommet du pouvoir, le sénateur John McCain s’est alarmé relativement à une « indication troublante du dysfonctionnement actuel» de l’appareil de sécurité national. « Qui prend les décisions [à la Maison-Blanche] ? s’est-il interrogé. Personne ne sait qui prend les décisions.» Les républicains paniquent d’autant plus que, maîtres du Congrès et maintenant de la présidence, ils pouvaient rêver d’imposer leurs quatre volontés conservatrices. En lieu et place, ils sont hypothéqués pour l’heure par un président qui leur nuit.