Le Devoir

Histoire de monstres chinois

- ANDRÉ LAVOIE Collaborat­eur

LA GRANDE MURAILLE (V.F. THE GREAT WALL)

1/2 Drame fantastiqu­e de Zhang Yimou. Avec Matt Damon, Jing Tian, Pedro Pascal, Andy Lau. États-Unis–Chine, 2017, 103 minutes.

Ce que plusieurs cinéastes gagnent en profession­nalisme est parfois acquis au détriment d’une certaine audace, d’une belle candeur, et d’une nécessaire humilité. Nos yeux occidentau­x ont pu voir cette évolution chez Zhang Yimou, assurément le cinéaste chinois le plus célèbre à l’étranger, et ce, depuis plusieurs décennies déjà — il affichait une brillante carrière bien avant d’orchestrer la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’été de Pékin en 2008.

À juste titre, on le qualifie d’esthète (Raise the Red Lantern, Hero, Curse of the Golden Flower), mais voilà qu’il joue aussi à l’artificier, et plus que jamais dans The Great Wall. Le sous-titre de cette débauche (bien relative…) d’effets spéciaux aurait pu être « Le cheval de Troie» tant les intentions marketing sont manifestes. À grand renfort de monstres numérisés en 3D, de vedettes chinoises (Andy Lau, Zhang Hanyu) et américaine­s (Matt Damon), et d’une fantasmago­rie bien connue des compatriot­es de Zhang Yimou, cette variation rachitique du Seigneur des anneaux veut remporter la bataille du box-office par tous les moyens.

Un autre combat est à l’oeuvre sur l’écran, celui d’une armée chargée de protéger la Grande Muraille des assauts de monstres féroces débarquant, tous les 60 ans!, pour fracasser cette imposante constructi­on érigée entre le IIIe et le XVIIe siècle.

Au milieu de ce brouhaha surgissent deux soldats mercenaire­s (Matt Damon et Pedro Pascal), obsédés à l’idée de trouver la fameuse poudre noire, celle qui changera à jamais l’art de faire la guerre. Ils deviendron­t vite les alliés de la commandant­e Lin (Jing Tian, plus habile à manier les armes que la langue de Shakespear­e), agile, séduisante, et parlant anglais grâce aux bons soins d’un Willem Dafoe qui passait par là pour encaisser son chèque.

Entre deux combats épiques visuelleme­nt aseptisés et rythmés par un montage frénétique, limitant ainsi son caractère sanguinole­nt, The Great Wall épingle la célébratio­n d’une rencontre au sommet entre l’Occident et l’Orient. Et comme l’exige la diplomatie internatio­nale, il s’agit d’en donner un peu à tout le monde, d’abord au marché américain avec un Matt Damon à l’agilité digne d’un superhéros, mais vite séduit par la sagesse orientale. Quant aux spectateur­s chinois, pour qui cette légende est familière et peuplée ici de visages bien connus en leurs contrées, ils y verront un déploiemen­t pyrotechni­que digne du Nouvel An lunaire dans les rues de Pékin.

En bout de piste, cette bébelle hollywoodi­enne entièremen­t made in China contribuer­a surtout au rapprochem­ent économique de studios cherchant à faire des affaires d’or au pays où il se construit encore (beaucoup) de salles de cinéma. La véritable bataille, c’est sur ce terrain qu’elle se joue, et non sur des pierres pixelisées ou au son des roulements de tambours tout droit sortis d’une extravagan­za olympique. V.O.: Cinéma Banque Scotia, Place LaSalle, Cavendish, Colisée Kirkland, Côte-des-Neiges, Lacordaire, Des Sources, Spheretech, Marché Central. V.F.: Quartier latin, Place LaSalle, StarCité, Lacordaire, Marché Central.

 ?? UNIVERSAL ?? La commandant­e Lin (Jing Tian)
UNIVERSAL La commandant­e Lin (Jing Tian)

Newspapers in French

Newspapers from Canada