De la parole aux actes
En 2009 et 2010, le Globe and Mail a dépensé environ un million de dollars en frais juridiques pour protéger l’identité des sources à l’origine des révélations sur le scandale des commandites. L’affaire a dû se rendre jusqu’en Cour suprême. Et tout cela parce qu’il n’existe aucune loi au Canada protégeant les sources journalistiques.
Le Canada est un des rares pays démocratiques et développés à ne pas avoir de loi du genre. Cela n’est pas sans conséquence. Il suffit de rappeler les révélations faites l’automne dernier sur les journalistes québécois qui ont été l’objet de surveillance policière dans le seul but d’identifier leurs sources.
La protection des sources est un principe fondamental en journalisme. Le travail journalistique, surtout d’enquête, est impossible sans une relation de confiance entre un reporter et la personne qui accepte, souvent en courant de grands risques, de lever le voile sur des malversations ou des problèmes au sein d’un gouvernement, d’une entreprise ou d’une organisation. Si les journalistes ne peuvent garantir l’anonymat de leurs sources et deviennent malgré eux des outils policiers, on se méfiera d’eux, ce qui les empêchera d’alerter le public sur ce qui se passe dans l’ombre.
Le gouvernement Trudeau, qui parle volontiers de l’importance de la liberté de presse en société démocratique, n’a pas levé le petit doigt pour remédier à la situation. Il sera toutefois forcé de se commettre puisque le projet de loi sur la protection des sources journalistiques (S-231), présenté en novembre dernier par le sénateur conservateur Claude Carignan, suit son bonhomme de chemin au Sénat et est actuellement à l’étude en comité.
Ce qui ressort des audiences pour l’instant est clair. Le projet fait l’unanimité au sein des plus grands médias d’information et des associations de journalistes qui sont venus le répéter mercredi et jeudi devant le comité, Le Devoir étant du nombre. Ce projet n’est pas parfait. Des ajustements sont suggérés, mais tout le monde s’entend pour dire qu’il doit être adopté. Et vite !
Le gouvernement Couillard a mis sur pied une Commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques, qui doit faire rapport d’ici le 1er mars 2018. Elle pourrait aller jusqu’à recommander l’adoption d’une loi sur la protection des sources journalistiques.
Cette protection est elle aussi nécessaire, mais ne peut suffire. Le Code criminel et les dispositions autorisant la délivrance de mandats de surveillance relèvent du gouvernement fédéral, d’où l’importance du projet de loi Carignan. Le gouvernement Trudeau doit par conséquent prendre la balle au bond et appuyer ce projet de loi sans tout reprendre à zéro. mcornellier@ledevoir.com